Née du projet Orthanc du CHU de Liège, la spin-off Osimis, qui en est le bras commercial, s’est positionnée sur le terrain des transferts et des post-traitements d’images médicales. Nous vous en avions déjà parlé ici. Aujourd’hui, la société affiche de sérieuses ambitions pour les débuts commerciaux de ses produits: quadruplement de son chiffre d’affaires cette année (elle vise 280.000 euros); progression annuelle à deux chiffres au cours des 5 prochaines années; pénétration des marchés internationaux (à commencer par la France); développement et offre de nouveaux produits (dont un visualisateur 3D)…
La société vient, pour ce faire, de boucler un premier tour de table qui lui a apporté 375.000 euros (voir ci-dessous).
Une première offre SaaS à l’automne
L’entrée sur le marché d’Osimis s’est structurée en trois temps: offre de services dans un premier temps, développements sur mesure à la demande des premiers clients (pour des fonctionnalités plus poussées ou spécifiques), lancement d’un produit en mode SaaS (software as a service).
Depuis sa création, la spin-off a essentiellement vécu de l’offre de services (implémentation, aide à l’installation de son serveur, assistance aux développements…).
Elle a par exemple déjà implémenté des solutions d’échanges inter-PACS entre le CHU de Liège et le CHR de Liège, ou entre hôpitaux du réseau Vivalia (Province de Luxembourg), avec réconciliation des dossiers patient dans les hôpitaux destinataires. En France, elle a déployé Orthanc dans 65 établissements de soins de la zone PACA pour une solution de télémédecine (notamment pour la prise en charge d’AVC).
Son premier produit commercial fera ses débuts à l’automne. Baptisé Lify, il s’agira d’une plate-forme de collaboration hébergée dans le cloud procurant un ensemble de fonctionnalités et services en mode SaaS : stockage, visualisation, analyse, partage… d’images médicales.
Lify se distingue de la concurrence par une approche volontairement agnostique, basée sur une philosophie open source, le principe d’innovation ouverte et le développement d’une plate-forme qui peut se greffer et échanger avec de multiples systèmes et protocoles et opérer comme noyau-relais via lequel des solutions plus spécifiques, plus propriétaires ou plus pointues peuvent venir apporter leurs propres particularités et valeurs ajoutées.
“Nous assurons la plomberie, nous faisons en quelque sorte office de passe-plat”, déclare Frédéric Lambrechts, directeur de la spin-off.
La solution, pour se différencier, se veut aussi plus complète que ses concurrentes – qu’il s’agisse d’acteurs déjà bien établis (tels que les Siemens ou Agfa de ce monde) ou nouveaux. La multiplicité de type d’images supportées en est un exemple. Plus fondamentalement, la raison d’être d’Orthanc/Lify est de décloisonner les systèmes et transferts de données jusqu’ici largement entravés et plombés par les stratégies propriétaires. “Les solutions classiques ne permettent que de mettre en oeuvre 5 ou 6 algorithmes [pour traitement et analyse de l’image, diagnostic…]. Nous ouvrons totalement ce champ et donnons accès aux algorithmes du monde entier.”
Un “passe-plat” intelligent
La fonction première de la plate-forme Lify sera de servir de portail et d’espace de stockage et d’échanges de fichiers d’imagerie entre équipes médicales. Fichiers en tous genres: images de radiologies, 2D, 3D, vidéos, données image d’anatomo-pathologie, documents JPEG… Des images que doivent se transférer et s’échanger médecins, hôpitaux, centres de recherche clinique et sur lesquels ils doivent intervenir.
Lify se charge d’envoyer les notifications aux professionnels devant accéder et intervenir sur les images, au moyen de messages incluant une url spécifique à chaque image ou dossier image.
Car chaque image ou fichier dispose bien évidemment d’une floppée de métadonnées qui en permettent l’identification et le traitement – avec balises, historique (par patient, par pathologie…)
Autre spécificité de l’outil: il “personnalise” le droit d’accès à l’image ou le contenu informationnel que reçoit chaque professionnel. “Le destinataire peut voir ou non l’identité du patient, accède où non à tel ou tel rapport, a le droit de visualiser le document pendant un temps déterminé ou illimité…”, précise Frédéric Lambrechts.
Frédéric Lambrechts: “Le but ultime de Lify.io est de proposer des algorithmes à la décision. Un simple clic permettra aux cliniciens de segmenter des organes, de quantifier ou qualifier une image, d’obtenir images augmentées et rapports…”
Mais plus qu’un simple relais, Lify permettra la mise en oeuvre de processus d’analyse, diagnostic, post-traitements d’image en mode collaboratif.
Pour ce faire, elle joue la carte de l’ouverture et du partenariat afin que des fonctions nouvelles, développées par Osimis ou par des tiers, puissent être exploitées par les professionnels des soins de santé.
C’est ainsi que des solutions de post-traitement et d’“augmentation” d’imagerie médicale seront fournies par Icometrix, spin-off des universités et hôpitaux universitaires de la KUL et de l’UAnvers, spécialisée dans le traitement de maladies neurologiques, par une équipe de l’Université de Los Angeles, ou travaille désormais un compagnon de thèse de Sébastien Jodogne. L’équipe californienne développe des algorithmes permettant de quantifier le flux sanguin en cas de maladies cérébrovasculaires (ischémies, AVC…) et de dépister le cancer de la prostate. Autre partenaire, l’Ircad de Strasbourg, spécialisé dans les cancers du système digestif.
D’autres outils serviront à la gestion de la qualité et au calibrage d’images… Avis aux concepteurs d’outils, d’algorithmes, de solutions d’intelligence artificielle…
Osimis, elle-même, développera des produits complémentaires. Notamment un visualisateur 3D, autorisant des reconstructions multi-planaires. Pour l’heure, l’outil ne gère encore que des documents 2D. La future version 3D ne sera pas un outil ultra-sophistiqué (une fois encore la société préfère laisser à d’autres le soin de couvrir des besoins plus spécifiques) mais aura pour vocation d’être utilisable gratuitement, sans certification.
Partenaire: Microsoft Azure
Grâce à son hébergement dans le cloud, la plate-forme Lify limite en fait les “transferts” d’images entre professionnels de la santé puisque tous peuvent venir les consulter et “manipuler” là où elles sont stockées (centralement).
Partenaire d’hébergement? Microsoft Azure.
Données sensibles s’il en est, les informations de type imagerie médicale doivent être gérées avec une sécurité extrême, en particulier quand elles quittent les murs de l’hôpital pour être stockées et gérées dans le cloud.
Les images, dûment anonymisées, sont stockées dans les serveurs Microsoft. Quant aux informations permettant d’identifier les patients (et donc de réconcilier les images avec la personne à laquelle elles se rapportent), elles sont confiées à des hébergeurs agréés santé. Leur évaluation est actuellement en cours. On peut par exemple citer Adista et Coreye en France et ebrc en Belgique.
Quel modèle financier?
Reposant sur un modèle open source et se voulant un “passe-plat”, pour reprendre l’expression de Frédéric Lambrechts, comment Osimis compte-t-elle se bâtir une rentabilité, en dehors de l’offre de services?
Elle se voit bien devenir une sorte d’app stores de l’analyse et du traitement de l’imagerie médicale, avec prélèvement d’une commission sur tout les documents qui transitent par sa plate-forme.
La tarification pour le stockage d’image, elle, sera progressive:
- gratuité (compte personnel) pour les membres de communautés d’utilisateurs qui téléchargent uniquement les images en local, pour un espace utile de 1 Go, avec pleine utilisation de toutes les fonctionnalités Lify (stockage, visualisation, transfert (interne), automatisation de flux…)
- mensualité de 19 euros pour stockage en vue de transferts extra muros, pour un espace utile de 10 Go
- formule “organisme”, à 25 euros par utilisateur et par an, également pour un espace utile de 10 Go. Au-delà de ce volume, les tarifs sont à négocier.
Les responsables du WSL, où est incubée la spin-off, estiment, eux aussi, que Osimis est l’une de ces jeunes pousses qui peuvent réellement rêver du “scaling up” rapide et potentiellement planétaire.
Pour franchir efficacement cette étape, la société a bouclé, en juin, une augmentation de capital pour un total de 375.000 euros. Les nouveaux fonds viennent à la fois des investisseurs privés de la première heure (Jacques Galloy, Yves Warnant, Vincent Keunen, Eric Leenaerts, Cédric Born), des dirigeants de la société (Frédéric Lambrechts, CEO, et Alain Mazy, CTO) et du fonds numérique W.IN.G qui injecte 225.000 euros dont 100.000 sous forme de capital, le solde sous forme de prêt convertible).
Le CHU de Liège, actionnaire depuis le départ grâce à son apport en nature (ressources et temps), est quelque peu dilué dans l’opération mais conserve la main sur environ 10% du capital.
Les premiers clients se situeront en Belgique et en France mais des sollicitations sont déjà venues d’Italie, du Royaume-Uni, voire même des Etats-Unis – où il faudra toutefois d’abord décrocher une certification avant de pouvoir opérer outre-Atlantique. Chose compliquée qui pourrait amener la société à d’abord se positionner “sur une partie de la solution, n’exigeant pas de certification.”
En Europe, par contre, la marque CE devrait être chose acquise à l’automne, de même qu’une certification ISO 13485.
Osimis
Création: septembre 2015
Filiation: spin-off du CHU de Liège (projet de logiciel d’imagerie open source Orthanc)
CEO: Frédéric Lambrechts
CIO: Alain Mazy
CTO: Sébastien Jodogne
Nombre d’employés
Structure d’incubation/accompagnement: WSL
Chiffre d’affaires (2015): environ 70.000 euros
Chiffre d’affaires 2016 espéré: 280.000 euros
Conseil d’administration: Jacques Galloy (EVS, Decinex, RTL, Physiol), Yves Warnant (Dauvister, EDF, INSEAD, Altran), Vincent Keunen (Andaman7, Lampiris, Manex), Frédéric Lambrechts, Alain Mazy
Capital de départ: 203.000 euros
Augmentation de capital (juin 2016): 375.000 euros.
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