La régionalisation a de sérieuses répercussions sur l’orientation de l’informatique des pouvoirs publics dans la mesure où une régionalisation plus poussée nécessitera d’importants investissements dans l’informatique des pouvoirs publics. Même si la crise politique la plus longue de notre histoire est heureusement derrière nous, elle a engendré un long statu quo pour l’informatique des administrations publiques. Il faudra du temps pour rattraper les retards.
Ces derniers mois – et ces dernières années – c’est surtout la question du financement qui est au cœur du débat sur la régionalisation des compétences : qui reçoit combien de milliards pour faire quoi ? Qui peut disposer des budgets ou des recettes fiscales ? De prime abord, il s’agit d’un simple jeu de ‘donnant-donnant’. Mais qu’en est-il des répercussions sur les systèmes sous-jacents ? A ce niveau, les choses sont loin d’être évidentes pour les politiciens… et encore moins pour la population. Or, ces systèmes reposent en grande partie sur des applications informatiques. L’inertie entraînée par les longues négociations politiques jusque fin 2011 s’est traduite pour l’informatique des pouvoirs publics par un retard de plus en plus grand… et cela, alors que des investissements colossaux s’avèrent indispensables.
Notre société vit au rythme des technologies de l’information. Chaque ménage ou presque possède un ordinateur et une connexion Internet. Et dans les familles, on ne compte plus les appareils mobiles – iPads, smartphones et autres gadgets électroniques. Le monde des affaires et les pouvoirs publics ne peuvent plus se passer de la puissance de calcul phénoménale des ordinateurs. Parallèlement, ces mêmes pouvoirs publics facilitent la vie administrative du citoyen en automatisant toutes sortes de tâches. Un simple exemple : aujourd’hui, le citoyen peut demander des documents en ligne sur le site de sa ville ou de sa commune. Et le contribuable peut retrouver directement sur Tax-on-Web une partie des données concernant ses revenus et les déductions autorisées. Sans l’IT, tout cela serait impossible.
Mais… Parce qu’il y a un grand mais…
La théorie et la pratique
C’est précisément parce qu’il existe tant de systèmes informatiques derrière chaque administration qu’il sera particulièrement compliqué de les dissocier lorsque les compétences et les impôts qui leur sont associés devront être répartis entre les Régions ou les Communautés. Cette complexité était déjà apparue lors de la précédente régionalisation des compétences. En 2001, il avait été décidé notamment de transférer 13 impôts fédéraux aux Régions. Mais dans les faits, seul un nombre limité de ces impôts a effectivement été transféré.
Une régionalisation rondement menée des systèmes d’information ne peut réussir que si elle s’accompagne d’une réflexion préalable. Il serait donc opportun d’anticiper dès à présent la régionalisation et de prendre aujourd’hui les mesures qui s’imposent pour permettre une scission la plus harmonieuse possible des systèmes IT.
Se pose par ailleurs la question cruciale de savoir quel type de structure mettre en place : centralisée ou décentralisée ? Une structure centrale accessible à tous et dont la puissance de calcul et l’accès aux données seraient proposés sous la forme d’un service, ou une structure décentralisée où les données pourraient être aisément échangées entre les différents niveaux. L’exemple de la Banque Carrefour montre clairement que les pouvoirs publics peuvent réaliser d’importantes économies en adoptant une gestion centralisée des bases de données, indépendante des diverses instances. Il est tout à fait envisageable d’appliquer des réglementations différentes aux mêmes sources de données. Dans ce cas, il est essentiel que les ministres compétents respectifs collaborent réellement en ce sens. Ce qui représente un aspect toujours délicat – surtout si cette coopération chevauche plusieurs niveaux (régions et fédéral).
L’un des points à propos desquels les pouvoirs publics devront élaborer une stratégie équilibrée concerne la propriété des données, en l’occurrence des informations conservées à propos du citoyen: de qui proviennent ces données ? Où peuvent-elles résider ? Les données fiscales de citoyens flamands pourront-elles être stockées sur des ordinateurs physiquement installés en Région wallonne ? Qui garantira l’authenticité des données ?
Qui n’avance pas, recule…
On le voit, ce ne sont pas les sujets de réflexion qui manquent ! Mais entre temps, il ne se passe rien. Plus grave encore, en attendant la prochaine vague de régionalisation, plusieurs Services Publics Fédéraux sont d’avis qu’il est préférable de ne plus investir dans de nouveaux systèmes “puisqu’ils seront bientôt régionalisés”. L’informatique des pouvoirs publics a déjà – souvent à tort – une image assez peu reluisante. Peu à peu cependant, l’absence d’investissements aura des répercussions palpables. Y compris pour des entreprises qui se spécialisent dans la fourniture de conseils et solutions au secteur public.
Le monde de l’IT change particulièrement vite. Ici plus qu’ailleurs, quiconque n’avance pas, recule. Une régionalisation plus poussée exigera d’importants investissements de la part des différents pouvoirs publics. Les services publics doivent anticiper dès maintenant l’impact de cette régionalisation et continuer à investir dans les systèmes existants. Car ceux-ci seront encore nécessaires demain. Plus les investissements dans les systèmes existants sont reportés, plus le retard pris par l’informatique des pouvoirs publics augmente et plus le budget nécessaire pour rattraper ce retard sera important.
Et, en dehors du secteur IT proprement dit, personne ne verra d’un bon œil que le citoyen soit bientôt contraint de payer deux fois la note…
Saskia Van Uffelen
directrice générale de Bull Belux
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