Angela Merkel l’a suggéré: créons un “Internet européen”. Je soutiens fermement cette idée. A l’heure actuelle, la plupart des fournisseurs de services Internet sont américains. Et les fournisseurs de réseaux de base (backbone providers) sont par ailleurs tous des sociétés américaines. La législation américaine les oblige à fournir au gouvernement américain, sur demande, toute information dont ils sont dépositaires. Et cela, même si l’information est stockée en Europe. Le message qu’envoie le procès engagé – et récemment perdu – par Microsoft, qui s’opposait à cette obligation de livrer les informations stockées en-dehors des USA si le gouvernement américain les réclamait, ne saurait être plus clair: les Etats-Unis sont bel et bien ‘Big Brother’ et ce n’est de toute évidence pas ce que nous, Européens, désirons. Même les entreprises américaines s’y opposent. Mais que pouvons-nous faire?
Si nous conservions toutes les données européennes au sein de réseaux européens et auprès de sociétés européennes, il n’y aurait plus aucune obligation de fournir les données, que ce soit à la NSA ou aux services gouvernementaux américains en général. Les réseaux européens seraient directement interconnectés, plutôt que de passer par les backbone providers américains. Nous pourrions créer une sorte d’espace Schengen pour nos données.
D’une part, la circulation des données serait accélérée si les informations ne devaient plus faire l’aller-retour aux Etats-Unis. D’autre part, plus les données restent au sein d’un réseau européen, plus le risque est faible qu’elles soient utilisées contre nous par des tiers. Nos données seraient certainement davantage sécurisées qu’actuellement.
Concrètement, cela serait faisable en reliant les “European Internet Exchanges” entre eux. Chaque pays dispose au minimum d’un Internet Exchange; la Commission européenne pourrait encourager des liaisons encryptées directes entre ces différents réseaux de trafic de données.
Et puisque nous réfléchissons à un Internet européen, profitons-en pour repenser l’architecture de l’internet en général. Nous pourrions rendre l’infrastructure plus robuste. Pour trouver de nouveaux accords en matière de protocoles, tout en veillant à ce qu’Internet reste ouvert et neutre. Autres exemples: rechercher et imaginer des solutions pour éviter que les virus informatiques ne se propagent mondialement en quelques seconds. Tenter de limiter le spamming. Les attaques DDoS constituent toutefois le problème le plus important ; nous devrions donc vraiment essayer de rendre le ‘Denial of Service’ impossible. Une infrastructure anti-DDoS innovante – NaWas – a été développée aux Pays-Bas ; ce genre d’initiatives et de compétences sont bel et bien disponibles en Europe.
Réunissons dès lors chercheurs académiques et experts, théoriciens et praticiens, au sein d’un think-tank afin d’améliorer notre Internet et le rendre plus sûr et plus efficace. Je pense que l’Europe devrait jouer un rôle de premier plan en la matière. Entre autres bénéfices, cela repositionnerait l’Europe en tant qu’acteur ayant à la fois vision et potentiel, qui acteur avec qui compter…
Laurens van Reijen
CEO de LCL data centers
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