Début 2018, la Région wallonne lançait Class’Code, un “projet de formation, en-ligne et présentiel, autour des sciences informatiques à l’école”. Son leitmotiv: permettre de “maîtriser la pensée informatique pour la transmettre”. Cible: les enseignants.
Au programme: découverte de la programmation, de l’algorithmique, de la robotique, de la connectique, de la gestion de projet informatique…
Class’Code est une plate-forme où les enseignants peuvent trouver des ressources de formation, structurées en cinq modules de type Mooc (cours en-ligne ouverts à tous) leur permettant d’apprendre le b.a.-ba afin “d’animer des ateliers de découverte avec les jeunes” sur les thèmes de la programmation créative, du codage de l’information, de la robotique ludique et des enjeux sociétaux qu’ils impliquent. Ils y appréhendent par exemple les concepts de la logique, les bases de l’usage des robots Thymio ou encore de la programmation avec Scratch.
Les cinq modules Class’Code
– découvrir la programmation (comprendre à quoi servent les algorithmes, développer un petit programme en Scratch…)
– manipuler l’information (comment analyser, manipuler, traiter l’information; que se cache-t-il derrière un pixel, ce que la numérisation de l’information change…
– initiation à la robotique
– connexion avec le réseau (découvrir la face cachée du réseau – adresses, sites Web…)
– pédagogie de projet d’un projet informatique appliquée à l’informatique
Tous les détails sur les différents modules et leur contenu via le site pixees.fr
Un modèle venu de France
Class’Code n’est en fait pas une initiative d’origine locale. Les responsables du programme WallCode ont en effet décidé de s’arrimer à une plate-forme existante, lancée en 2016 par l’INRIA en France.
Toutefois, le Class’Code belge présente certaines spécificités. Là où les enseignants français opèrent en totale autonomie, consommant les Mooc sans assistance, la décision a été prise, côté belge francophone, d’habiller quelque peu le concept, en proposant trois formules:
- un apprentissage en autonomie (en-ligne) totale mais suivi d’une rencontre, en mode debriefing et échange d’expériences
- une première réunion préparatoire, suivie d’une période d’apprentissage autonome, avec rencontre finale
- un apprentissage en présentiel, à raison d’une ou deux journées de formation.
Les rencontres éventuelles entre participants sont “modérés” par un “facilitateur”, tantôt un informaticien, tantôt un formateur, tantôt encore un enseignant expérimenté, qui consacre ainsi quelques heures à répondre aux questions et interrogations des apprenants.
Pour mettre en oeuvre le volet “off line” du programme, plusieurs partenaires ont été embrigadés pour organiser les cours en présentiel ou pour informer et encadrer les enseignants apprenants lors de séances d’information ou de debriefing. A savoir: les centres de compétence Technofutur TIC (Gosselies) et Technobel (Ciney), Kodo Wallonie, SiCarré, le Pass et Martin Waroux, enseignant en codage créatif Arts numériques à l’Arts2 (École supérieure des Arts de Mons).
Pourquoi cette approche différente?
Sébastien Reinders, expert edtech à l’Agence du Numérique: “Chez nous, le niveau d’acculturation de base des enseignants est un bon cran en-deçà de celui de nos voisins. Il y avait un clair besoin de leur fournir un accompagnement plus important.”
L’aptitude “à blanc” de nos enseignants de s’ouvrir à de nouveaux horizons et méthodes, leur propension et aptitude à l’auto-apprentissage seraient donc (davantage) lacunaires? “Ils ont moins tendance à l’introspection par rapport à leur métier, à vouloir savoir où ils en sont.” Comment Sébastien Reinders explique-t-il ce fait plutôt étonnant? Il évoque plusieurs raisons potentielles: moins d’années de formation (la quatrième année annoncée serait donc en principe une bonne chose), “beaucoup d’étudiants-chercheurs”, 20 à 25% d’enseignants qui ne disposent pas du titre requis [ils enseignent une matière pour laquelle ils n’ont pas été formés ou diplômés].
Il y aurait donc urgence à revoir la formation initiale… Et l’apprentissage du numérique, de ses outils, de ses usages et de ses implications, ne fait évidemment pas exception à la règle. Avec la dimension supplémentaire de cette crainte qu’il suscite encore chez beaucoup – une raison invoquée par plusieurs des interlocuteurs rencontrés dans le cadre de ce dossier – voir notre autre article.
Sébastien Reinders (AdN): “Chez nous, le niveau d’acculturation de base des enseignants est un bon cran en-deçà de celui de nos voisins. Il y avait un clair besoin de leur fournir un accompagnement plus important.”
Et, a posteriori, alors que la première saison se termine, les responsables de la formule wallonne estiment avoir misé juste. Les formations qui ont en effet eu le plus de succès sont les journées en présentiel. “La demande fut telle qu’on a dû dédoubler l’offre” [certes modeste au départ].
“Les enseignants aiment en effet être accompagnés pour leurs premiers pas”, commente Sébastien Reinders. Le concept de réunions préalables a également eu son petit succès.
Modules Class’Code les plus en vogue auprès des enseignants, jusqu’à présent? L’acculturation à l’algorithmique et à la robotique.
Class’Code. Clap deuxième
Pour sa deuxième saison, Class’Code ne devrait pas changer de formule. Les thématiques et compétences visées demeurent les mêmes – même si le contenu, décidé par l’INRIA, s’enrichit au fil du temps. Les modalités d’accès et de mise à disposition des contenus resteront également les mêmes. Toujours donc avec une certaine dose d’encadrement, contrairement à ce qui se fait en France.
De petits aménagements sont toutefois prévus. Au lieu de proposer un agenda verrouillé, une certaine flexibilité sera admise pour les choix de date, afin de mieux prendre en compte les préférences ou contraintes des enseignants. Par ailleurs, il deviendra possible à plusieurs enseignants d’une même école de s’enregistrer en bloc – histoire de privilégier les échanges et l’émulation au sein d’un même établissement.
A quand une systématisation et un financement?
Un problème se pose néanmoins: la participation à ces formations Class’Code se fait encore sur base volontaire et elles doivent être suivies en dehors des heures de classe. L’espoir est de les faire pleinement reconnaître par l’IFC (Institut de la Formation en cours de Carrière) afin qu’elles puissent être intégrées aux agendas professionnels.
Un autre problème potentiel se pose en termes de financement. On en revient ici au problème de répartition des compétences entre Région wallonne et Communauté française. Nous l’évoquions dans notre article “Du bric, du broc mais pas assez de “brug” ?”, la Région, par certaines actions et initiatives, pallie le manque de moyens financiers de la Fédération Wallonie-Bruxelles. Mais ses moyens, à elle aussi, ne sont pas extensibles à l’infini – c’est un flagrant understatement.
Dans l’état actuel des choses, Class’Code est encore une initiative modeste, mobilisant peu de moyens. Quid si elle devait prendre de l’ampleur? “Nous aurions en effet peut-être un problème de volume”, estime Sébastien Reinders. “Les centres de compétence sont en effet payés par la Région, dans le cadre de l’accord de coopération [passé en 2005 avec la Communauté française]. Ce n’est pas l’IFC qui rémunère les centres de compétence pour ses actions de formation des enseignants.”
Et la Région parvient à financer l’initiative en s’appuyant en partie sur des budgets européens (FSE)…
Déjà, à l’heure actuelle, l’offre Class’Code semble “un peu juste” face à la demande. “Dès qu’on annonce l’ouverture d’une formation, il y a un afflux. Nous devons refuser du monde… L’offre n’est pas suffisamment large et ample.”
Combien de séances d’encadrement ont-elles été organisées, combien de participants aux modules en auto-apprentissage? Les chiffres ne seront connus que d’ici quelques mois (un enseignant en fait d’ailleurs un sujet dans le cadre d’un master 2) mais voici déjà quelques indications préliminaires, côté séances d’information: une vingtaine du côté de chaque Centre de compétence et quelques autres du côté de SiCarré et du Pass.
C’est peu en effet mais, se défend Sébastien Reinders, “ce n’était que la première année, une année de lancement. Nous en restons toutefois en effet à un niveau “symptôme”, non structurant pour la formation des enseignants… Au niveau de l’AdN, nous voudrions que ce soit amélioré, bonifié…”
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