Parmi les 13 projets inscrits pour l’instant à l’agenda du living lab Wallonia e-health Living Lab (WeLL), deux sont portés – et réalisés pour les besoins du centre opérationnel que Médecins Sans Frontières gère en Belgique. Pour rappel, sur les 21 sections nationales que compte MSF, cinq ont le statut de “centre opérationnel”, responsables à ce titre de la mise en œuvre des projets sur le terrain.
C’est le WeLL qui a pris l’initiative de contacter MSF afin de déterminer dans quelle mesure une structure telle la sienne et son mode opératoire pouvait intéresser l’ONG. Une première réunion a été consacrée à l’identification des besoins – génériques – de MSF et de ceux auxquels le WeLL pourrait s’attaquer.
“Pour nous, le concept de living lab est relativement nouveau”, déclare Robin Vincent-Smith, Change & Knowledge Manager chez MSF Belgique. “Tous les centres opérationnels de MSF bâtissent des relations avec des partenaires locaux. Hier, il s’agissait notamment des milieux académiques. Aujourd’hui, il s’agit aussi d’acteurs nouveaux du genre fab labs, living labs, hackathons… En tant que centre international basé en Belgique, nous voulions pouvoir collaborer avec un acteur local. Par son orientation e-health, le WeLL était un candidat logique. La valeur ajoutée qu’il nous apporte est, d’une part, son aptitude à gérer des projets innovants et à faire de la veille technologique et, de l’autre, le réseau qu’il tisse avec les acteurs locaux – sociétés, monde académique, start-ups…”
Lors des réunions préparatoires destinées à identifier les sujets sur lesquels une collaboration pourrait s’instaurer, cinq projets prioritaires ont pu être dégagés, dont deux sont déjà été initiés. Un troisième a été mené à la fois pour MSF et Handicap International. Et deux autres sont encore en phase de réflexion initiale.
Améliorer les opérations sur le terrain
Le premier projet initié pour les besoins de MSF concerne le suivi du programme d’alimentation d’enfants souffrant de malnutrition.
Qu’il s’agisse de zones de conflits, de régions dévastées par une catastrophe naturelle ou une épidémie, l’une des actions d’assistance médicale d’urgence de MSF prend la forme de programmes nutritionnels. Ces campagnes durent de 5 à 6 semaines. MSF en organise en moyenne 5 ou 6 par an, touchant quelque 200.000 enfants.
L’expérience a démontré qu’il était parfois difficile de toucher les personnes directement concernées. En l’occurrence, ici, les enfants souffrant de sous-alimentation (en particulier les moins de 5 ans) et les femmes enceintes.
Les rations distribuées dans les centres nutritionnels thérapeutiques sont parfois détournées, dérobées, ou ne sont pas toujours distribuées avec un maximum d’efficacité. Le système actuel qui permet d’identifier les bénéficiaires repose sur la gestion de dossiers manuscrits et un simple bracelet. “Les personnes qui s’enregistrent reçoivent, à des fréquences diverses, des soins et des rations alimentaires. Sans moyen d’identification des bénéficiaires, nous devons nous contenter de registres sur papier, avec les noms de famille et le village d’origine. Certaines personnes ne se présentent plus et il est difficile de les retrouver. D’autres s’adressent à d’autres centres où ils ne sont pas enregistrés”, explique Robin Vincent-Smith.
Améliorer l’application des programmes nutritionnels via identification et traçabilité des bénéficiaires.
A cela s’ajoutent les abus (inscriptions dans plusieurs centres, échanges de bracelets…) qui posent un problème en termes de mauvaise utilisation des ressources et de carence grave pour ceux qui en ont le plus besoin.
MSF a dès lors initié avec le WeLL un projet permettant de mettre en oeuvre une solution de “tracking” plus efficace et adaptée.
“L’objectif est d’analyser la manière dont les nouvelles technologies peuvent améliorer l’application des programmes nutritionnels via identification et traçabilité des bénéficiaires”, explique Laura Vigneron, directrice du WeLL. Parmi les solutions qui seront envisagées, citons les identifiants du genre codes barres, data matrix ou RFID ou encore les systèmes d’identification biométrique (empreinte digital, lecture de l’iris, reconnaissance faciale…).
Dans l’état actuel du projet, les besoins ont été identifiés et documentés, de même que les contraintes: logistique, éloignement des zones couvertes par MSF, coût, simplicité de la solution, respect de la vie privée.
“Le WeLL connaît les acteurs et fournisseurs qui pourraient fournir une solution, est en relation avec des chercheurs et des réseaux de personnes qui sont prêtes à travailler sur le sujet. Travailler avec eux nous permettra de mieux préparer la phase de développement réel de la solution. Leurs connaissances impliquent que le projet a plus de chances de réussir.”
Des tests seront effectués de manière incrémentale, en commençant sans doute par un projet-pilote au Niger avant un déploiement généralisé que MSF imagine dans un délai de trois ans.
Boîtes à idées “2.0”
Une autre activité organisée par le WeLL a concerné à la fois MSF et Handicap International. Un atelier a été organisé sur le thème de l’impression 3D (ou fabrication additive) en vue de réfléchir à la manière dont ce genre de solution peut potentiellement faire évoluer les processus logistiques de ce genre d’ONG. Parmi les idées qui ont été débattues, signalons par exemple celle d’un fab lab à implanter dans les camps de réfugiés ou dans d’autres lieux gérés par MSF. “L’impression 3D pourrait être utile pour la production de pièces détachées d’équipements médicaux, de prothèses, de maquettes de bâtiments à construire… La séance d’information avec MSF et le Makilab nous a ouvert les yeux…”
Autre projet conduit au WeLL pour le compte de MSF: un Idéematon. Autrement dit, un atelier d’idéation organisé sur le thème spécifique de la collecte, via de nouveaux outils numériques, des besoins des collaborateurs de MSF.
“Cet atelier nous a permis de décrire le processus d’idéation: veille et naissance de l’idée, enrichissement pour en faire un business case, formulation finale de l’idée, phase de décision interne, mise en oeuvre, analyse du résultat.
Nous avons ainsi pu identifier les “outils” nécessaires lors de chaque phase et ceux qui nous faisaient défaut. Nous manquions par exemple de compétences pour l’élaboration d’un business case. Des formations spécifiques ont donc été organisées. Autre outil manquant: une plate-forme en-ligne pour partager idées et projets… L’intervention du WeLL ne nous a pas amené à tout changer mais nous a aidé à clarifier nos idées et processus.”
Deux projets à l’étude
MSF ne compte pas s’arrêter là dans les projets qu’il veut expérimenter et faire germer avec l’aide du WeLL. “La vision que nous en avons est le développement d’une relation à long terme avec le WeLL”, insiste Robin Vincent-Smith.
Deux autres idées sont à l’étude. D’une part, une solution qui permettrait d’effectuer à distance la récupération d’équipements biomédicaux (tels que des appareils de radiographie). “Ces équipements sont sophistiqués et les compétences manquent sur le terrain. Pour l’instant, on fonctionne sur base de l’envoi de simples photos des équipements en panne… Demain, en utilisant par exemple une webcam fixée sur la tête du technicien et du médecin, un contact audio et vidéo temps réel pourrait être établi avec un technicien compétent en Europe…”.
Autre idée de projet qui, pour reprendre l’expression de Robin Vincent-Smith, “vaudrait un Prix Nobel”: imaginer un dispositif qui permettrait au médecin ou au technicien de déterminer immédiatement si la forte fièvre d’un patient est due un virus ou à un microbe. “Le WeLL nous permet d’établir le contact avec le monde académique et de faire le lien avec la recherche actuelle dans ce domaine.”
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