Voo est engagée dans un processus d’objectivation de ses données clientèle afin d’optimiser l’efficacité de ses campagnes promotionnelles mais, surtout, la pertinence des solutions et services qu’elle propose aux média-consommateurs, qu’il s’agisse de télévision, d’Internet ou de téléphonie.
Ce processus s’appuie largement sur de nouvelles solutions d’aide à la décision et d’analytique qui, pour certaines, doivent encore être choisies. Un processus enclenché dès 2009, lors du lancement du premier VooCorder. Et il ne s’agit pas d’une coïncidence. En quelque sorte, la nature-même, la finalité de ce produit et le “profil” du public auquel il s’adresse nécessitaient de passer d’un mode attentiste à un potentiel de réaction nettement plus rapide et pertinente face aux comportements (achat, dédain, risque d’infidélité…) de la clientèle.
Lâcher les freins
Le projet “Vision BI” qui a été initié afin de baliser une stratégie décisionnelle globale ne fut pas uniquement l’occasion de choisir de nouveaux outils décisionnels, de faire le tri dans le catalogue existant, mais aussi de repenser la structuration et les compétences des équipes, la répartition des rôles entre décideurs “métier” et équipe IT, entre informaticiens, analystes et autres data miners.
Côté outils, un sérieux coup de neuf était nécessaire. Jusqu’en 2009, le principal logiciel utilisé pour la création de rapports était encore Excel. Ce qui posait un problème de limitation fonctionnelle mais impliquait aussi des risques d’incohérences, voire de sécurité d’informations puisque les rapports étaient envoyés et relayés par courriel.
Autre souci: la grande diversité des outils BI utilisés par les divers départements (Excel, Access, Business Objects, outil de visualisation spécifique…).
“A l’époque [avant 2009], Voo ne disposait pas d’une base complète pour gérer des campagnes, tout simplement parce qu’il n’était pas possible d’extraire et de traiter les données”, explique Pierre-Olivier de Viron, advanced and predictive analytic manager chez Voo depuis 2010. “Excel permettait tout au plus de gérer 65.000 lignes [Ndlr: alors que la clientèle flirte avec le million d’abonnés]. Access ne pouvait aller au-delà d’un volume de 2 Go…”
Une solution a été trouvée grâce à la société belge Business Insight et à son outil ETL (extract, transform, load) Anatella qui faisait soudain tomber toutes les limitations en termes de volumes et d’extraction à partir de diverses sources.
Autre souci qu’il a fallu résoudre: chaque département ou équipe business opérait dans son coin ses propres extractions et analyses de données. “Il est certes intéressant que le business puisse effectuer des transformations sur les données lorsque c’est nécessaire, mais c’est loin d’être le scénario idéal”, estime Pierre-Olivier de Viron. “Il est nettement préférable qu’un département analytique dédié puisse tester par exemple les corrélations entre diverses variables et les comportements client.”
Priorité à la fidélisation
“Grâce à la solution TIMi de Business Insight, nous avons pu développer toute une série de modèles de rétention de clientèle.” Et c’est là un élément jugé fondamental dans la stratégie commerciale de l’opérateur. Compte tenu de la saturation du marché, celui des télécoms en particulier, la meilleure manière – sinon la seule – qu’a un acteur d’accroître sa base installée et son chiffre d’affaires est de débaucher des utilisateurs auprès des concurrents. “Désormais, la meilleure façon d’acquérir des clients est en fait de les garder.” Et de multiplier les produits et services à leur faire consommer. “Dans ce contexte, la business intelligence devient stratégique pour déterminer les actions optimales à prendre pour les fidéliser.”
Pierre-Olivier de Viron (Voo): “Déterminer quelles sont les actions optimales à prendre afin de garder les clients est devenu un objectif stratégique de la BI.”
Pour l’aider à préciser l’agenda stratégique global de la BI et à définir les choix à opérer (choix d’outils harmonisés, réorientation des compétences, mise en oeuvre d’un master data management…), Voo s’est fait aidé par un prestataire externe, en l’occurrence Micropole (anciennement Velixis), chargé de “formuler des recommandations sur toutes les actions à prendre pour passer de la situation actuelle à l’objectif défini.”
Cet objectif, c’est Voo qui l’a déterminé, du moins dans sa forme globale. Par contre, l’opérateur avait notamment besoin d’aide pour préciser le type de gestion à mettre en oeuvre en termes de données et de leur utilisation.
Le tout est non seulement d’exploiter judicieusement les données à disposition mais aussi de bien calibrer les scénarios, le type d’action. Si la rétention de clientèle est la priorité et le moyen, reste à éviter par exemple les promos trop agressives qui n’auraient d’autre résultat que d’attirer surtout les chasseurs de bonnes occasions “qui, par définition, ne sont pas des clients fidèles. Ce ne sont donc pas forcément les clients que l’on veut acquérir. D’une part, parce qu’ils coûtent cher et, d’autre part, parce qu’ils ne restent pas longtemps…”
Chacun son rôle
Le projet Vision BI est aussi l’occasion de repréciser le rôle des différentes équipes dans la chaîne analytique: infrastructure, architecture, pôle IT, pôles business (service client, commerciaux, recouvrement.)…
Mieux cerner le profil et le “comportement” de chaque client…
“Jusqu’à présent, des data miners opéraient dans deux ou trois pôles business”, indique Pierre-Olivier de Viron. “Cela n’a guère de sens dans la mesure où cela ne favorise pas une vue globale et une réactivité par rapport au problème à combattre qui est la perte de clients. Pourquoi partent-ils? Quelles en sont les causes? Est-ce lié au réseau, au tarif, aux temps d’attente lors des contacts avec le service clientèle…? Il y a nettement plus de valeur à avoir une équipe centralisée.”
Par contre, des profils de business analysts, eux, ont tout intérêt à être le plus proche possible du business et, dès lors, d’opérer de manière décentralisée, pour générer des rapports plus précis et pertinents.
Les responsabilités BI conférées au pôle IT ont également été ré-analysées. L’équipe IT était jusqu’ici chargée des premières couches de transformations des données. Là aussi, l’arrivée de Pierre-Olivier de Viron en 2010 a permis de revoir l’utilité de ce rôle. Avec le constat immédiat que les développeurs BI de l’équipe IT n’avaient que peu de connaissances des réalités – et dès lors des besoins concrets – du business.
Pierre-Olivier de Viron (Voo): “L’une des raisons d’être du projet Vision BI est de donner du sens au développement des modèles.”
Aujourd’hui, l’équipe advanced and predictive analytics de Pierre-Olivier de Viron se compose de trois personnes. Profils? Notamment un advanced analyst qui est chargé “d’explorer les données, d’y dénicher des signaux simples révélant une corrélation entre données et comportement client. Il lui revient d’expliquer un signal faible d’un point de vue business, de déterminer si un comportement est ponctuel ou continu.”
Sur base de ce que cet analyste aura débusqué, une deuxième personne se charge de créer des modèles afin de pouvoir détecter ces signaux faibles “de manière industrielle”. Cette “industrialisation” doit permettre à la fois de simplifier et de systématiser par exemple la préparation des données ou le recalibrage des modèles.
Apprendre à prédire
C’est grâce aux outils de Business Insight que Voo a fait ses premiers pas dans l’analyse prédictif. Mais la société, hormis son département advanced and predictive analytics, n’en est encore qu’au début de sa courbe d’apprentissage et d’utilisation.
Aujourd’hui, une bonne cinquantaine de personnes utilisent l’outil ETL Anatella de Business Insight, essentiellement dans les départements commercial et support clientèle.
TIMi, outil de création de modèles décisionnels, est moins répandu. Essentiellement parce que la création de ces modèles est désormais l’apanage quasi exclusif de l’équipe Advanced analytics de Pierre-Olivier de Viron mais aussi parce que les départements business ne sont pas encore jugés aptes à exploiter utilement des outils d’analyse évoluée, a fortiori de nature prédictive.
A l’avenir, la manière de procéder pourrait s’organiser en deux temps: élaboration de modèles en environnement “sandbox” (essai et validation) par l’équipe d’analystes prédictifs et, après vérification d’une adéquation avec les besoins business, transfert vers l’équipe BI pour optimisation et intégration dans l’environnement de production. “Cela améliorera le partage des données tandis que les départements business gagneront en confiance par rapport aux transformations de données opérées puisqu’ils en auront été la source.”
“La pierre d’achoppement ne situe pas tellement du côté des compétences en analytique prédictive”, estime Pierre-Olivier de Viron, “mais plutôt un stade avant, au niveau de l’équipe architecture. Jusqu’ici, tant que le BI restait traditionnel, tout se passait bien. Mais avec l’arrivée du big data, de nouvelles compétences sont nécessaires pour assurer l’efficacité de l’architecture.”
“Sur la masse totale de clientèle, le fait de pouvoir éviter le départ ne serait-ce que de 500 clients peut rapporter plus de 20.000 euros par mois. Cela vaut donc la peine de faire plancher une personne sur un modèle. Même si ce modèle ne demeurera pertinent que 4 mois.”
L’infrastructure, elle aussi, devra se mettre à la page pour traiter efficacement les deux caractéristiques essentielles du big data que sont les volumes énormes de données et leur vélocité. “Pour un projet en particulier, nous en sommes déjà à un milliard d’enregistrements à traiter. Dans un an, ce sera un milliard d’enregistrements… par mois.” Cette explosion sera notamment induite par la nouvelle génération de décodeurs et, avec eux, par l’intérêt, pour ne pas dire la nécessité stratégique qu’il y a pour Voo d’analyser, comprendre et exploiter de manière pertinente l’utilisation que les utilisateurs font de leur “zapette”.
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