Ce qui aiderait les start-ups numériques à développer leur business et qui n’existe pas à l’heure actuelle? Tout simplement: des études de marché et des enquêtes de terrain de grande qualité et à petits prix!
Les structures spécialisées capables de cela sont trop rares, trop coûteuses et trop peu performantes!
C’est un constat partagé avec la plupart de mes pairs business angels: la partie la plus captivante à lire dans un plan d’affaires, ou à écouter dans un dithyrambe, est celle décrivant le marché potentiel et surtout la stratégie d’approche et de conquête de celui-ci – on l’espère originale, novatrice, ambitieuse…
Et là, malheureusement, nous restons très fréquemment sur notre faim. Pour trois raisons fondamentales: a) une validation bâclée du modèle économique, b) une confusion des concepts-clé, et c) la banalité du développement commercial envisagé par la jeune pousse numérique.
Cette nouvelle tribune de CarlAlexandre Robyn fait suite à son précédent billet d’opinion dans lequel il expliquait que l’un des éléments manquants dans la panoplie de leviers disponibles en Wallonie pour les start-ups numériques était la présence sur le marché de “stratèges financiers” capables de les guider utilement. A relire ici.
C’est d’ailleurs paradoxal, l’innovation de la solution apportée au marché est souvent corrodée par le manque de créativité dans la politique de marketing de la jeune pousse.
Généralement, la stratégie commerciale décrite dans le business plan est inconsistante: dans la plupart des cas, un simple énoncé d’une liste d’options commerciales possibles, sans préciser quand, comment, en quelle quantité et pourquoi les activer.
“L’innovation de la solution apportée au marché est souvent corrodée par le manque de créativité dans la politique de marketing de la jeune pousse.”
La soi-disant stratégie est d’ordinaire corrélée à la vacuité de l’étude de marché: cette dernière souvent réduite à une simple collection quantitative de statistiques de portée trop générale, c’est-à-dire sans réel lien direct avec la solution apportée au marché.
Et, la plupart du temps, nous déplorons l’absence de véritables enquêtes qualitatives de terrain qui, elles, font parler les clients (elles permettent de découvrir les motivations prégnantes des testeurs ou premiers utilisateurs) et détectent les divers usages du nouveau produit/service par la clientèle.
Une bonne étude de marché (où les caractéristiques, les problèmes analysés et les méthodes de recueil de l’information sont bien définis) est à la fois quantitative et qualitative, et permet de déterminer les budgets nécessaires pour mobiliser les ressources (production, distribution, communication) nécessaires. Pour bon nombre d’investisseurs, une bonne étude de marché est prépondérante dans la valorisation financière de la start-up quémandeuse de capitaux.
“La plupart du temps, nous déplorons l’absence de véritables enquêtes qualitatives de terrain.”
Carence en démarche méthodique
Étonnamment (étant donné qu’il y a pléthore de conseillers start-up), étude de marché et enquête de terrain, c’est bonnet blanc et blanc bonnet pour beaucoup de fondateurs: la méprise sur ces deux concepts, le manque de discernement et de méthode font que trop souvent la pré-validation du business model est bâclée !
Maints porteurs de projet ont de réelles difficultés à estimer la taille de leur marché. Leur discernement est chétif et leur questionnement sur le sujet est lacunaire tout simplement parce qu’ils manquent de méthode pour dénicher des statistiques spécifiques.
Par exemple, si le nouveau produit est une plate-forme digitale (algorithme de mise en relation propriétaire) destinée à la communauté des “pet lovers”, il est inutile de tenir compte des statistiques concernant tous les ménages détenant un animal de compagnie.
Il faut se montrer plus sélectif et ne considérer que les statistiques plus proches de l’activité spécifique: celle des plates-formes communautaires multi-services permettant des connexions directes entre membres pour échanger des services de pair-à-pair. Mieux encore, une étude de marché portant sur le nombre de plates-formes actives et le chiffre d’affaires global dans le domaine des “social networks for pet lovers”.
Et cela uniquement dans le secteur géographique où on va déployer les premiers efforts marketing. Si ceux-ci ne se concentrent que sur le marché Benelux, alors (dans un souci de cohérence) il ne faut considérer que les revenus annuels correspondant aux “marketplaces that connects dogs owners with services” exclusivement dans le Benelux.
Surestimer la taille du marché est l’une des erreurs les plus courantes faite par les fondateurs/fondatrices.
L’approche quantitative et qualitative du marché ciblé constitue le socle sur lequel bâtir une stratégie de développement commercial. Si la collecte d’informations préliminaires est bancale, la stratégie le sera immanquablement.
À ce sujet, de trop nombreux fondateurs et fondatrices ne font pas la différence entre stratégie, plan et tactiques marketing! Ne pas maîtriser et coordonner ces trois ensembles d’actions essentiels les empêche de répondre à la question fondamentale: comment vendre le plus efficacement possible, en réduisant de manière optimale le coût des ventes? Comprendre les différences et la corrélation entre ces trois arts fondamentaux de la science commerciale, c’est démontrer qu’on saura “exécuter”, c’est-à-dire: faire ce qu’il faut, au moment où il faut, dans l’ordre où il faut et à la vitesse qu’il faut.
“Surestimer la taille du marché est l’une des erreurs les plus courantes faite par les fondateurs/fondatrices.”
Typiquement, les start-ups se contentent de panacher une série d’idées commerciales rebattues après avoir effectué une maladroite et/ou trop biaisée analyse S.W.O.T. de leur projet. Nous avons trop souvent l’impression de lire ou d’écouter un copié-collé d’un syllabus de marketing: la plupart du temps sans adaptation à la situation spécifique de la start-up qui nous sollicite.
En outre, toutes ces idées ne sont que du vent si l’entreprise émergente ne démontre pas qu’elle sait comment les mettre en œuvre, de manière créative, imaginative: quand les activer (planification, échéancier), comment (tactiques novatrices), pourquoi (stratégie hors des sentiers battus), dans quelle mesure (volumes idoines), pour quels résultats spécifiques escomptés…
De même, plusieurs fondateurs se contentent de simplement lister les points cardinaux de l’analyse S.W.O.T. (forces, faiblesses, opportunités, menaces) de leur projet. Mais la simple énumération ne suffit pas: elle est de peu d’intérêt si on n’explique pas comment parvenir à saisir les opportunités du marché pour la solution apportée, comment exploiter intelligemment les forces, comment combler les faiblesses, comment répondre aux menaces recensées…
D’ailleurs, concernant ce dernier point, très peu de porteurs de projet se donnent la peine de prévoir un “plan B” (une stratégie défensive pour contrecarrer la réaction de la concurrence).
En somme, nous sommes généralement confrontés à des CMO (chief marketing officers) doués pour faire l’inventaire des pistes commerciales potentiellement exploitables, mais peu ou pas assez imaginatifs, créatifs, pour en concevoir de nouvelles (ou de nouvelles combinaisons de celles-ci) et surtout insuffisamment stratèges, parce qu’imparfaitement informés sur leur marché potentiel… réellement accessible.
Carl-Alexandre Robyn
Startupologue
Fondateur du Cabinet Valoro
(ingénierie capitalistique et financière pour start-ups)
Découvrez-nous sur Facebook
Suivez-nous sur Twitter
Retrouvez-nous sur LinkedIn
Régional-IT est affilié au portail d’infos Tribu Médias.