Un an pour tester l’utilité réelle et le meilleur usage possible de poubelles publiques connectées, dans divers environnements (urbain, campagnard…), mais aussi un an pour identifier les problèmes purement technologiques (qualité de signal, fonctionnement des capteurs…). C’est l’étape – après celle du développement du concept – dans laquelle s’est engagée l’asbl Be WaPP (Wallonie Plus Propre). Partenaire technologique pour l’occasion: ThingsPlay.
Quatre villes et communes y participent: Namur, Juprelle, Les-Bons-Villers, La Calamine. Au total, 500 poubelles, chacune munie d’un boîtier connecté, seront déployées d’ici février 2019: 265 à Namur, 150 à La Calamine, 55 à Juprelle et 30 aux Bons-Villers.
Objectif: rendre plus efficace, en termes de temps, de moyens et de coût, le travail de collecte et de mise à disposition de ces poubelles.
Mieux connaître leur taux ou fréquence de remplissage peut en effet permettre de mieux gérer les tournées de camions chargées de les collecter, vider ou encore celles des équipes techniques devant les réparer. A noter que le but premier est de minimiser les (longs) déplacements inutiles, essentiellement en zone rurale. Raison pour laquelle, pour les besoins du projet, Namur n’équipera pas ses poubelles publiques du centre-ville mais bien celles situées dans les villages avoisinants.
La phase-pilote permettra , entre autres choses (voir plus loin), d’évaluer plus finement e retour sur investissement mais, d’ores et déjà, des gains de temps et de moyens de l’ordre de 10 à 20% sont considérés comme un marqueur possible.
La solution?
Chacune des 500 poubelles équipées (le déploiement en est plus ou moins à mi-parcours) disposera d’un boîtier communicant qui intègre en fait trois capteurs:
- un capteur à ultra-sons, pour surveiller le taux de remplissage de la poubelle
- un gyroscope, pour signaler une poubelle renversée par exemple
- un capteur de température, pouvant détecter un feu.
Les données de remplissage sont transmises vers le serveur central de ThingsPlay, la start-up namuroise qui a développé et intégré la solution. Mode de transfert choisi: la solution NB (narrow band) IoT d’Orange, préférée aux options LoRa et Sigfox à la fois pour des raisons d’efficacité du signal (effet Faraday des poubelles métalliques) et de disponibilité du réseau. “Avec LoRa et Sigfox, nous avions constaté une perte de signal pour environ 40 à 50% des poubelles”, explique Frédéric Jourdain. “Avec le NB IoT, sur les quelques 200 poubelles déjà déployées, une seule pose problème, à Juprelle en raison d’une insuffisance de couverture du réseau mais Orange s’est déjà dit prêt à rectifier le tir dans les zones posant éventuellement problème…” Autre raison ayant fait penché la balance en faveur de la technologie NB IoT: un coût de déploiement qui serait plus abordable.
Si la collecte des données se fait en continu au niveau de la poubelle, l’information “remplissage” n’est envoyée au serveur Thingsplay que toutes les quatre heures, histoire de préserver la charge batterie (alimentée par un petit panneau photovoltaïque intégré au boîtier) et éviter de surcharger le serveur central. Ce dernier agrège les données et les injecte deux fois par jour, via API, dans la solution (Esri) dont est équipée chaque commune.
Ce logiciel de géolocalisation positionne l’ensemble des poubelles sur une carte et affiche leur état par un code couleur. Si le taux de remplissage demeure satisfaisant, l’icône représentant chaque poubelle demeure au vert. Dès que le taux de remplissage atteint les 75%, le signal passe à l’orange. Au rouge, il y a urgence de vider ou remplacer…
A noter que le dispositif permet de reprogrammer dynamiquement la fréquence des envois de données. A la fois pour mieux répondre aux besoins de chaque commune et… pour s’aligner sur l’état de la batterie. Cette dernière est en effet rechargée par le petit panneau photovoltaïque. Ce qui pose potentiellement des problèmes les jours de mauvais temps ou en cas de positionnement très peu éclairé. “Quand la charge de la batterie atteint un certain seuil, la fréquence d’envoi diminue spontanément. Jusqu’à s’arrêter totalement si la réserve est réellement trop faible, le temps qu’un processus de recharge puisse intervenir”, indique Frédéric Jourdain. On verra plus loin que ce problème potentiel de batterie fera l’objet de nouveaux développements pendant la phase-pilote.
A noter encore que tout incident détecté par le gyroscope et le capteur de température est, lui, signalé instantanément (à l’opérateur de la plate-forme, au niveau de la commune).
Les évolutions futures
Plusieurs paramètres et fonctionnalités seront plus particulièrement tenus à l’oeil et réévalués pendant la phase-pilote. Des exemples?
La précision du logiciel de capture des données associé au capteur, qui produit actuellement trop de mesures erronées. Un problème lié au fait que, pour minimiser le coût de la solution pour les communes, ThingsPlay a sélectionné un capteur bon marché. “Des améliorations logicielles seront nécessaires pour mieux gérer les écarts de remplissage détectés par ultra-sons.”
Esri, pour sa part, ajoutera une fonction de communication bidirectionnelle à son logiciel de cartographie. Ce dernier se contente pour l’instant de positionner les poubelles (et leur état) sur une carte. A terme, il sera possible pour la commune, au départ du logiciel, de re-paramétrer la fréquence d’envoi de données par groupe de poubelles.
Toujours dans le registre logiciel, la fonction de géolocalisation des poubelles devra surmonter un souci assez inattendu: les poubelles… se déplacent. “La géolocalisation qui est exploitée par le logiciel Esri a été calculée sur base des photos, elles-mêmes géolocalisées, que l’on prend lors de la première installation des poubelles connectées. Or, elles sont parfois placées sous des abri-bus semi-mobiles ou des arrêts de bus, eux aussi, amovibles qui sont parfois changés de place”, explique Frédéric Jourdain.
Gênant évidemment pour les employés communaux de ne pas trouver, à l’endroit dit, une poubelle sensée être vidée. D’autant plus embarrassant dans le cadre d’un projet visant à optimiser les déplacements et tournées de ces mêmes employés communaux!
Résultat, il faudra prévoir un logiciel pour réconcilier la géoloc’ d’origine à ces événements imprévus.
Un nouveau boîtier est par ailleurs en cours de développement qui fera l’impasse sur le petit panneau photovoltaïque et privilégiera l’intégration d’une batterie très longue durée. “Il faudra optimiser la gestion de l’énergie”, souligne Frédéric Jourdain. D’autres clients que ceux concernés par le projet-pilote de Be Wapp, notamment en France, désirent en effet une solution avec ce type de batterie.
Pas si “bête-comme-chou”, la poubelle
La surveillance des taux de remplissage des poubelles, le signalement d’engins renversés, la planification des tournées des employés communaux, via le logiciel Esri, ont pour vocation, on l’a vu, de minimiser et/ou d’optimiser les itinéraires de ramassage. Avec l’espoir de réaliser au minimum 10 à 20% d’économies.
La phase-pilote servira à évaluer – et vérifier – le retour sur investissement. “La chose n’est pas si simple qu’il n’y paraît”, souligne Frédéric Jourdain. “Chaque commune pratique des cycles de ramassage différents.”
Certaines sont réglées comme des horloges suisses, d’autres fonctionnent davantage de manière aléatoire. Dans certaines communes très rurales, c’est au retour de leurs autres tâches que les employés communaux sont chargés de vérifier si “par hasard” telle poubelle ne serait pas pleine… “Il n’y a donc pas un seul et unique modèle de ROI. Nous avons pour mission d’objectiver tout cela. Dans un premier temps, nous allons donc mesurer les temps de ramassage tels qu’en l’état. Ensuite, le nouveau système de routage dynamique [Ndlr: piloté par le logiciel Esri] sera mis en oeuvre et nous analyserons les effets.”
Un aspect des choses que ne couvrira pas la phase-pilote est le modèle de tarification qui sera appliqué plus tard au service. Les communes achèteront-elles les poubelles totalement équipées, les dispositifs connectés, ou évolueront-elles vers un système de location voire d’abonnement à un service? C’est là un sujet qui fera sans doute l’objet d’une analyse ultérieure. Ou de décision individuelles…
Signalons toutefois que, dans ce domaine comme dans d’autres, le modèle “data as a service” retient de plus en plus l’attention des autorités locales ou des prestataires et autres intégrateurs. “On ne facture plus un équipement ou une communication mais on calcule au volume de données mis à disposition.” Volume et fréquence, d’ailleurs, les deux allant de pair.
Le choix de la formule dépend alors à la fois… des moyens financiers du destinataire et de l’usage (analytique et opérationnel) qu’il fait des données. Vous aviez dit “bête comme chou” une poubelle?
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