Le Social Media Lab de l’UCLouvain inaugurait tout récemment un espace baptisé Usability Lab sur son site de Mons (campus FUCaM).
Les activités du Social Media Lab (SML) deviennent ainsi plus concrètes et tangibles. Le SML a en effet déjà plusieurs années d’existence à son actif, dispensant formations et sessions d’accompagnement pratique pour les professionnels de la communication et les développeurs de solutions et de concepts de communication ou de collaboration destinés aux univers Web (forums, sites Web, réseaux sociaux…).
Son domaine d’expertise – et d’expérimentation: l’analyse, la compréhension et l’optimisation de l’utilisation des médias socio-numériques (“social media”) en milieu professionnel. A l’usage donc des professionnels de la communication, du marketing… qui “jusqu’à présent, y vont souvent “au feeling” pour animer leur communauté d’intérêt ou de marque”, explique François Lambotte, coordinateur du centre de recherche en communications de l’UCL et fondateur du Social Media Lab.
Evoluer en compétences
Ce qui avait commencé, dès 2013, comme un projet destiné à fournir aux professionnels de la communication d’entreprise une meilleure compréhension et maîtrise des médias sociaux numériques, s’est prolongé, dès 2016, par un projet Feder spécifiquement axé sur l’analyse des données socio-numériques (social media analytics, en anglais).
François Lambotte (Social Media Lab, UCL): “Rendre les données compréhensibles et ceux qui les exploitent et utilisent plus “perceptifs” et conscients des significations qui se cachent dans les données, sous les algorithmes…”
Objectif: “permettre aux professionnels et aux sociétés de mieux comprendre la manière dont les traitements par algorithmes opèrent sur les données générées en-ligne et les résultats qu’ils produisent”, explique François Lambotte.
“Ce qui nous intéresse plus particulièrement, c’est de rendre les données plus intelligibles, d’adopter et d’imaginer des démarches et outils plus pédagogiques pour présenter info et données.”
Petit exemple.
“L’analyse des logs correspondant à tout contenu publié sur Internet permet d’identifier des communautés d’intérêt, de déterminer quelles personnes sont intéressées par tel ou tel contenu. A partir de là, on peut définir des communautés de lecture.
A terme, nous voulons évoluer vers un potentiel permettant de pousser les contenus de manière plus automatisée vers ces publics, en fonction de leur historique de consommation.”
Un espace ouvert aux entreprises
Le public-cible du Social Media Lab et du Usability Lab est donc le monde de l’entreprise, de toute taille, potentiellement dans tout secteur. Et plus spécifiquement les personnes qui sont à la manoeuvre côté stratégie de communications et marketing.
Cela concerne à la fois les sociétés lambda, qui utilisent les outils et solutions socio-numériques, et les éditeurs de solutions ou prestataires de services.
“Nous conseillons les sociétés actives dans le développement des technologies numériques, pour les aider à améliorer la conception et l’ergonomie de leurs outils. Nous accompagnons aussi les entreprises qui ont déjà des outils et solutions d’analyse d’activité sio-numérique à “améliorer la visualisation des données qu’elles récoltent et exploitent, améliorer les outils, procéder à des expérimentations pour analyser la réception [côté utilisateurs, internautes, consommateurs] de la visualisation de données.”
Expérimenter et innover
Le Usability Lab est un espace où l’équipe du SML et les clients élaborent conjointement de nouveaux “dispositifs médiatiques”, testent la manière dont l’utilisateur réagit face à une situation ou un contexte Internet, analysent, décortiquent les structures de sites et pages Web, le placement d’éléments visuels ou d’outils d’interaction, tentent de comprendre, de simplifier et d’optimiser les mécanismes qui sont à l’oeuvre dans le cadre d’une interaction avec le Web.
Le Usability Lab est doté d’une petite panoplie d’équipements de pointe (oculomètres, capteurs biométriques, caméras, casques enregistreurs…) permettant d’observer le comportement ou les réactions d’un utilisateur.
L’oculométrie et des dispositifs d’“eye tracking” permettent de déterminer l’efficacité de la conception d’un site Internet, “si elle est cohérente avec les objectifs poursuivis, pour déterminer si l’information est correctement assimilée par l’internautre…”
Parmi ses autres outils de mesure, le Lab dispose par exemple d’un “face reader” qui filme les mouvements du visage “pour identifier, par exemple, les émotions dominantes”, ou encore de capteurs biométriques, pour mesurer les constantes (mouvements musculaires, fréquence cardiaque, sudation…).
“Les capteurs de sudation donnent des indications fiables. Impossible en effet de maîtriser sa sueur, contrairement aux mimiques ou même au rythme cardiaque”, indique François Lambotte.
“Cela permet de jauger de l’efficacité d’une campagne de communication. On peut par exemple mesurer l’impact émotionnel de la photo d’une tumeur pulmonaire et de l’image de goudron dans le cadre d’une campagne anti-tabac, mesurer le stress des gens dans certaines situations, lorsque leurs outils changent, ou encore la réaction d’un utilisateur devant surveiller le trafic et qu’on fait travailler avec une nouvelle interface sur son tableau de bord.”
Premières missions
Premier “client” du Social Media Lab: l’agence louviéroise SoPrism, spécialisée dans le profilage d’audiences Facebook, dans l’analyse des “traces numériques” sur réseaux sociaux. Autrement dit, l’analyse et l’exploitation des comportements sur réseau social, des tendances de “consommation” (contenus, pubs…) et l’optimisation des campagnes de communications. SoPrism est plus spécifiquement spécialisé Facebook.
Le but du projet mené au SML est double. D’une part, optimiser l’interface utilisateur de leur solution de type tableau de bord qui permet d’analyser l’efficacité d’un ciblage publicitaire.
D’autre part, dans le cadre du programme Walinnov (soutien régional à des projets de recherche à haut potentiel scientifique), le SML et SoPrism tenteront d’intégrer d’autres types de données (autres donc que celles générées sur le seul Facebook) afin d’affiner ou d’enrichir les analyses comportementales et consuméristes auxquelles se livre la société.
François Lambotte (Social Media Lab): “Le but est aussi de rendre les utilisateurs plus intelligents. On sait que les scientifiques développent des algorithmes puissants, que les communautés d’utilisateurs sont très demandeurs. Mais, entre les deux, il y a un vide. A savoir, comment développer des analyses pertinentes, rendre les résultats générés par les algorithmes plus compréhensibles et, dès lors, plus utiles pour les professionnels.”
Autre “client” du SLM: Elium (précédemment KnowledgePlaza) avec qui l’équipe de l’UCL s’est lancée dans le développement d’un outil de type tableau de bord qui devra permettre aux entreprises utilisant la solution de réseau social d’entreprise d’Elium d’analyser l’activité des utilisateurs.
“Pour l’instant, l’administrateur ne peut pas réellement déterminer comment les personnes utilisent réellement l’outil – en mode lecture et découverte, en mode collaboration avec d’autres personnes… Les futurs outils d’analyse permettront de comprendre la dynamique des activités de lecture, de collaboration, de construction collective de savoirs.
L’animateur de la communauté pour identifier, selon l’usage qui est fait de la solution Elium, comment des personnes présentant des expertises et/ou des pôles d’intérêt communs interagissent ou pourraient collaborer par-delà les départements, stimuler cette collaboration.”
Tout le monde peut jouer en première division
Les sociétés ayant développé des solutions ou proposant des services dans l’univers du numérique ne sont pas les seules à pouvoir bénéficier des travaux de recherche appliquée, des projets de co-conception et de l’accompagnement du Social Media Lab de l’UCL.
François Lambotte cite en exemple une petite société montoise, active dans la réalisation et la commercialisation de… T-shirts originaux en séries limitées. Le principe? La société imagine un nouveau design et propose au public de voter. Si l’article imaginé recueille suffisamment de suffrages et d’intentions d’achat, le T-shirt est mis en production.
Source: Social Media Lab UCLouvain
“L’analyse des données de vote permet d’identifier des “communautés” d’acheteurs, d’analyser les comportements de vote. Est-ce que ce sont toujours les mêmes personnes qui émettent un avis? Ceux qui votent sont-ils des fidèles? Ou cela varie-t-il davantage en fonction de tel ou tel modèle ou article?”
Mieux identifier les “cohortes” par “culture” – manga, geek… – “permettra de mieux les cibler, d’adapter la stratégie de communication, de communiquer via les bons forums vers telle ou telle population…”
François Lambotte (Social Media Lab): “Nous sommes ouverts à tout projet de tout type d’entreprise, afin de travailler avec elles sur des projets innovants.”
Service gratuit – mais spin-offs possibles
Pour l’heure, les services que propose le Social Media Lab le sont à titre gratuit, dans la mesure où le Lab opère dans le contexte d’un projet Feder (2014-2020).
A terme, toutefois, lorsque l’équipe aura poussé plus loin le développement et la maturité de ses outils, deux spin-offs pourraient voir le jour, imagine François Lambotte. “Nous ne sommes pas encore au stade d’un développement de modèle d’affaires. Le stade actuel est plutôt encore celui d’une démarche expérimentale et d’innovation. L’enjeu est de développer nos outils et nos expertises, d’aider les entreprises wallonnes en matière d’innovation numérique.
Mais, à terme, deux spin-offs pourraient voir le jour. L’une qui serait orientée outils analytiques et apport d’expertise dans ce domaine. L’autre, qui pourrait accompagner les entreprises dans la conception d’outils et dans la validation de leur appropriation.
Le lancement éventuel de ces spin-offs se situe dans un horizon à deux ans.”
Une équipe hybride
L’équipe du Social Media Lab de l’UCL se compose de cinq chercheurs à temps plein. Profils? Un développeur, qui se charge plus spécifiquement de tout ce qui touche à l’IT et au support technique, une chercheuse spécialisée en pratiques de collaboration en-ligne et hors-ligne, et trois doctorants aux profils variés. A savoir:
- un linguiste, qui explore et exploite les potentiels du traitement automatique du langage (“par exemple, pour la détection du degré d’expertise des personnes échangeant sur réseaux sociaux ou dans les forums, sur base de leur manière de s’exprimer” – un partenariat avec Doctissimo);
- un doctorant orienté communications et visualisation de données;
- et un troisième (post-doc) qui travaille plus spécifiquement avec SoPrism au développement d’une solution analytique mono- et multi-source (création d’ontologie multi-source – Facebook et autres réseaux sociaux).
“La raison d’être de cette multidisciplinarité au sein de l’équipe est de briser les silos traditionnels de l’université.”
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