Andenne: un site Internet tous publics

Pratique
Par · 27/06/2013

Depuis le mois de mars 2013, le site Internet de la Ville d’Andenne s’est doublé d’une version spécifiquement destinée à des internautes qui, pour diverses raisons, éprouvent des difficultés à appréhender les contenus mis en-ligne.

Ce public peut prendre de multiples visages. Si la cible première est celle de personnes souffrant d’une déficience intellectuelle, les concepts mis en oeuvre peuvent également bénéficier, par exemple, aux aînés ou aux personnes éprouvant des difficultés de lecture (illettrisme, handicaps divers…). A ne pas confondre avec les déficients visuels pour qui diverses solutions existent déjà sur le marché (traduction vocale, norme AnySurfer pour la conception de sites…).

“Facile à lire et à comprendre”

C’est une rencontre avec l’asbl Inter-Actions, lors des Rewics 2012, qui est à la base de l’initiative. Cette asbl a en effet lancé le projet “Visa pour le Net”, destiné à adapter les sites Internet de telle sorte à les rendre “faciles à utiliser, à lire et à comprendre” par des personnes souffrant de déficience intellectuelle.

“Nous avons jugé intéressant de développer un site de ce type afin de ne pas priver certains de nos concitoyens de l’information que leur procure notre site”, explique Marc-Laurent Magnier, webmaster responsable du site. “Nous pensons par exemple aux personnes auxquelles s’adressent des services d’accompagnement telles ceux de l’asbl SAIHA (Service d’accompagnement et d’insertion sociale pour personnes handicapées) ou de l’association Envol, qui mène notamment des actions d’alphabétisation à destination de publics précarisés, faiblement qualifiés ou scolarisés. L’Envol utilise d’ailleurs désormais notre site communal pour les exercices de lecture qu’elle organise…”

Andenne est la première commune francophone à mettre en pratique les préceptes “faciles à lire et à comprendre”. “Dans le monde francophone, à notre connaissance, seule Montréal a développé un tel site”, croit savoir Marc-Laurent Magnier. L’initiative andennaise suscite par contre un début d’intérêt de la part d’autres communes. Hannut (commune où est établie l’asbl Inter-Actions) planche actuellement sur un site similaire qui pourrait voir le jour à la fin de l’été. Des contacts ont également été pris avec la Ville de Namur qui pourrait être intéressée à exploiter certains des textes de base rédigés pour Andenne. “Nombre de choses sont identiques, quelle que soit la commune. Une carte d’identité électronique, par exemple, reste toujours une e-ID. La mutualisation de ce genre de contenu a donc un sens. Par ailleurs, il peut être intéressant que les publics défavorisés visés retrouvent plus ou moins les mêmes contenus sur tous les sites, par exemple pour qu’ils ne soient pas désarçonnés quand ils déménagent vers une autre commune…”

Un site plus dépouillé

Le site “facile à lire et à comprendre” de la Ville d’Andenne, opérationnel depuis mars, propose un sous-ensemble d’informations, puisées dans le contenu du site “normal”.

On y trouve des informations concernant la vie pratique et quotidienne de la commune, des informations et conseils pour les changements d’adresse, le rôle du collège et du conseil communal, les horaires du discobus, les marchés et brocantes, les services de transport public, la collecte et le tri des déchets, les services d’urgence…

“Notre volonté est de permettre à ces publics en difficulté d’avoir accès à l’information, de trouver des explications qu’ils n’ont pas l’opportunité de lire ailleurs. Par exemple, une explication sur ce qu’est un collège ou un conseil communal, ou à quoi peut servir la carte d’identité électronique… Cela leur ouvre de nouvelles opportunités, leur apporte des connaissances dont ils étaient jusqu’à présent privés. Même les collaborateurs de l’asbl Inter-Actions nous a dit avoir appris plein de choses.”

Un contenu adapté

Au-delà de simples adaptations d’ordre graphique (tailles de caractères plus grandes, espacements entre lignes, codage couleurs des liens…), la navigation et le contenu ont été retravaillés en profondeur.

Chaque lien, chaque section ou concept est associé à un support visuel, par exemple l’image d’un bus pour illustrer les informations pour les transports et déplacements.

Les menus déroulants “qui exigent une motricité fine, non maîtrisée, par ces publics défavorisés” ont fait place à des boutons illustrés.

Aucune information ne nécessite plus de clics pour la trouver. “Et le chemin de navigation emprunté s’affiche de telle sorte que l’internaute puisse facilement revenir en arrière.”

La formulation du contenu a été adaptée, simplifiée à l’extrême: phrases courtes, maximum une idée par phrase, précision dans les termes choisis, pas de longues explications mais la mention, par exemple, des coordonnées d’une personne qui pourra renseigner directement l’internaute…

Pour en savoir plus sur les règles d’une “écriture facile à lire et à comprendre, consulter le guide des “Règles européennes pour une information facile à lire et à comprendre” publié en 2009, avec le soutien d’Inclusion Europe et de la Commission européenne (DG Education et Culture). 

Jusqu’à présent, environ un-tiers du site de la commune a ainsi été adapté… par l’équipe Communications de la commune mais avec l’assistance de l’asbl Inter-Actions. “Leurs collaborateurs, eux-mêmes souffrant de handicaps, ont testé et corrigé les contenus. Tant en termes de types d’informations à sélectionner que de formulation et structuration des textes.

Le projet “Visa pour le Net” a en effet pour particularité d’être animé par des personnes souffrant elles-mêmes de déficience intellectuelle qui sont, dès lors, mieux placées que quiconque pour comprendre les difficultés de la navigation et des contenus Internet et pour les modeler sous une forme mieux compréhensible.

Au-delà de certaines aptitudes nouvelles- ou de réflexes- à acquérir pour la rédaction, le développement d’un site “simplifié” exige davantage de temps, puisqu’il s’agit de dédoubler et de sélectionner les contenus. “Il faut aussi plus de temps pour adapter les feuilles de style, le mode de navigation… Les développeurs ou le responsable du projet doivent avoir des compétences non seulement en développement mais aussi en graphisme, en structuration d’informations. Il est donc préférable de pouvoir se reposer sur une personne ou une équipe interne. Car cela coûte vite cher de devoir trouver ces compétences en extérieur. Cela devient alors un frein au développement d’un tel site”, déclare Marc-Laurent Magnier. Qui n’en reste pas moins convaincu que la présence d’un webmaster ou d’une équipe IT/Internet au sein d’une commune est avant tout une question de volonté politique.

“Mieux qu’AnySurfer”

Aux yeux de Marc-Laurent Magnier, adapter le contenu du site de telle sorte à recevoir le label AnySurfer n’aurait pas rempli les objectifs recherchés. “Nous avons certes retenu et mis en pratique, sur le site classique, certaines spécifications définies par la norme AnySurfer mais se plier à toutes les contraintes aurait eu pour conséquence de limiter l’expérience [de lecture et de navigation] pour tous les internautes. Qui plus est, les règles de labellisation AnySurfer ne permettent pas de limiter l’application de leurs critères à un sous-ensemble d’un site. C’est tout le site ou rien. Tout faire aurait été infaisable, tant en temps qu’en termes de budget. Nous aurions par exemple du prévoir la retranscription en braille de nos quelques 360 vidéos… Par contre, ce qui a été fait, c’est de prévoir une alternative texte à chaque image.”