La deuxième édition du programme de formation Digital Commerce mis en oeuvre dans le cadre de Digital Wallonia tirant à sa fin (il reste deux ateliers à organiser), les parrains que sont l’AdN et le SNI (Syndicat…) en ont tiré un premier bilan et esquissé quelques éléments de pérennisation.
Côté bilan, 4.200 commerçants inscrits aux webinaires (tout s’est déroulé en-ligne, pour cause Covid). Avec une participation réelle de 1.900 “connexions” en temps réel et, en moyenne, 160 “replays” (pour les absents et ceux qui voulaient revoir une partie de l’atelier).
En 2019, 980 participants avaient suivi, en présentiel, les ateliers de la première série (2019). A noter qu’on ne peut additionner les deux totaux pour se faire une idée du nombre de commerçants “touchés” par ces formations, dans la mesure où de nombreux participants de 2019 ont remis le couvert pour les ateliers en distanciel de cette année.
Pour ce qui est des perspectives futures, il devrait bel et bien y avoir une nouvelle action de sensibilisation et de formation à l’“art” de la présence et du commerce électronique pour les commerçants de proximité. Même si les contours doivent encore en être précisés lorsque que le périmètre et les détails du Plan de relance wallon seront connus.
Grandes orientations annoncées: poursuivre dans l’éventail des apprentissages ou, comme l’exprime Hélène Raimond, chef de projet à l’AdN. “faire grandir les commerçants à l’heure du phygital” [lisez: la nécessaire confluence entre les démarches et solutions en-ligne et les espaces physiques, le “présentiel” – voir par ailleurs, dans l’encadré ci-dessous, les résultats d’une étude Ipsos à ce sujet, en France].
Etude Ipsos
Les clients continuent de vouloir de l’interaction physique, avec ou sans son pendant en-ligne. Quelques chiffres…
– 91% disent préférer l’expérience et l’achat en magasin (physique) pour des raisons d’interaction avec le produit
– 88% de ces fans du présentiel préfèrent un achat “en vrai” pour pouvoir disposer du produit tout de suite ; ils sont tout aussi nombreux à souligner qu’ils ont besoin du conseil du vendeur
– 84% évoquent une raison plus terre-à-terre: pas question de devoir payer pour la livraison
Bien entendu, ces derniers arguments ne sont pas universels – et jouent parfois même en faveur d’acteurs du commerce électronique ayant certes une certaine envergure…
En termes de thématiques, on y parlera notamment d’intelligence artificielle, de techniques de réalité virtuelle et augmentée, de cybersécurité, mais aussi de logistique durable et d’aspects fiscaux, spécifiques à la vente en-ligne.
Autre nouveauté, qui sera en fait la concrétisation d’une intention antérieure, freinée par le Covid: l’ouverture des ateliers au monde de l’horeca et aux TPE (très petites entreprises), “parce que les problématiques rencontrées sont communes.”
Le numérique de proximité
Par le passé, le numérique était perçu comme une menace par les commerçants de proximlté, qui avaient tendance à se sentir minorisés et impuissants face aux grands acteurs et plates-formes et aux moyens dont ils disposent. Ici aussi, l’épisode Covid a changé bien des choses. Soudain, proximité et circularité ont trouvé une nouvelle dimension et retrouvé grâce aux yeux des chalands. Par ailleurs, les commerçants qui s’étaient déjà lancés dans une démarche dématérialisée – ou qui ont pu le faire rapidement – s’en sont généralement mieux sorti que leurs concullègues qui n’avaient que leur devanture à front de rue pour subsister.
Source: site de formation à distance Digital Commerce.
Aujourd’hui, le numérique apparaît donc davantage comme un recours, voire une nécessité pour l’avenir des commerces de proximité. A condition de se faire une petite place au soleil et une visibilité différenciée sur la Toile…
Voilà pourquoi les actions d’information et de formation et les futurs programmes de financement public auront sans doute une double voire une triple tonalité proximité / circularité / numérique.
“Le numérique est paradoxalement une réponse à l’étiolement des commerces en centres-veille”, entendait-on par exemple dans la bouche du ministre Willy Borsus lors de la conférence-bilan de Digital Commerce.
Une lueur d’espoir semble en outre se faire jour, avec ce qui est peut-être le début de l’arrêt de la longue glissade qu’a subi ce secteur ces dernières années. Aujourd’hui, la déperdition semble ralentie, voire stoppée. A voir si ce sera une réelle tendance durable.
Les chiffres en tout cas étaient inquiétants: moins 13% de points de vente (pour les commerce proposant des produits) en Belgique depuis 2009. Plus de 7.000 surfaces commerciales inoccupées en Wallonie, soit 12,3% du total de surfaces commerciales disponibles.
Les “petits” commerces étaient – et sont toujours – en danger: “en 2020, les 1.000 plus grandes boutiques en-ligne ont accaparé 87% des ventes effectuées en Belgique”, rappelait ainsi Hélène Raimond.
Le “Plan Horizon Proximité”, tel que proposé mais avant encore être officialisé et précisé, est structuré en cinq axes d’actions: l’économie (encourager la création de nouveaux commerces de proximité, faciliter la transmission, favoriser la colocation) ; numérique ; formation ; aménagement du territoire (réhabilitation des friches, développement communal…) ; tourisme (considéré comme “vecteur de redynamisation des centres-vill et des espaces commerciaux”).
Dans l’axe Numérique figurent des actions d’assistance à la stratégie, la mise à disposition d’outils de diagnostic, le programme Digital Commerce et son extension Smart Commerce (que nous avons déjà évoqué et sur lequel nous reviendrons à court terme), un appel à projets orienté logistique pour e-commerce, ou encore l’exploration de la piste des tiers-lieux.
Quant à l’axe Formation, il s’appuiera notamment sur des formations spécifiques pour les commerces organisées par l’AdN et l’IFAPME.
Les moyens, financiers, d’action à fournir par la Région, dans le cadre notamment du Plan de Relance et du programme Digital Wallonia, passeront notamment par le volet Plan Horizon Proximité (dotation globale évoquée: 23 millions d’euros) qui inclut, entre autres, un chapitre Numérique ainsi qu’un chapitre Formation (pour l’acquisition de compétences diverses, notamment numériques). Voir plus de détails ci-contre… Dans la mesure où le Plan de Relance n’a pas encore reçu le feu vert final à la faveur d’une inscription à l’ordre du jour du gouvernement, la hauteur des moyens et les détails de ce du Plan Horizon Proximité et de son volet numérique ne peuvent encore être précisés. Patience, patience…
Si les budgets octroyés au programme Digital Commerce devaient finalement être moins importants qu’espéré, il se dit du côté de l’AdN que des pistes supplémentaires (ou compensatoires) de financement seraient cherchées ailleurs…
Pas de retour en arrière possible
Inutile de rappeler ici que 2020 et la crise sanitaire furent un révélateur, un wake up call, un tournant décisif pour la perception et l’adoption du numérique comme levier de (sur)vie pour différents pans de l’économie. Commerce (de proximité) compris.
Cela s’est notamment traduit dans les chiffres… En Belgique, en 2020, on a relevé une augmentation du nombre de webshops et de transactions d’achat en-ligne. Pas moins de 20.000 boutiques en-ligne ont été créées l’année dernière, soit une augmentation de près de 50%. Et 63% de ces boutiques sont le fait de micro-sociétés ou de très petites entreprises, qui ont été responsables de 52% de l’augmentation du nombre de transactions.
A noter ici que tous les chiffres ne sont pas pour autant encourageants et qu’une analyse plus fine du phénomène généré par la crise sanitaire fait apparaître des lignes de fracture bien connues. A lire cet autre article reprenant des chiffres livrés par la société de consultance Retis.
L’“après-corona” verra tout naturellement un retour vers les transactions “dans la vraie vie” mais les transactions en-ligne ne disparaîtront pas, même si le pic s’émoussera…
Echos de terrain
La satisfaction moyenne des commerçants ayant suivi les ateliers et webinaires Digital Commerce est plutôt encourageante pour leurs organisateurs.
La séance-bilan a toutefois permis à certains de soulever l’un ou l’autre point à améliorer…
“Il serait sans doute utile de prévoir des ateliers de différents niveaux afin de ne pas oublier ceux qui se lancent dans le numérique et en possèdent donc moins les bases…” Ou encore d’investir et de miser sur un programme nettement plus étoffé, aux contenus de formation brassant plus large – et plus rapidement. Nous vous renvoyons pour ce point à une petite proposition de Damien Jacob (Retis) qu’il formule à l’occasion de la sortie de son dernier recensement en date du paysage e-commerce belge.
“Ce genre de formations sont utiles car il existe certes d’autres offres mais elles sont souvent trop onéreuses pour être accessibles pour les petits commerçants” (un argument à double tranchant dans la mesure où il pourrit donner du grain à moudre à tous ceux qui considèrent que la Région fait ainsi une concurrence déloyale aux opérateurs privés…)
“Pour ceux qui n’en sont encore nulle part, des ateliers en présentiel seraient plus logiques et bénéfiques que des webinaires…”
“Les webinaires ont été utiles et nous ont permis d’appliquer directement certaines choses mais on se rend également compte que la route est très longue, qu’il y a encore beaucoup de choses à apprendre. A la limite, c’est angoissant. Il me faut donc quelqu’un qui me tienne la main jusqu’au bout.”
“Les services Gestion Centre-Ville ou les Agences de Développement local n’ont pas toujours relayé vers les commerçants locaux les informations ou le matériel [d’info] mis à disposition.”
“On a découvert par exemple l’utilité de Facebook mais on sait que les jeunes délaissent par exemple ce canal. Faut-il dès lors se lancer aussi sur TikTok? Les choses bougent tout le temps. Où sont les jeunes [consommateurs]? Il est difficile de les suivre…” (une déclaration à laquelle Gérald Trokart, l’un des formateurs du cycle Digital Commerce, a tendance de répondre comme suit: “Si votre questionnement relève de l’idée de suivre la mode, alors je vous répondrais que suivre la mode en matière de réseaux sociaux n’est pas forcément efficace.” Sous-entendu: le plus important est de commencer par définir sa stratégie et ses objectifs et de sélectionner, de manière durable, les “outils” pour les concrétiser.
“2020 a changé les choses. Il y a eu une prise de conscience que les commerçants qui ont fait de l’e-commerce s’en sont mieux sorti. Peut-être y a-t-il désormais [pour les intermédiaires et acteurs publics] une fenêtre d’opportunité pour s’adresser à tous ceux qui doutaient ou qui ne se sont pas lancés, pour les accrocher, maintenant que l’on commence à revivre normalement….”
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