La “transformation” – ou “transition” – numérique des entreprises et de leurs processus implique de déployer des solutions et d’exploiter utilement les données qu’elles génèrent et/ou collectent, en quantités et variété plus ou moins grandes, et d’orchestrer les différents outils et processus. En ce compris lorsque certains d’entre eux sont logés dans le “cloud”.
L’Intelligence Artificielle, autrement dit l’analyse et l’exploitation pertinentes des données collectées, est perçue comme l’un des leviers pouvant le permettre ou le faciliter. C’est dans ce scénario que s’inscrit le projet “PRIAM” (acronyme de “Projet IA pour la maintenance”), retenu par le jury du programme Tremplin IA wallon.
Par le biais de ce projet de type proof of concept (étude de faisabilité vérification de pertinence), les quatre initiateurs du projet – Performance for Assets (P4A), i-Care, Maintenance Partners Wallonie et i-Pulses – se proposent de développer un cadre et une plate-forme modulable et personnalisable que toute entreprise, quels que soient son domaine d’activités, sa taille et son degré de maturité numérique, pourrait utiliser pour se lancer dans des projets de transition ou de transformation numérique et d’automatisation de suivi d’activités sur base des données et de leur analyse.
Les dessous de PRIAM
La présence du terme “maintenance” dans l’intitulé du projet peut être trompeur, dans la mesure où l’objectif dépasse largement l’idée de maintenance “intelligente” voire “prédictive” des processus de production et de gestion (l’une des promesses – ou des finalités – de ce que l’on appelle l’“industrie 4.0”).
Le terme maintenance semble en fait avoir été choisi dans le cadre d’un premier scénario, élargi par la suite, imaginé par les quatre partenaires du projet, tous orientés modernisation et gestion de processus industriels.
i-Care et Maintenance Partners Wallonie, les deux bénéficiaires du projet POC, sont clairement positionnés sur le terrain de la maintenance prédictive. C’est d’ailleurs en alliant leurs compétences qu’ils ont donné naissance, en collaboration avec Vinçotte, à Performance for Assets.
Cette dernière et i-Pulses se situent quant à elles davantage dans le registre de l’analyse des données.
Dans le cadre de ce projet, les quatre acteurs combineront divers apports et connaissances: capteurs, plates-formes de gestion, intégration, analyse de données, expertise métier…
“Le but est de développer un démonstrateur, une solution simple, un système qui soit financièrement et technologiquement accessible et adoptable par les PME”, souligne Pierre Colon, responsable Customer Care chez P4A (tout en continuant à travailler à temps partiel pour iCare en tant que “asset director”). “Il s’agit de leur démontrer que la maintenance prédictive, l’optimisation de performance et l’intelligence artificielle, souvent des concepts apparaissent comme nébuleux, sont accessibles et applicables par tous. Que même des PME peuvent s’engager dès maintenant dans la voie de l’industrie 4.0. La maturité technologique au sein de l’entreprise, ou sa taille, sont des paramètres peu importants.”
Il cite un exemple déjà vécu par une société locale, somme toute modeste. Stüv, producteur de poêles, a inséré dans ses produits un capteur “d’une valeur de 12 euros”, qui surveille le fonctionnement (durée, qualité, performance, contexte…) du poêle et identifie des sources ou risques de panne potentielle. “Les données sont envoyées préventivement au technicien. Lorsque ce dernier reçoit une alerte de panne possible sur un équipement, il peut immédiatement programmer un contrôle chez tous les autres clients utilisant le même poêle. L’investissement de départ, pour Stüv, est minime mais l’avantage est énorme.”
Des briques techniques et métier
La plate-forme – faisant office de démonstrateur – qui sera construite, intégrée et validée, se composera d’une série de modules librement assemblables. Des modules ayant diverses finalités et des fonctionnalités bien spécifiques, dans le but de collecter, transvaser et permettre l’exploitation via la plate-forme centralisée de (sources de) données en tous genres, structurées ou non. Qu’elles viennent par exemple de capteurs de tous types (capteurs de pression, de température…), d’outils de collecte de données encodées par le biais de listes de contrôle, de drones…
But du projet PRIAM: “Démontrer l’accessibilité technique et économique de solutions de maintenance prédictive et l’optimisation des performances à tous les acteurs industriels et en particulier aux PME.”
La plate-forme IT, développée par P4A, devra donc intégrer ces différentes données et leur appliquera des fonctions et mécanismes d’analyse basés notamment sur l’apprentissage automatique ou profond (machine learning, deep learning).
“Elle intègrera une série d’outils déjà préexistants – chatbots, modules d’apprentissage profond… Nous n’allons pas réinventer la roue. Dans le domaine de la cyber-sécurité, par exemple, nous utiliseront des outils IBM”, souligne Philippe Mol, directeur technique chez P4A.
“Par contre, pour certains aspects, nous devrons procéder au développent de nouveaux micro-services, par exemple des outils d’analyse de données. Notamment en Python. Outils et fonctionnalités propriétaires et open source coexisteront au sein de la plate-forme.”
L’IA pour “ouvrir le champ des possibles”
Dans le contexte visé – permettre la maintenance prédictive et favoriser l’optimisation des performances opérationnelles grâce à l’analyse des données -, le rôle de l’IA sera essentiel. C’est aussi ce que tendra à prouver et rendre possible le démonstrateur que veulent bâtir les quatre partenaires du projet PRIAM. Car des données, il y en a par myriades, de tous types, formats, qualité et pertinence….
Une plate-forme faites de “briques” fonctionnelles pré-existantes ou conçues spécifiquement, pour ouvrir la voie de l’analytique fonctionnel aux PME… – Source: Performance for Assets.
“Parmi 1.000 mesures, 900 ne sont peut-être pas significatives”, indique Philippe Mol. “La plate-forme doit donc aider les sociétés à se concentrer sur l’important. Dans le cas par exemple de la surveillance d’un transformateur, il devient possible, en combinant différents types de données, de détecter plus précocement et de diagnostiquer plus précisément.
Les connaissances humaines ne suffisent pas. Certes, l’homme sait quel type de défaut il s’agit de détecter mais il ne peut gérer le volume de données générées. Il est donc essentiel de combiner ses connaissances à des outils d’intelligence artificielle. L’IA ouvre le champ de l’analyse et permet d’inclure potentiellement des indicateurs auxquels on n’aurait pas pensé. L’IA guide l’homme.”
L’IA peut aussi faciliter l’adaptation des types de mesures relevées et utilisées, en fonction des périodes de fonctionnement des équipements industriels.
Aux yeux de Philippe Mol, l’anticipation que vise à autoriser la future plate-forme, pour améliorer “performances” et décisions opérationnelles, prend encore plus de sens en temps de crise. “Il s’agit pour les entreprises d’être plus agiles. Après la reprise, elles regarderont encore plus à leurs dépenses.”
Autre argument nouveau que la situation actuelle lui inspire: “Confinement et distanciation sociale donnent une nouvelle importance à la gestion à distance. La plate-forme pourrait parfaitement permettre de faire de l’analyse sur images vidéo…”
Plate-forme évolutive
La plate-forme doit ainsi servir de solution d’aide et de support centralisé à la décision, quel que soit le métier, le contexte ou le projet de la PME, plus spécifiquement (mais pas exclusivement) dans le secteur industriel. Toutefois – et c’est là que l’on recroise la notion de “maintenance” -, l’accent sera essentiellement mis, pour les besoins du démonstrateur à réaliser, sur les coeurs de métier d’i-Care et de Maintenance Partners Wallonie. “Mais la modularité de la plate-forme doit la rendre extensible à tout métier.”
L’aide à la décision pour optimisation de processus touche potentiellement de nombreux métiers et secteurs. Ici un projet i-Care pour le secteur alimentaire…
Plusieurs secteurs potentiels sont déjà pointés du doigt, à savoir, le secteur de la finance, celui de la santé, de la grande distribution et celui des assurances. “Plus particulièrement les acteurs de l’assurance opérant dans le monde industriel. Certains processus ou certaines sociétés ne parviennent plus à contracter des polices d’assurance, par exemple dans le domaine de la production de biogaz, parce que l’exercice apparaît comme trop coûteux”, indique Pierre Colon.
“En améliorant la qualité de surveillance et de prévention, on peut augmenter la fiabilité des systèmes, diminuer le risque de défaillance, le coût des réparations et donc réduire le risque, qui pourra à nouveau être couvert par des assurances industrielles.”
“Dans un premier temps, le nombre de capteurs intégrés sera limité. Nous y ajouterons d’autres plus tard. Les premiers scénarios – par exemple le suivi de défaillances de roulements – seront relativement simples, des scénarios que l’on rencontre largement. Il ne s’agira donc pas de scénarios trop spécifiques, tels que ceux qui peuvent concerner des turbines à vapeur !
Le but initial est de prouver que cela fonctionne, que le déploiement peut être simple et effiace. Dans un deuxième temps, en termes de composants technologiques, il s’agira d’autoriser le test de technologies nouvelles et futures,” souligne Philippe Mol.
“L’essentiel lorsque l’on construit un projet IA tel que PRIAM, c’est de combiner des expertises industrielles, des acteurs connaissant l’analyse de données et des connaissances de terrain.
A terme, nous voulons déterminer dans quelle mesure et selon quelles modalités, la plate-forme pourrait être mise à disposition de tout partenaire wallon qui désirerait y greffer ses connaissances et technologies ou les développer.”
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