L’énergie (efficience, optimisation, transition…) était l’un des thèmes qu’avait choisis le “GeoChallenge”, concours de projets de transformation et innovation numérique organisé par le SPW et l’AdN, pour sa deuxième édition.
Trois projets avaient été déposés, portés respectivement par le duo GIM-Climact, par le collectif Jules Lesmart et par le centre IFAPME de Charleroi et ont pu bénéficier d’un accompagnement par le SPW pendant plusieurs semaines pour faire mûrir leur idée.
Nous nous arrêterons plus spécifiquement sur les projets portés par le collectif Jules Lesmart et le centre IFAPME. Deux projets à l’objet assez similaire – à tel point qu’on peut se demander s’il ne serait pas utile de combiner, d’une manière ou d’une autre, les idées qui ont été mises sur la table. Mais cette issue éventuelle dépendra des intentions du SPW ou, à défaut, de tout acteur qui déciderait de s’en saisir…
Passons plutôt en revue ces deux projets. En précisant d’emblée que c’est celui du centre IFAPME hébergé à l’A6K et de son équipe d’apprenants (en dernière année de formation en compétences numériques – développement d’interfaces Web et d’applis mobiles) qui a été désigné lauréat. Empochant le prix de 15.000 euros.
CalculO2
Encadrés par leur formateur, Yves Sermeus, une douzaine d’apprenants du centre IFAPME carolo ont imaginé une solution baptisée CalculO2 qui vise à générer une évaluation et un outil de suivi des réductions de gaz à effet de serre et des économies potentielles favorisées par des opérations de rénovation de bâtiments (privés, commerciaux, administratifs…).
Objectif, tel que suggéré par le SPW: faire office de tableau de bord et de source d’information et de guidance pour l’évaluation et l’orientation de la stratégie wallonne en matière de rénovation énergétique des bâtiments. Notamment pour déterminer le type de travaux qui ont le plus de succès et d’impact sur l’empreinte environnementale ou climatique et qui pourraient donc être soutenus ou encouragés par la Région, ou encore une classification de méthodes et types de rénovation selon la nature du bâti.
A terme, le champ d’application pourrait être étendu aux gains réalisés au niveau de nouvelles habitations mais pour l’instant, et dans le cadre du “défi” GeoChallenge, le cadre était somme toute très restreint et balisé.
Sur base de données fournies par le SPW, l’équipe du centre IFAPME a restreint l’exercice au calcul de gain CO2 aux seules rénovations de toitures, qui plus est, celles ayant pu bénéficier d’une aide financière de la Région. Une thématique spécifique choisie “parce que c’est là le premier chantier par lequel il est recommandé de commencer dans le cadre d’une rénovation, dans la mesure où la toiture est généralement la principale source de déperdition d’énergie.”
Les “géochallengeurs” ont développé une formule de calcul permettant de transposer les mesures de consommation en kilowatts/heure en mesure de CO2 économisé. Autre indicateur généré automatiquement: l’évaluation des gains financiers, via simulation automatique en fonction du prix moyen en kWh et des primes applicables. Le tout inscrit dans une ligne de temps afin d’objectiver les gains d’une rénovation. Utile à la fois pour le citoyen-rénovateur et pour les fonctionnaires (et décideurs) de la Région.
L’objectif premier est de “servir de moyen de consultation ouvert au citoyen pour le sensibiliser aux efforts entrepris par la Région wallonne dans le cadre des économies d’énergie obtenu par la rénovation du bâti wallon.”
A noter que les données qui alimentent l’outil et qui permettent de dégager des indications d’amélioration énergétique du bâti wallon ne sont pas (ou pas toutes) des données réelles – que chaque rénovateur fournirait par exemple au fil du temps. L’évaluation se fait plutôt par prise en compte d’un calcul de perte énergétique moyenne “basé sur des degrés d’isolation les plus pessimistes. Il est ainsi possible de calculer l’économie moyenne réalisée selon les hypothèses chiffrées selon le type de combustible utilisé”, précise l’équipe de l’IFAPME. A condition bien sûr de pouvoir croiser les données avec celles, justement, du type de combustible utilisé pour chaque bâtiment.
Equipe CalculO2 (IFAPME): “Notre calcul est basé sur des moyennes basses. Elles doivent donc encore être affinées pour refléter au mieux la situation actuelle du bâti wallon.”
En recourant aux données cartographiques fournies par la Région, il devient néanmoins possible de visualiser les gains – ou les puits de déperdition d’énergie – par zone. Potentiellement jusqu’à une précision au niveau d’un quartier, d’une rue. Du moins sera-ce le cas lorsque la masse des données concernant les travaux de rénovation sera devenue plus importante. Dans l’état actuel des choses, la somme de données disponibles est en effet parfois encore très maigrichonne. Les rénovations se comptent parfois encore sur les doigts d’une main, à l’échelle d’un quartier, voire d’une commune. Et, contraintes RGPD obligent, il n’est donc pas possible de visualiser sur une carte les points rouges ou verts correspondants, cela ayant potentiellement pour conséquence d’identifier trop spécifiquement le propriétaire…
En raison de données encore limitées, la visualisation cartographique réalisée par l’équipe de l’IFAPME se limite actuellement encore à l’échelle d’un arrondissement. Confidentialité RGPD oblige…
Pour l’heure, la visualisation se fait dès lors sur une carte – interactive – à l’échelle d’un arrondissement.
L’outil de visualisation développé permet par contre de représenter les évolutions au fil des ans (en remontant jusqu’en 2016). De quoi visualiser la multiplication des points représentant des rénovations, l’évolution de l’octroi de primes…
Elargir les jeux de données
Pour les besoins du développement du projet, les participants ont pu s’appuyer sur un jeu de données fournir par le SPW (données publiques disponibles d’ailleurs via le Géoportail de Wallonie) comportant quelque 20.000 “enregistrements”. Autrement dit, 20.000 “points de données” (toitures rénovées via obtention d’un financement auprès de la Région wallonne).
A terme, à condition que le SPW procure d’autres jeux de données (ou que d’autres sources de données, venues de tiers, soient mises à disposition), il sera possible d’élargir le spectre à d’autres types de surfaces (murs, sols…).
Il serait par ailleurs utile de pouvoir affiner l’analyse en fonction par exemple du type de matériau ou de technique utilisé ou encore de type de production d’énergie – chose qui n’est pas encore prise en compte. “C’est prévu”, souligne Yves Sermeus, “mais cela dépendra de ce que nous fournira le SPW”. Un SPW qui demeure donc, dans l’état actuel des choses, le seul commanditaire et destinataire des développements.
Même remarque concernant le type de bâtiment concerné: les données mises à disposition ne permettent pas encore d’effectuer une distinction et une analyse selon le type de bâtiment par la rénovation: maison d’un particulier, entreprise, entrepôt, service administratif…
Diverses sources de données sont envisagées comme pouvant venir rendre l’outil plus pertinent et réaliste: données du cadastre, données des primes octroyées, données Totem, données PEB, données sur l’énergie grise (énergie consommée tout au long du cycle de vie d’un produit ou matériau – depuis sa production, son transport… jusqu’à son recyclage).
Même s’il ne s’agit, de toute évidence, que d’une première étape dans le développement de ce qui pourrait devenir un outil réellement pertinent, notons toutefois que la solution développée prend d’ores et déjà la forme d’un site Internet librement accessible à quiconque s’intéresse à la question – qu’il soit simple citoyen, entreprise, entrepreneur, agent communal…
Les motivations du centre IFAPME
Pourquoi le centre carolo de l’IFAPME a-t-il décidé de participer à ce GeoChallenge? Le centre y a vu une double opportunité. D’une part, donner plus de visibilité aux formations à des compétences numériques qu’il organise à destination de jeunes ou d’adultes (chercheurs d’emploi ou personnes en reconversion) – une filière encore relativement nouvelle puisqu’elle a été inaugurée en 2019, venant s’ajouter aux formations en commerce, construction, gestion, logistique, mobilité….
Ensuite, travailler sur un projet concret, pragmatique, ne peut que motiver les apprenants et les confronter au terrain. Sans parler du fait que cela peut faire évoluer leur crédibilité aux yeux de futurs employeurs potentiels, eux qui sont souvent issus d’environnements socio-démographiques plus “challengés” et qui peinent encore à convaincre les employeurs de leur faire confiance, que ce soit au travers de stages ou d’embauches. Le fait de participer – qui plus est, avec succès – à un appel à projets organisé par la Région, souligne Georges Dubois, directeur du centre, c’est l’espoir de changer les regards…
Le centre IFAPME carolo compte d’ailleurs poursuivre dans cette voie, encourageant par exemple ses apprenants en compétences numériques à participer à d’autres appels à projets ou événements de type hackathon. Les 15.000 euros qui ont récompensé sa participation fructueuse au GeoChallenge serviront d’ailleurs, en partie, à financer ce genre de participer. Une partie de l’enveloppe servira aussi à équiper les membres de l’équipe victorieuse en matériel numérique…
Quelques chiffres… Les formations en compétences numériques (développement Web et applis, infrastructure IT, digital marketing,..) à l’IFAPME Charleroi (à l’A6K), c’est, cette année, 182 adultes et 46 jeunes, en progression par rapport à l’année dernière (resp. 173 et 15).
Durée de la formation: de un à trois ans, avec formation en soirée à raison de 8 à 12 heures/semaine).
Mesure de l’assiduité et de la persévérance des apprenants: 167 des 182 adultes et 40 des 46 jeunes sont considérés comme “agréés”, c’est-à-dire affichant un taux de présence supérieur à 66%.
=> A découvrir, dans cet autre article, le projet Go for 2030 porté par le collectif Jules Lesmart… Un projet assez voisin, dans son concept, de celui de l’équipe de l’IFAPME mais qui tend toutefois à produire des résultats sur base de chiffres réels.
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