AMTRA: appli mobile pour suivi ambulatoire du traitement anticancéreux

Pratique
Par · 28/03/2018

Le projet AMTRA est l’un des 24 projets-pilote “m-health” (santé mobile) initiés courant 2017 à l’initiative de la Ministre Maggie De Block. Objectif de ces projets: valider l’intérêt, médical notamment, et la faisabilité, en ce compris financière et réglementaire, d’applications mobiles au service des soins de santé.

Le projet AMTRA est en fait l’extension à des hôpitaux wallons et bruxellois d’un projet précédent, baptisé AMOCT, effectué à l’UZ Anvers. Objet: la faisabilité d’un suivi ambulatoire d’un traitement contre le cancer pendant la période séparant deux visites ou traitements en hôpital – période pendant laquelle le patient est largement livré à lui-même.

La solution développée prend la forme d’une appli mobile, conçue par la société anversoise Remedus spécialisée dans le suivi des soins à domicile. A l’UZ Anvers, les patients concernés par le projet AMOCT furent des personnes souffrant d’un cancer digestif, soignées via médication orale.

Ce projet avait déjà permis de tirer de premières conclusions, notamment une diminution du nombre de ré-hospitalisations ou de passages aux urgences et, grâce à une détection plus rapide des anomalies, la possibilité d’adapter le traitement ou de réagir plus rapidement.

Les auteurs de l’étude soulignaient alors que cette solution pourrait également se traduire par des économies non négligeables pour la sécurité sociale. L’un des chiffres avancés à l’issue du projet AMOCT était le suivant: gain de 190.000 euros pour une cohorte de 150 patients.

Extension à des hôpitaux francophones

Après la phase de test à Anvers, profitant de l’appel à projets lancé par le SPF Santé publique et la ministre Maggie De Block, les initiateurs ont étendu le champ de test à d’autres hôpitaux, en ce compris en région francophone. Etablissements concernés: les services d’oncologie du GHdC (Grand Hôpital de Charleroi) et du CHU de Namur (Sainte-Elisabeth et Mont-Godinne).

Nom de code du projet: Stay on Track – AMTRA (Ambulant Monitoring of cancer Therapy using smaRtphone Application).

Le but était non seulement de tester la solution dans d’autres contextes hospitaliers (de différentes tailles, de type universitaire ou non), ayant des procédures et des approches potentiellement différentes, mais aussi d’étendre l’expérience à d’autres types de cancers que celui touchant le système digestif.

Pour le GHdC, le projet s’inscrivait dans le droit fil de projets et programmes entamés dès 2016 pour une exploration de l’hospitalisation à domicile (HAD) dans le contexte de traitements oncologiques.

Vincent Verschaeve, médecin responsable du projet au service d’oncologie médicale du GHdC (site Sainte-Marie): “Nous avions déjà un programme HAD, avec visite à domicile d’un infirmier spécialisé pour l’administration sécurisée de médicaments par voie sous-cutanée et la surveillance de la tolérance de thérapies par voie buccale.

En cas de traitement oncologique, entre deux visites programmées à l’hôpital, des effets secondaires peuvent en effet se produire – déshydratation, inflammation sévère de la bouche, diarrhées… Parfois, le patient ne contacte pas assez vite son médecin traitant et les dégâts sont déjà importants lors de la visite suivante.

L’utilisation d’un smartphone et d’une appli permet de collecter des paramètres simples (fièvre, tension artérielle…) et de répondre à une série de questions. Selon les réponses et les données collectées, par exemple le taux de diarrhée indiquant le degré de gravité ou une température trop élevée, une alerte est envoyée à la plate-forme centrale qui prévient l’infirmier coordinateur. Cela permet une prise de contact plus rapide avec l’oncologue responsable ou le médecin traitant, qui peut dès lors décider d’une intervention ou d’une modification de la médication.”

Gagnant-gagnant?

Le Dr Vincent Verschaeve voit, dans le recours à une appli telle que Stay On Track/AMTRA, un autre bénéfice immédiat: “Cela remet le patient face à son traitement. La plupart des patients ayant participé au projet-pilote se sont dits satisfaits. La solution permet de répondre plus vite à leurs sollicitations et ils peuvent mieux suivre leur traitement au jour le jour.

Cela permet de réagir avant que d’éventuels effets secondaires ne soient devenus trop importants. Ce qui, à son tour, favorise la poursuite du traitement, au lieu de voir le patient stopper net en raison des effets trop lourds…”

Cela ne signifie pas pour autant que la messe soit dite. Toute une série de conditions et de réaménagements sont nécessaires à ses yeux. Et d’énumérer: “un important besoin d’information et de formation de toutes les parties concernées, une concertation avec les acteurs de première ligne, à commencer par le médecin traitant, la définition de règles de conduite, une coordination avec le service social…”

Côté hospitalier, le fait d’expérimenter ce type de solution pour le suivi des traitements à domicile avait plusieurs objectifs: vérifier la faisabilité, déterminer le taux de confiance des patients dans le smartphone, retirer des enseignements en termes de suivi plus régulier d’une médication et de la sélection des traitements.

Types de cancers concernés par le projet-pilote, à Charleroi: essentiellement les cancers du système digestif, du sein, des poumons et des reins.

Types de traitements surveillés à domicile: quatre catégories de traitements anticancéreux, à savoir les chimiothérapies orales ou intra-veineuses, les thérapies ciblées orales, les anticorps monoclonaux sous-cutanés ou intraveineux, et l’immunothérapie. “Ces traitements réalisés en hôpital de jour présentent en effet d’importants risques d’effets secondaires se manifestant entre deux visites à l’hôpital [distantes d’un mois].”

Principales conclusions

De l’expérience, réalisée sur une cohorte d’environ 50 patients par hôpital participant (au total 184 patients ont été concernés) sur une durée de six mois, le Dr Vincent Verschaeve tire les conclusions suivantes: la satisfaction des patients, une meilleure réactivité qui permet au coordinateur de prévenir directement le spécialiste ou le médecin traitant, la mise en évidence de certains symptômes. “Cela nous a permis d’affiner certains symptômes. Cela va nous permettre de concentrer davantage la surveillance sur certains traitements présentant des risques d’effets secondaires considérés comme plus pertinents que d’autres et éviter ainsi d’être noyés sous une masse d’informations et de détails”.

 

La solution pourrait être utile également, selon lui, dans le contexte de l’immunothérapie “qui produit d’autres types d’effets secondaires, telles que des allergies ou des réactions cutanées ou respiratoires. L’outil pourrait permettre de mieux les identifier et suivre.”

Il déplore toutefois le fait que l’expérience ait été trop limitée dans le temps (six mois). L’intention – de la part de tous les hôpitaux ayant participé au projet-pilote – est dès lors de prolonger l’exercice et de recruter un plus grand nombre de patients afin de collecter davantage d’informations. Mais il faudra, pour cela, trouver de nouveaux financements. Eventuellement du côté du privé, mais avec la condition sine qua non que ces partenaires commerciaux ne puissent accéder aux données…

Côté purement fonctionnel, l’appli devrait par ailleurs être enrichie – notamment via l’ajout de nouveaux canaux de signalements (alertes, envoi de données…) vers d’autres destinataires (par exemple, l’oncologue de garde) et la possibilité d’intégrer les données directement dans le DPI (dossier patient informatisé) de l’hôpital.

“Idéalement”, ajoute encore le Dr Vincent Verschaeve, “le but serait de développer à terme un portail pour la lecture des résultats et des commentaires. Il pourrait être une source d’informations commune à tous les intervenants ou même hôpitaux concernés, dans le droit fil de ce que le RSW [réseau santé wallon] cherche à développer.”

Fiche Projet

Projet:  Stay On Track/AMTRA (Ambulant Monitoring of cancer Therapy using smaRtphone Application).

Solution: l’appli RemeCoach et la plate-forme RemeCare de Remedus (Aartselaer).

Etablissements concernés: AZ Maria Middelares de Gand, UZ Anvers, AZ Monica d’Anvers, AZ Heilige Familie de Reet, CHU UCL de Namur et le GHdC (Grand Hôpital de Charleroi).

Objectif: “démontrer que le suivi d’un patient ambulatoire avec un traitement anti-tumoral améliore les résultats cliniques de son traitement: les effets secondaires de la médication étant détectés plus

rapidement, la thérapie est adaptée à temps et les patients demeurent plus longtemps sur leur dosage le plus optimal.”

RemeCoach / Stay on Track

La solution RemeCoach, développée par Remedus, est en fait un duo spécifique – smartphone et appli pré-programmée – destiné au suivi de traitements anti-tumoraux ambulatoires. Elle permet au patient de renseigner quotidiennement ses prises de médicaments ainsi que divers paramètres (poids, température, pression sanguine) ou encore de consigner des effets secondaires à surveiller.

Aux heures prévues de prise de médicament, le smartphone s’active et envoie un rappel sonore si le patient ne réagit pas.

Source: Remedus

Toutes les données sont centralisées dans une base de donnée RemeCare, à laquelle les prestataires de soins ayant une relation thérapeutique avec le patient ont accès.

Toute saisie de données qui indique une anomalie (dose de médicament, effet secondaire excessif, douleur dépassant la norme…) déclenche une alerte, envoyée automatiquement vers l’“oncocoach” (coordinateur oncologique) ou l’infirmière chargée de superviser le cas.

En cas de non-prise de médicament, la centrale de surveillance prend contact avec le patient pour s’informer des raisons. Idem, mais selon une périodicité moins intense, si le patient n’encode pas ses paramètres (température, poids…).

La solution a par ailleurs recours à des algorithmes pour analyser les données et formuler des avis et conseils médicaux qui sont fournis, tantôt au prestataire de soins, tantôt au patient.