La mission de la sonde américaine DART (Double Asteroid Redirection Test) a fait les gros titres ces derniers mois. Sa mission ? Se rapprocher d’un système de deux astéroïdes composé de Didymos (780m de diamètre) et de sa lune Dimorphos (160m de diamètre) et – spécificité majeure – effectuer une opération de “défense planétaire”.
En l’occurrence, tenter – et l’expérience fut réussie – de modifier la trajectoire d’un astéroïde qui menacerait la Terre ou tout autre corps ou engin céleste. Le “cobaye” pour cette expérience était en l’occurrence la lune Dimorphos.
Pour observer les effets tant immédiats qu’à plus long terme de l’opération, une autre mission, baptisée HERA, est en préparation au niveau de l’ESA. HERA fera office de poste avancé d’observation pour collecter un maximum de données scientifiques ayant trait aux effets de la mission DART (observation du cratère, aspect de l’astéroïde, analyse des éjections de matière, étude de corrélation entre l’impact et l’orbite…).
Lancement de l’engin: octobre 2024 – une fenêtre de tir qu’il faudra impérativement respecter pour profiter au maximum d’un alignement des planètes. Si le tir ne peut se produire en temps voulu, il faudra programmer un autre tir et cela exigera sans doute une fusée plus puissante….
La Belgique sera largement représentée dans cette mission, non seulement au travers des scientifiques qui y participeront mais aussi en termes de technologies utilisées. La majeure partie de la fine toile de contrôle du vaisseau, de format cubique (masse: 800 kg), et des deux nano-satellites cubesats (Milani et Juventas) qu’il embarquera, de leurs trajectoires, et la surveillance de leurs paramètres fonctionnels reposera en effet sur de la technologie belge. A la manoeuvre, en coulisses: Spacebel.
Missions confiées aux deux cubesats: collecter des données scientifiques détaillées sur Dimorphos, son environnement, sa structure, et évaluer une nouvelle technologie de liaison inter-satellites.
Simuler les conditions et contextes de la mission
Le rôle que joue Spacebel dans le cadre de cette future mission HERA consiste à développer, tester, déployer et superviser le fonctionnement de plusieurs simulateurs – des logiciels de validation et de simulation de fonctionnement de toute une panoplie de systèmes (éléments et équipements des satellites, logiciels embarqués).
Outre le fonctionnement des dispositifs matériels et logiciels, les simulateurs doivent également modéliser et valider le bon fonctionnement des communications entre le satellite (qui communiquera via télécommandes et télémétrie) et les systèmes au sol, installés, selon le cas au centre de contrôle de Redu ou au centre de contrôle central de l’ESA (Darmstadt). Idem pour les communications entre la sonde principale HERA et les deux nano-satellites et le relais de ces données cubesats vers les deux centres de contrôle italiens qui, au sol, en ont la charge.
La responsabilité des relais de ces données vers les centres de contrôle au sol incombe, là aussi, à Spacebel, qui, au passage, procèdera aux formatages nécessaires. “Nous sommes responsables de la définition et du développement de tous les composants nécessaires à de bonnes communications, entre tous les maillons de la chaîne”, souligne Catherine Praile, responsable de l’unité Mission & Control chez Spacebel.
Petit coup d’oeil sur les différents simulateurs développés par la société…
Un premier simulateur SVF (SoftwareValidation Facility) intervient au niveau de la validation fonctionnelle des logiciels embarqués à bord de la sonde, afin de vérifier le bon fonctionnement, en toutes circonstances, de l’électronique et des dispositifs de bord: ordinateur de bord, microprocesseurs, équipements, instruments embarqués, actuateurs, logiciels de vol…
Catherine Praile (Spacebel): “Si chaque société qui en est le concepteur est responsable de la validation de ses logiciels, c’est Spacebel qui est responsable de la validation du fonctionnement de l’ensemble”.
Les simulations devront envisager tous les scénarios possibles et imaginables – pour éviter toute mauvaise surprise. “C’est l’avantage d’un simulateur numérique”, souligne Rachid Atori, responsable des activités Simulation chez Spacebel. “On peut pousser les modèles très loin, pour injecter des erreurs en tous genres. Par exemple des erreurs mémoire. Le but est de vérifier si l’on est capable d’isoler les cellules déficientes et si le système peut réparer l’erreur.”
De même, des incidents tels qu’une rupture de câble, un indicateur erroné de température… seront simulés et scénarisés. Idem pour des changements “inopportuns” de comportement.
Un autre simulateur, baptisé TOMS (Training Opérations Maintenance Simulator) servira notamment à l’entraînement des opérateurs, à des essais systèmes ou, en cas d’anomalie, de socle pour des analyses de causes. Ce logiciel de simulation sera codéveloppé par Spacebel et GMV (société espagnole), pour les besoins du centre ESOC (centre européen des opérations spatiales) de l’ESA à Darmstad.
Un autre SVF (Software Validation Facility) est quant à lui conçu spécifiquement pour les besoins de modélisation des comportements physiques et mathématiques des équipements, de l’orbite, des déplacements et évolution dynamique de la sonde. Destinataire de cet eSVF (enhanced Software Validation Facility): l’ESA qui l’utilisera dans son centre de contrôle pour des essais de guidage, de navigation et de contrôle (trajectoires, orbites, altitudes, fonctionnement des tuyères…) afin d’optimiser les chances de succès de la mission HERA.
Ne rien laisser au hasard
“Le but des logiciels de bord [pour la plupart développés par Spacebel] est d’assurer le contrôle de toutes les fonctions du satellite et de la plateforme, c’est-à-dire de tous les équipements qui assurent le bon déroulement de la mission: positionnement de la sonde Hera, distribution de puissance à bord, gestion des différentes phases de la mission, de paramètres de température. Le but est aussi d’effectuer le contrôle des instruments scientifiques à bord”, explique Paul Parisis, responsable de la division Flight Software de Spacebel.
“Le logiciel de Spacebel assurera le relais entre le sol et les instruments, qu’il s’agisse de commandes aux instruments, de relais de commandes venant du sol, ou de mesures d’état des instruments.
Autres informations collectées et gérées: les images, qui sont stockées temporairement à bord avant d’être déchargées vers le centre au sol. Spacebel, elle-même, n’aura aucun rôle dans le traitement de ces images mais, par contre, certaines images sont utilisées à bord des engins pour leur navigation. A ce niveau, ce sont des algorithmes, basés sur la vision automatique, qui sont à l’oeuvre. En s’appuyant sur des images obtenues par les instruments (données d’altimétrie, images thermiques infra-rouges…). Spacebel joue ici, en quelque sorte, le rôle de chef d’orchestre.”
Les logiciels Spacebel seront également à l’oeuvre pour le contrôle d’éjection des deux nano-satellites Milani et Juventas. “Ils sont dotés des mêmes fonctionnalités que la sonde Hera, en ce compris des caméras. Leur contrôle équivaut donc à celui d’instruments supplémentaires.” Et les mêmes fonctionnalités seront à l’oeuvre, notamment pour la surveillance des relais de commandes et de télémétrie entre les deux cubesats et la sonde Hera qui, elle-même, renverra le tout vers la terre.
Les exercices de modélisation et de simulation ne sauraient par ailleurs faire l’impasse sur des aspects plus sécuritaires de missions stellaires. Un aspect des choses qui fait dès lors partie intégrante des projets confiés à Spacebel. Par exemple, pour la sécurisation des communications, la compression et le relais des données, la vérification des clés de chiffrement…
Le développement des simulateurs a débuté voici déjà deux ans mais le travail continue de se faire au gré de la finalisation – voire de la modification – des spécificités des logiciels embarqués, voire de certains instruments. “Aujourd’hui”, déclare Rachid Atori, “la quasi-totalité des modèles ont été développés. Il reste encore notamment à intégrer les communications ISL (inter satellite link) pour les communications entre la sonde HERA et les deux nano-satellites. Le simulateur opérationnel TOMS, lui aussi, est quasiment au point.”
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