Chaque jour nous est dépeint un monde du travail mis à mal par la transition numérique. Et si, dans un mouvement de balancier, l’innovation digitale constituait l’une des clés pour saisir le potentiel de cette mutation sociétale? Plusieurs acteurs du domaine apportent leur éclairage.
Histoire de déconstruire pas mal d’idées reçues, le groupe international Manpower soulignait une double tendance, dans son dernier rapport intitulé “Humans wanted: Robots need you” (Robots recherchent Humains: quand les machines ne peuvent se passer de l’homme). Non, la digitalisation n’est pas forcément synonyme de destruction d’emploi. Oui, c’est sur le développement de compétences nouvelles que le monde du travail doit désormais miser pour saisir le plein potentiel de la transition numérique.
En proposant il y a peu l’événement ReThink Recruitment – The Will Of Workforce (Repenser le recrutement – la volonté du travailleur) dont la première édition faisait carton plein à l’espace de co-working Hive 5 à Bruxelles, Sophie Vanderputten, fondatrice de la start-up hennuyère HireRing, entend bien mettre en lumière les derniers services technologiques innovants qui facilitent et améliorent le recrutement et la gestion des ressources humaines.
Forte d’une expérience de plusieurs années dans le domaine, à la fois en tant qu’employeur et recruteur, Sophie Vanderputten lance début 2019 sa start-up Hirering, auteur d’une plate-forme qui met en relation directe les employeurs à la recherche de personnel avec les recruteurs professionnels. Objectifs recherchés: gain de temps, de qualité, d’argent, d’énergie.
L’employeur communique son besoin, qui est ensuite “traduit” par un algorithme selon les paramètres de sa demande. Quelques heures se passent entre la publication du besoin et la mise en connexion entre l’employeur et le cabinet de recrutement: c’est du moins la promesse de Hirering. Trois mois après son lancement, la plate-forme a attiré quelque 90 recruteurs et une dizaine d’employeurs potentiels.
La jeune pousse bénéficie du soutien de l’accélérateur hennuyer Digital Attraxion, qui est entré au capital en octroyant un prêt convertible de 100.000 euros et procure en outre du coaching.
“A l’heure actuelle, les entreprises à la recherche de profils doivent d’abord trouver le bon cabinet de recrutement sur Internet, prendre contact et fixer un rendez-vous pour passer une heure avec le recruteur et faire connaissance, suite à quoi l’appel à candidats peut être lancé. Au bas mot, trois semaines sont nécessaires pour lancer une procédure …”, commente Sophie Vanderputten.
Nouvelles attentes
La jeune société se propose ainsi de pallier à un problème de recrutement que Sophie Vanderputten compare à une roue en mouvement qui va de plus en plus vite, avec des in et des out qui se multiplient. Une accélération qui amène les entreprises à de plus en plus outsourcer la gestion de leurs ressources humaines avec pour corollaire la difficulté de trouver le bon candidat, le coût de l’opération de recrutement (qui très souvent, manque de transparence) et son caractère chronophage.
Sophie Vanderputten (Hirering): “On observe, ces dernières années, un phénomène d’emballement au niveau du recrutement. On peut véritablement parler de transformation des attentes du travailleur, en ligne avec l’évolution de la société: plus de mobilité, plus d’équilibre et de respect de soi.”
“On peut véritablement parler de transformation des attentes du travailleur, en ligne avec l’évolution de la société: plus de mobilité, plus d’équilibre et de respect de soi”, constate-t-elle.
Ce changement de mentalités s’accompagne d’un phénomène générationnel, économique avec de nombreuses restructurations, le tout teinté d’une plus grande transparence sur ce qui se passe au niveau des pratiques de l’entreprise. L’espace ouvert généré par le web 2.0 a changé la donne: toute entreprise peut désormais se voir jugée ou critiquée par ses collaborateurs sur la place publique. “Les entreprises ont dû commencer ces dernières années à se préoccuper d’ « employer branding » (réputation interne de l’entreprise) et d’ « employee engagement » (implication des collaborateurs)”, observe Sophie Vanderputten.
Ces dernières années, on voit fleurir sur le Web de nombreuses plate-formes de mise en relation de l’offre et de la demande. Le monde du travail et des RH n’aurait donc pas échappé à l’ubérisation. Preuve en est des solutions comme Pootsy (La Hulpe), une marketplace pour les prestations de titres-services, ou encore Tipsme (Châtelet), qui connecte sociétés en demande d’expertise et “tipsers” (comme dans tips, anglais pour « conseil).
La gamification fait également partie des tendances observées: en Wallonie, c’est l’une des spécialités de Øpp qui est le co-auteur des solutions HappyFormance, Hunterz et SeeYa (les HR tech demeure l’un des axes thématiques potentiels du start-up studio qu’elle a lancé) ; en Flandre, on trouve Survey any place, qui propose de créer des sondages amusants et engageants, ou encore Mobietrain, qui conçoit des modules d’e-learning personnalisés et ludiques.
Citons encore la française Briq (repérée et aidée par Digital Attraxion) qui propose surfe sur le concept de reconnaissance, en générant des échanges de crédits virtuels (ou briqs, entre collègues) afin de développer la reconnaissance entre pairs pour favoriser l’engagement des salariés, réduire le turnover et améliorer la performance.
Placer l’humain au centre
Si le recrutement est le point de départ choisi par Sophie Vanderputten pour ouvrir le débat en Wallonie entre employeurs et recruteurs, les soirées Rethink recruitement (dont une prochaine édition est prévue à Charleroi) sont aussi l’occasion de découvrir d’autres projets mobilisant le numérique au service de la gestion des ressources humaines. En voici quelques exemples.
“Un employé qui part, c’est une bibliothèque qui brûle”, dixit Frizby. Allusion faite au jeu du freesbee, cette start-up bruxelloise présente à Hive 5, le 14 mars dernier, met à la disposition de l’employeur un outil en-ligne pour construire un feedback de qualité avec l’employé qui travaille exclusivement hors les murs de l’entreprise. En jeu: la relation manager-collaborateur, maintes fois mise à mal par le manque de reconnaissance.
Autre exemple parmi les HR tech wallonnes cette fois, sur le segment de la formation: la start-up MySkillCamp qui, comme Hirering, Frizby et Briq, figure au portefeuille de Digital Attraxion. La start-up tournaisienne a développé un outil, qui permet de centraliser en un seul endroit l’offre de formation, l’organisation de communautés d’apprenants et l’outil de production de ces modules de formations (lire l’article que nous leur avions consacré fin 2018).
Citons encore CV Trust, boosté par le fonds Internet attitude, qui propose un smart certificate s’appuyant sur la blockchain pour authentifier les CV des candidats.
En filigrane de ces projets, on ne peut s’empêcher de lire la reconnaissance et le bien-être au travail, les qualités humaines de management, la culture du bottom-up, la recherche de sens, l’agilité… Autant de valeurs auxquelles aspire une frange de plus en plus représentative de la force de travail avec l’arrivée imminente des millenials en masse sur le marché du travail.
Sébastien Doyen, Digital Attraxion: “Les HR tech? Pas un buzz word, mais une vraie tendance de fond.”
Dans l’écosystème wallon des start-ups, les “HR tech” sont encore un terrain émergent. Mais elles sont par contre bel et bien une tendance forte à l’échelle de la Belgique. La plate-forme Startups.be référence ainsi près d’une centaine de start-ups taguées “HR Tech”, avec une forte représentativité en Flandre.
A noter aussi que les porteurs de projets dans les HR tech sont souvent des spécialistes RH et non des spécialistes des tech…
Les HR Tech, dans le contexte de l’économie de la connaissance
Toujours suivant l’étude du groupe Manpower déjà citée, plus de 9 employeurs belges sur 10 ont déclaré vouloir renforcer les compétences de leur personnel d’ici à 2020 afin de faire face au défi de la transformation numérique. “Learnability”, “soft skills” deviennent des qualités prisées par les entreprises en quête de nouveaux collaborateurs en ce qu’elles désignent la capacité à faire évoluer ses compétences dans un environnement professionnel en perpétuel mouvement.
Hirering, Myskillcamp, Frizby et Briq: dans le Hainaut, Digital Attraxion a investi à ce jour dans quatre start-ups dans l’univers des HR Tech. « Nous opérons dans une région qui s’est lancée dans une transformation radicale de son économie », estime Sébastien Doyen, directeur de programme d’accélération chez Digital Attraxion. Selon lui, investir dans les HR Tech dans une région où l’on compte nombre d’universités, de hautes écoles, de centres de compétences (TechnoCité, Technofutur TIC, l’E-eCampus…) qui oeuvrent au développement de compétences nouvelles et numériques, fait sens pour Digital Attraxion.
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