Le point d’action n° 19 – “Mobile Health” – du plan eSanté porte sur la collecte à distance de paramètres médicaux. A l’heure actuelle, plusieurs solutions peuvent être utilisées à cette fin. Il s’agit souvent de solutions globales dans le cadre desquelles le fournisseur procurer le système d’enregistrement, la plate-forme permettant de conserver les données ainsi que les logiciels pour visualiser et analyser les données.
L’avantage de solutions globales est de procurer d’emblée un système fonctionnel, qui inclut tous les composants nécessaires. Pour des projets-pilote ou pour une phase initiale, de telles solutions globales constituent dès lors une bonne approche permettant d’enregistrer rapidement des résultats. Toutefois, à mesure que l’on juxtapose de telles solutions globales, les problèmes qu’impliquent ces systèmes commencent à émerger.
Parmi les problèmes caractéristiques liés à des solutions globales, on peut notamment citer les exemples suivants.
▪ Si le patient désire une seconde opinion, le deuxième médecin ne pourra pas analyser les valeurs paramétriques s’il n’utilise pas le même système.
▪ Un problème similaire survient lorsqu’un patient souhaite changer de médecin. Si ce dernier utilise un autre système, le patient doit alors apprendre à utiliser un nouveau système, ce qui est loin d’être évident pour tous les patients.
▪ A l’inverse, un médecin ne décidera pas aisément d’utiliser un autre logiciel d’analyse. Souvent, les autres fournisseurs de logiciel n’ont pas accès à un système fermé, ce qui oblige pratiquement le médecin à continuer d’utiliser le même logiciel. Dans le contexte d’un environnement fermé, il n’est pas évident de changer totalement de système dans la mesure où tous les patients du médecin doivent alors recourir à un autre dispositif d’enregistrement.
▪ Si les systèmes sont proposés par un hôpital, le médecin généraliste du patient ne disposera pas toujours d’une licence pour le logiciel d’analyse utilisé. Il est irréaliste d’attendre d’un médecin de famille qu’il dispose de multiples licences logicielles.
Comme souligné précédemment, des solutions globales constituent, dans le cas de projets-pilote ou de phases initiales, la manière la plus rapide d’obtenir des résultats. Pour éviter une prolifération de solutions, utilisées en ordre dispersé, il serait sans doute bon de vérifier s’il n’est pas possible de trouver une solution qui résolve les problèmes signalés ci-dessus. Ce billet de blog tente d’esquisser une piste de solution.
Proposition de solution
Idéalement, tant le patient que le médecin ou que l’hôpital devrait donc être libre de déterminer lui-même le type de dispositif d’enregistrement ou de logiciel que chacun d’eux utilise. Le fait de dissocier totalement les systèmes qui servent à l’enregistrement des données des logiciels qui sont chargés de les traiter résoudrait une bonne partie des problèmes énumérés.
Mais une dissociation totale n’est possible que lorsqu’un acteur indépendant est en charge de la gestion centralisée des paramètres médicaux. Nous n’aborderons pas ici l’identité qui devrait être celle d’un tel acteur indépendant, responsable de la plate-forme d’enregistrement. Plusieurs pistes sont en effet envisageables en la matière.
Le répertoire central tient à jour la valeur des paramètres mesurés et les met à la disposition des utilisateurs autorisés.
Une dissociation totale présente le grand avantage d’instaurer l’égalité entre tous les partenaires. Les différents acteurs peuvent se spécialiser dans une fonction unique, sans devoir prévoir les autres composants d’un système fermé. Le fait d’uniformiser les règles du jeu peut avoir pour effet de l’ouvrir à de nouveaux acteurs innovants. Ce billet de blog a pour but de le démontrer.
Le patient
Le patient devrait être libre de déterminer lui-même le dispositif qu’il désire utiliser. Bien entendu, cette liberté est quelque peu limitée par le fait que l’appareil doit être en mesure de communiquer avec la plate-forme qui gère les paramètres médicaux. Il semble approprié de baser le plus possible cette communication sur des normes internationales. La norme Continua de la Personal Connected Health Alliance est un exemple de norme internationale dédiée aux appareils médicaux d’enregistrement. Elle décrit notamment l’interface entre les dispositifs de mesure et la passerelle chargée d’envoyer les valeurs vers une plate-forme centrale. Le site Internet de la Personal Connected Health Alliance reprend une liste de tous les dispositifs d’enregistrements qui satisfont dès à présent à la norme.
Le médecin
Dès l’instant où un médecin n’est plus obligé d’utiliser un logiciel spécifique, il a la possibilité d’intégrer dans son propre logiciel DMI (dossier médical informatisé) les fonctions lui permettant de visualiser et d’analyser les valeurs paramétriques. Cela aurait l’avantage de lier les valeurs paramétriques aux informations disponibles à propos du patient. Une telle corrélation permettrait de générer une vue plus complète du patient au sein du logiciel DMI du médecin.
Anonymisation des valeurs paramétriques
Les paramètres médicaux sont des informations sensibles et doivent donc bénéficier d’une protection maximale. Mais, par ailleurs, le fait de les mettre à la disposition de tiers – sous certaines conditions – peut déboucher sur une gamme de services entièrement nouvelle.
Il semble donc opportun de conserver les paramètres dans un environnement distinct, associé à une clé d’identification technique spécifique. La relation avec le citoyen pourrait alors être gérée par le biais, par exemple, de l’un des coffres-forts existants (Réseau Santé Wallon, Réseau Santé Bruxellois ou Vitalink).
Le prestataire de soins qui a accès à l’information contenue dans l’un de ces coffres-forts dispose de toutes les clés d’identification nécessaires pour aller puiser les paramètres d’une personne déterminée. Seule la personne qui a accès à la plate-forme paramétrique peut avoir accès aux données anonymisées.
De nouveaux services innovants
Comme signalé dans le paragraphe qui précède, on peut imaginer mettre les valeurs paramétriques anonymisées à disposition en vue de nouveaux traitements. Ces données peuvent être source de nouveaux services.
Des sociétés pourraient par exemple utiliser les données afin de surveiller en permanence les valeurs soumises. Il deviendrait par ailleurs possible de développer et d’appliquer des techniques d’analyse de données évoluées ou des mécanismes de détection IA (intelligence artificielle) sur les données consignées dans la plate-forme paramétrique afin de signaler d’éventuels problèmes.
Les start-ups pourraient également bâtir leur modèle économique sur base d’un accès à ces données et créer une offre de service. Le fait de rendre ces données aisément accessibles a pour effet de réduire les obstacles qui entravent le lancement d’une nouvelle offre de services. Dès l’instant où il n’est plus nécessaire de développer une solution de bout-en-bout, les frais initiaux s’en trouvent sensiblement réduits.
Par ailleurs, de nouveaux acteurs ont également la possibilité de développer de nouveaux dispositifs d’enregistrement ou de nouvelles applis et de les connecter à la plate-forme d’enregistrement. La seule condition en la matière est de faire en sorte qu’ils s’alignent sur les normes utilisées. Pour que ces acteurs puissent commercialiser leurs dispositifs à l’échelle internationale, rappelons qu’il est important que les normes utilisées par la plate-forme paramétrique soient des normes internationales.
Petite remarque générale concernant ce billet de blog: il traite du sujet en considérant que le traitement des paramètres de santé est le fait du médecin. Les raisonnements qui précèdent s’appliquent tout aussi bien à des scénarios où le traitement est le fait d’autres prestataires de soins.
Ajoutons encore que ce qui précède n’est envisageable et possible qu’à deux conditions. Primo, que l’on trouve une solution aux différents problèmes que l’on rencontre actuellement dans le cadre du déploiement de solutions de télé-soins (modèle de remboursement, responsabilité juridique…). Deuzio, il est nécessaire de tenir compte de la réglementation GDPR (règlement général sur la protection des données) lors de la mise en oeuvre d’une solution.
Renzo Lylon
consultant auprès de
Smals Research
Ndlr: à lire sur le même sujet, ou dans la même optique, notre article sur le projet wallon INAH (Institute of Analytics for Health).
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