La start-up andennaise Oscars, spécialisée en géolocalisation, vient de décrocher son premier client aéroportuaire belge, après avoir jusqu’ici presté essentiellement des services pour les Aéroports de Paris.
Aujourd’hui, sa solution de gestion opérationnelle et d’aide à la décision GIP (Geo Intelligent Platform) entre à l’Aéroport de Liège.
Particularité majeure de GIP4Airports: la collecte, l’agrégation, la mise en corrélation et l’analyse, temps réel, de données géolocalisées (sur base de la technologie Oracle Spatial).
La solution constitue un renfort jugé plus qu’appréciable par l’équipe du centre opérationnel (APOC, AirPort Operating Center) de l’aéroport de Liège, opérationnel depuis mars de cette année. Elle devrait en effet lui permettre de gérer de manière intégrée des informations et données venant de multiples sources aéroportuaires.
“Le centre APOC était en gestation depuis déjà un certain temps mais sa mise en oeuvre a subi un sérieux coup d’accélération en mars, lorsque Liège a dû prendre le relais de Zaventem à la suite des attentats qui ont frappé l’aéroport”, souligne Daniel Sluysmans, directeur informatique de Liège Airport. “Il est alors devenu plus évident que jamais que nous avions besoin de gérer une foule d’informations de manière plus systématique.
Gérer les mouvements d’un aéroport en représentant objets et événements, via géolocalisation. Ici, pour des besoins de démo, l’aéroport (fictif) d’Andenne, avec données et paramètres bien réels “empruntés” à un autre aéroport…
La solution d’Oscars permet de géolocaliser un “objet” (équipement, véhicule, avion…), d’effectuer une corrélation entre informations provenant de divers systèmes et de générer des “événements” sur base de telle ou telle situation ou du statut de l’objet géolocalisé. Cela permettrait par exemple de générer automatiquement un message d’alerte pour signaler qu’un équipement opérationnel se trouve encore à proximité immédiate d’un avion devant décoller.”
Jusqu’à présent, la personne qui est responsable de la planification des vols au sein de l’APOC devait encore coordonner lui-même des données venant de sources disparates: systèmes dédiés signalant par exemple les approches ou retards d’avions, courriels reprenant des informations sur les travaux en cours…
L’accroissement réguler des mouvements d’avions et de cargos (voir quelques chiffres en encadré CADRE) que doit gérer l’Aéroport de Liège, sans parler du pic vécu lors des attentats, rendait de telles pratiques manuelles obsolètes et difficilement tenables.
Quelques chiffres
de 40 à 45.000 mouvements par an
moyenne quotidienne: une centaine pendant la nuit (moitié décollages, moitié atterrissages); entre 10 et 20 en journée
tonnage annuel: 650.000 tonnes (contre 520.000 voici 5 ans)
Recrudescence lors des attentats de Zaventem:
surplus de 1.500 mouvements d’avions en l’espace de 15 jours; accueil de quelque 150.000 passagers; “nous avons enregistré en 4 ou 5 jours autant de mouvements que le total que nous enregistrons habituellement en un mois”
Un premier synoptique a dès lors été implémenté qui fédère déjà un certain nombre d’informations mais qui devrait s’enrichir au fil du temps en données venant d’un éventail encore élargi de systèmes – que ce soit ceux du gestionnaire de l’aéroport ou des sociétés et partenaires qui y sont associés.
Pour l’heure, le synoptique permet de géolocaliser et de “pister” à la fois les avions et les engins de déneigement, les camions avitailleurs et les véhicules de “marshalling” (véhicules de manoeuvre, en français), aussi surnommés “Follow-Me” qui guident les avions sur la piste.
Signaler d’abord, alerter ensuite
Mais même ce premier scénario d’information doit encore être affiné. L’une des premières tâches que devra réussir Oscars sera d’assurer le suivi d’un avion depuis le moment où il est suivi par l’aéroport pendant sa période d’approche (dans un rayon d’environ 200 km) jusqu’à son ré-envol. Lorsqu’il est encore en l’air, un avion est identifié par le numéro qu’émet son transpondeur. Ce dernier étant coupé à l’atterrissage, il faudra corréler ce numéro, son écho radar et ses déplacements dans le périmètre de l’aéroport.
Exemple d’informations utiles que l’aéroport pourrait tirer de cette “surveillance” et de l’analyse des événements? Evaluer le temps nécessaire au débarquement des passagers ou des marchandises et, dès lors, mieux planifier les interventions logistiques, l’enchaînement des vols etc.
“Plus tard”, indique Daniel Sluysmans, “il sera possible de planifier des messages et alertes concernant les véhicules de marshalling ou tout véhicule devant effectuer des travaux sur les pistes.”
Pour cela l’aéroport se livrera à une étude de marché afin d’identifier des balises ou capteurs IoT qui pourraient assurer la collecte des données géolocalisées.
“La corrélation de ces multiples informations au sein du synoptique permettra par exemple de prendre plus rapidement des décisions importantes, tant en termes de sécurité que d’efficacité opérationnelle”, estime Christian Delcourt, directeur communications de l’Aéroport de Liège.
Des travaux sur une piste impliquent évidemment qu’elle n’est plus utilisable. Mais il reste possible de la réactiver pour des urgences. Le fait de savoir quel véhicule ou équipement doit être déplacé d’urgence peut être synonyme de gains énormes.”
Daniel Sluysmans: “Nous n’avons pas établi d’objectif chiffré mais l’implémentation de GIP4Airports a clairement pour but de réaliser des gains en efficacité, en remontant l’information et en présentant aux utilisateurs des informations dédiées.”
“De même, en pouvant corréler avec précision les plannings de vol, sujets à variations – par ailleurs, peu prévisibles dans le domaine du transport de cargos -, avec les opérations des engins au sol, il devient possible d’autoriser les travaux à se poursuivre par exemple pendant une demi-heure supplémentaire. Ou au contraire permettre de notifier au véhicule qu’il doit se déplacer d’urgence.
Les gains potentiels en productivité ne sont pas dédaignables.
Cela peut également avoir un intérêt certain pour les compagnies aériennes elles-mêmes. Pourquoi brûler inutilement du carburant en bout de piste, dans l’attente du passage d’un autre avion, alors que l’appareil aurait pu rester à l’arrêt à sa porte?”
Corréler mais surtout rendre intelligible
Le synoptique n’est pas uniquement l’endroit où toutes les informations sont concentrées. C’est surtout un outil qui permet de présenter “intelligemment” ces données. “Elles doivent être présentées de manière sélective et éloquente aux agents de l’APOC et non les inonder.” Il reviendra donc, dans les mois à venir, à Oscars de développer un ensemble de scénarios en fonction des situations possibles et des utilisateurs à qui ces scénarios se destinent.
Dans un premier temps, les informations fournies via le synoptique ne proviennent que des systèmes du gestionnaire de l’aéroport et des équipements dont il a la charge. “L’objectif est bien évidemment d’y ajouter les informations venant de certains partenaires du site et de les partager avec eux.”
Les compagnies aériennes, la tour de contrôle, les services de douanes, mais aussi par exemple l’AFSCA et les vétérinaires (Liège est devenu un “hub” spécialisé dans le transport des chevaux).
L’AFSCA, elle, est chargée de contrôler les cargaisons qui passent par Liège. “Via la solution GIP4Airports, nous pourrions par exemple prévenir leurs agents que tel avion a du retard et qu’ils peuvent donc venir plus tard…”
Le même raisonnement vaudrait aussi pour des échanges avec les sociétés de transport routier. Et les perspectives ne s’arrêtent pas là. Pouvoir géolocaliser, gérer efficacement les informations concernant n’importe quel flux ou événement, pourrait aussi s’avérer utile dans une perspective… d’ubérisation des transports de colis, dans ce qu’on appelle le “last mile”. Rien n’exclut en effet qu’à l’avenir une petite myriade de transporteurs amateurs viennent circuler dans le périmètre de l’aéroport afin d’assurer le transport en petit ou moyen rayon d’action. La gestion de ce ballet gagnera alors à être géo-orchestrée.
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