“Mercurius”, nom donné par le fédéral à la plate-forme de réception centralisée des factures électroniques destinées aux services publics, a donc bouclé sa phase-pilote et s’apprête à être déployé et généralisé aux divers services publics (fédéraux mais aussi, potentiellement, régionaux et autres).
La phase-test a eu pour mérite majeur de révéler que la méthode choisie pour l’envoi des factures et, donc, pour l’intégration entre solutions IT des fournisseurs et de leurs clients publics (e-Prior) était loin d’être optimale. Verdict: “trop lourd, trop complexe”. Un lourd exercice d’intégration avec Mercurius devait en effet être effectué pour chaque nouveau fournisseur passant à la facturation électronique. Or, rien que pour les clients fédéraux, on en dénombre… 29.000, de toutes tailles.
Refroidis par la lourdeur de la solution e-Prior, rares sont encore les fournisseurs des services publics qui sont passés à la facturation électronique. Ils ne sont en effet que 10. Quatre pour le fédéral (Electrabel, Proximus, KPMG et l’asbl eGov), six en Flandre (Aswebo, CSC, HB plus, PWC, KPMG et la Vlaams EnergieBedrijf).
François Van Uffelen (Babelway): “La Belgique semble décidée à figurer parmi les pionniers de l’implémentation d’OpenPEPPOL,“à montrer l’exemple, et c’est une bonne chose.”
Mais de nombreux autres se sont dits intéressés, ajoute Sven Forster, n’attendant selon lui que la souplesse d’OpenPEPPOL pour sauter le pas. Selon le Fedict, la liste de ces futurs adhérents comporte aujourd’hui des noms tels que Cofely Fabricom, Cronos, Atos Jan De Nul, Mobistar, RealDolmen…
Du côté back-offices connectés, on en dénombre pour l’instant 4 côté fédéral: SPF Budget et Contrôle de la gestion, SPF Fedict, SPF Chancellerie du Premier Ministre et l’ASA, Agence de la Simplification Administrative.
La Flandre, quant à elle, annonce 6 services connectés.
Il a donc été décidé de mettre en oeuvre le modèle OpenPEPPOL (Open Pan-European Public Procurement Online) (voir encadré ci-dessous) qui supprime le principe du “point-to-point” et insère dans le schéma un relais “agnostique”, permettant aux fournisseurs de continuer à passer par leur fournisseur de service de leur choix. A condition que ce dernier adopte la norme OpenPEPPOL.
Côté réception de la facture, Mercurius utilisera dès lors désormais une interface OpenPEPPOL. Côté intégration avec le backoffice de l’administration ou du service public client, l’interface continuera (du moins à court et moyen terme) d’être de type e-Prior P2P. “Pour ne pas tout bousculer en une seule fois, souligne Sven Forster.
Pourquoi Open PEPPOL?
Aux yeux de François Van Uffelen, directeur général de Babelway, “OpenPEPPOL permet d’éviter le “lourd et pénible processus d’intégration qu’exigeait l’activation des flux d’échanges via e-Prior.”
OpenPEPPOL est un projet européen définit une norme européenne en matière d’échanges commerciaux et de facturation électroniques et permet l’envoi de factures électroniques aux administrations de même qu’entre les entreprises privées au sein des pays affiliés.
Il s’agit donc d’une norme d’interopérabilité entre prestataires de service, réseaux, fournisseurs et destinateurs finaux. Plutôt que d’imposer aux fournisseurs et aux acheteurs de passer par un même réseau (intermédiaire), OpenPEPPOL fait office de mécanisme d’interopérabilité entre fournisseurs de service, à savoir des intermédiaires tels que Basware, UnifiedPost, Babelway, B2Boost, Advalvas…
Une asbl OpenPEPPOL a vu le jour en septembre 2012 qui développe et gère les spécifications de la norme et du réseau PEPPOL en Europe.
L’autre avantage qu’apprécie plus particulièrement Babelway est son côté agnostique.
“OpenPEPPOL favorise le modèle “4-corner”. Chaque partie prenante d’une transaction (le fournisseur et l’acheteur) utilise son propre fournisseur de service qui devient alors “point d’accès”.
Le message électronique transite par 4 parties (entreprise A, prestataire de services A, prestataire de services B, société B) – d’où le nom du modèle “4-corner”.
Il s’oppose au modèle “3-corner” le fournisseur et l’acheteur sont obligés de souscrire à un même fournisseur de services électroniques, ce qui une résistance très forte à l’adoption des échanges électroniques et automatisés en raison des risques de “captivité client” et d’imposition de conditions financières lourdes par le point de transit centralisé – ou “réseau” – détenu par une seule entité, qu’elle soit publique ou privée.
OpenPEPPOL est une approche très innovante car elle résout le problème de routage (Comment puis-je savoir où je dois envoyer mes données électroniques?). En apportant des solutions concrètes pour le routage et la gouvernance entre les fournisseurs de services, OpenPEPPOL détient le potentiel pour devenir une norme largement adoptée.”
OpenPEPPOL, un mécanisme d’échanges qui veut préserver les choix de chacun tout en harmonisant le processus.
OpenPEPPOL n’en est encore qu’à ses débuts, en termes d’adoption. Le pays le plus en pointe, aux yeux de François Van Uffelen, est la Norvège où les pouvoirs publics ont effectué une grosse campagne de promotion. Résultat: “un fort degré d’adoption, tant par les acteurs publics que privés.”
La norme a également convaincu, mais à un stade moins avancé, des pays tels que la Suède, le Danemark, les Pays-Bas ou encore le Royaume-Uni.
La Belgique (en tout cas au niveau fédéral) semble donc aujourd’hui décidée à figurer parmi les pionniers, “à montrer l’exemple, et c’est une bonne chose”, estime François Van Uffelen.
Une “autorité” OpenPEPPOL par pays ou “domaine”
Selon les règles imaginées dans le cadre du projet OpenPEPPOL, chaque Etat-membre de l’UE est sensé désigner une “autorité” par “domaine” (correspondant au territoire national, à une région voire à un secteur). Cette “autorité” assure la coordination, accrédite les opérateurs (prestataires de services, aussi qualifiés d’“access points service provider”), règle les problèmes techniques, anime des forums, veille à la gouvernance et au respect des accords…
En Belgique, cette “autorité” n’est autre que le Fedict. Aux Pays-Bas, c’est un organe mixte (privé-public) qui est à la manoeuvre.
Au Royaume-Uni, il se pourrait qu’il y ait finalement plusieurs autorités, étant donné que le NHS s’est positionné comme “autorité OpenPEPPOL pour le secteur de la santé”.
Toutes les “autorités” nationales siègent au Collège (international) OpenPEPPOL qui fait office d’organe de coordination.
Bien entendu, pour qu’OpenPEPPOL puisse s’imposer sur le marché, il faudra que les prestataires de services (gestionnaires de réseaux tels que Basware) mais aussi les éditeurs de logiciels supportent la norme.
“Le marché”, estime François Van Uffelen adoptera ou non la norme selon l’instance que mettra l’Etat à en faire un passage obligé.” Autrement dit, la voie électronique pour tout facturation par les fournisseurs du public deviendra-t-elle obligatoire (comme pour les déclarations de TVA) ou restera-t-elle une option plus ou moins “recommandée” (comme pour la déclaration de revenus)?
“Pour l’heure, le gouvernement belge semble se positionner comme donneur de bon exemple. Il lance la plate-forme et avisera plus tard de la ‘pousser’ de manière plus ou moins assidue. Il en fait la promotion et vérifiera dans un premier temps si le processus s’avère facile pour les fournisseurs.”
Que devient e-Prior?
En Belgique, les fournisseurs qui avaient déjà instauré des processus de facturation électronique, basés sur le mécanisme e-Prior, continueront, s’ils le désirent, à passer par cette voie. Le support, confié lui aussi à Babelway par le Fedict, continuera d’être assuré. En tout cas jusqu’à nouvel ordre. Un “basculement” vers Open PEPPOL est en effet probablement inexorable mais sans qu’un calendrier ait encore été établi. “Les clients actifs utilisant ePrior disposeront d’un délai non encore déterminé pour passer a OpenPEPPOL”, confirme François Van Uffelen. “Ce n’est en tout cas pas la priorité du moment.”
Le logiciel e-Prior, par ailleurs, continue d’être utilisé par la Commission européenne et continue d’évoluer. Sa version actuelle est d’ailleurs plus performante que celle, plus ancienne, dont disposait le Fedict, reconnaît Serge Libert, chef de projet Mercurius. Il se pourrait donc que certaines administrations le préfèrent, dans l’immédiat, au mécanisme OpenPEPPOL.
Mais e-Prior et OpenPEPPOL sont appelés à coexister, sinon à se fondre à terme, notamment pour toute relation avec les institutions européennes, estime-t-on au Fedict.
Trois méthodes
Dernière remarque – et elle est importante. D’une part, la facture électronique “B2G” (business to government) n’est pas (encore) obligatoire. D’autre part, adopter l’intégration OpenPEPPOL concerne essentiellement les fournisseurs dont le volume de factures adressées aux services publics est jugé suffisant par eux pour enclencher un projet d’intégration. Il reste plus simple pour les petits fournisseurs ou fournisseurs épisodiques, comme le soulignait François Van Uffelen, d’encoder leurs factures directement dans Mercurius par le biais de l’interface Web qui a été aménagée à leur intention. Nom de baptême “supplier portail”.
Dans l’état actuel des choses, l’envoi d’une facture électronique par un fournisseur (produit ou service) à l’administration ou au service public concerné peut donc se faire selon trois “chemins”:
- Mercurius via e-Prior, pour les fournisseurs envoyant déjà des factures électroniques et non désireux de passer au mécanisme OpenPEPPOL
- Mercurius via OpenPEPPOL, pour tout nouveau fournisseur des autorités publiques qui désirerait se mettre à la facturation électronique
- un encodage de la facture (en XML suivant la norme UBL – Universal Business Language – 2.0) directement sur le “portail fournisseurs” Mercurius. Cette procédure est en principe destinée aux “petits” fournisseurs qui n’ont pas beaucoup de factures à adresser à des clients publics. “Une saisie épisodique est plus aisée qu’un projet d’intégration…”. A terme toutefois, à condition que les éditeurs de logiciels intègrent un bouton OpenPEPPOL dans leurs programmes “sans imposer de configuration ou de surcoût”, la génération et envoi de facture électronique vers Mercurius pourrait devenir automatique, supprimant le besoin d’en passer par le portail.
Et, rappelons-le une dernière fois, l’envoi de factures papier demeure par ailleurs possible, le recours à la facture électronique n’étant pas encore obligatoire.
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