Auteur d’une solution de communication permettant aux seniors (voir encadré ci-dessous), qu’ils résident encore chez eux ou en maison de repos, de préserver contacts et échanges avec leurs proches, Neveo a récemment participé au programme d’“accélération” du MIC Bruxelles.
Ce n’était pas le premier du genre auquel la start-up brabançonne (basée à Mont-Saint-Guibert) s’était inscrite. Et ce qu’elle en a retiré ne peut pas réellement être qualifié d’accélération mais le programme lui aura permis de progresser dans sa réflexion et son positionnement.
Elle en est sortie avec la conclusion qu’il lui fallait ajouter une nouvelle formule d’activité qui lui permettra de tenir le coup jusqu’à ce que ses deux modèles commerciaux, imaginés dès le départ (vente d’une solution électronique aux maisons de repos et partenariat avec des opérateurs télécoms pour une solution utilisable à domicile) puissent se concrétiser. En cause: des délais de concrétisation de partenariats, surtout du côté opérateurs telco, plus longs que prévu.
En début d’année, Neveo levait 400.000 euros: 150.000 venant de deux business angels et du fonds privé LeanFund et 250.000 libérés par le fonds public W.IN.G mais selon un schéma d’échelonnement des versements. La libération du solde (100.000 euros) dépendra en effet de la signature de contrats. Histoire de prouver que le scénario est viable.
Quelques mois plus tard, on comprend mieux la prudence affichée par le comité d’investissement de W.IN.G. Neveo, en fait, s’est rendue compte que l’adoption de sa solution exige des délais de négociation parfois longs avec les clients potentiels. Que ce soit des clients directs, comme par exemple les maisons de repos, ou – plus encore – les clients qui deviendront en fait des intermédiaires, prescripteurs et/ou distributeurs de sa solution. Plus particulièrement les opérateurs télécom par lesquels il lui faudra passer pour déployer la version domicile de sa solution.
Certes, de premiers contrats ont été passés avec quelques propriétaires de maisons de repos (en Wallonie mais aussi en France). La solution est désormais déployées dans quelque 30 maisons de repos, côté Belgique francophone, mais cela ne suffit pas à alimenter la croissance ou simplement la rentabilité.
Les négociations avec les opérateurs en sont encore dans une phase préliminaire, avec quelques démos-test. Mais rien ne devrait se concrétiser avant minimum 9 mois.
Pour survivre à cette phase de lent démarrage commercial, la start-up a donc imaginé une solution intermédiaire, qui permette de prodiguer les mêmes services aux personnes âgées résidant dans des maisons de repos mais sans impliquer la (lente) vente de la solution numérique.
Et cette solution intermédiaire, c’est tout simplement… un journal papier personnalisé, qui sera produit spécifiquement pour chaque senior, avec les contenus envoyés par la famille ou les amis à la plate-forme Neveo.
Cette dernière se charge de la production du journal, acheminé chaque mois vers la maison de repos.
Elle n’en oublie pas pour autant sa solution numérique mais temporise. Elle continue par ailleurs à la développer puisque, d’ici la fin 2016, les maisons de repos pourront utiliser l’application Neveo pour communiquer elles-mêmes avec la famille, envoyant des informations venant de leur nutritionniste, de la kiné, de l’infirmière, pour une information plus complète sur le vécu du senior qui y réside. Mais aussi pour informer l’entourage des activités que propose la maison de repos… “Traditionnellement, la direction d’une maison de repos n’a qu’une personne de contact par résident alors que l’entourage de ce dernier se compose de bien plus de personnes. Cela permettra de préserver des communications et des échanges avec davantage de membres de la famille.”
Temporiser pour mieux sauter
Pour justifier la décision d’ajouter une troisième formule commerciale (journal papier) à son offre, Neveo explique qu’elle a “décidé de pivoter pour ne plus rester dans l’expectative et pour continuer à avancer.”
Neveu, version papier. Solution intermédiaire et instrument de fidélisation?
“Le processus de négociation avec les opérateurs telco [Orange, Proximus… pour la solution à déployer à domicile] est long. Il faut compter d’un an à deux ans. Si nous devions attendre deux ans avant de nous lancer réellement sur le marché du résidentiel, au moins deux autres sociétés spécialisées dans le relationnel senior se seraient sans doute implantées. C’était inacceptable…”
La version papier a plusieurs avantages: ramener immédiatement de l’argent dans la caisse, implanter la marque auprès des maisons de repos et procurer à Neveo la maîtrise complète tant du contenu que du support et de la relation.
Mais en passer par un journal papier personnalisé, est-ce un renoncement vis-à-vis du support numérique, plus dynamique, plus vivant, plus dans l’air du temps? Pas du tout, insiste Simon Desbarax, co-fondateur et directeur commercial de la société.
Neveo veut y voir non seulement une solution intermédiaire mais aussi l’occasion de mieux se faire connaître de sa cible, à savoir le partenaire qu’est ou sera la maison de repos, et d’en apprendre davantage sur les besoins des destinataires finaux que sont les seniors.
Simon Desbarax: “le processus [de concrétisation commerciale] pour le principe du canal TV est trop lent pour aller chercher la rentabilité au début. D’où l’idée d’ajouter le canal papier.”“Nous apprenons ainsi beaucoup sur l’animation de la communauté familiale, sur les membres qui la composent, sur le type de message ou de photos que chacun envoie. Nous pouvons mieux déterminer comment engager le dialogue avec la famille afin de l’inciter à communiquer avec le senior.
L’étape papier nous aide aussi à mettre en oeuvre la nouvelle “chaîne TV familiale” que nous lancerons en fin d’année.
Elle sera alimentée et animée par la direction de la maison de repos qui informera ainsi la famille à la fois sur les activités qu’elle propose pour les résidents et sur les activités quotidiennes et l’état de santé du senior.” Les infos viendront par exemple du nutritionniste, de la kiné, de l’infirmière…
Outre le fait que la version papier fait rentrer de l’argent immédiatement dans les caisses, “elle nous permet d’établir un contact direct avec les maisons de repos, qui connaîtront ainsi notre marque quand nous leur proposerons la solution numérique.”
Prochaines étapes pour Neveo? Le lancement de la formule papier en Flandre, du canal d’informations aux familles, et la poursuite du développement de la chaîne TV, destinée à des maisons de repos tant francophones que néerlandophones. Neveo recherche d’ailleurs un commercial pour démarché le marché flamand.
Neveo en quelques chiffres
Actuellement, Neveo a déployé sa solution auprès de…
- une trentaine de maisons de repos (Bruxelles et Wallonie) en phase de test et de premier déploiement
- un tiers de ces maisons de repos sont de réelles abonnées et paient donc pour le service
- 200 familles concernées, ayant envoyé plus de 1.500 photos à leurs seniors
- chiffre d’affaires (auprès des premières maisons de repos): environ 1.000 euros / mois. La société espère décupler ce chiffre d’ici la fin de l’année, en ce compris grâce à la formule du journal papier (coût pour la maison de repos: de 75 à 150 euros par mois en fonction du nombre de résidents). Tarif fixe quel que soit le nombre de pages produites, de membres d’une famille, de photos envoyées…
Plusieurs “accélérations”
L’idée du papier est venue à Neveo alors que l’équipe participait au programme d’accélération du MIC Bruxelles. Ce n’était d’ailleurs pas le premier. Neveo a aussi participé au programme Fit4Start (Luxembourg) et à celui d’iMinds, en Flandre.
Pourquoi multiplier ce genre d’expérience? Un goût de trop peu à l’issue de l’une d’elles? Simon Desbarax, co-fondateur de la société, préfère parler d’accumulation d’expérience(s). “Cela nous apporte beaucoup: formation à l’entrepreneuriat, réseautage, échange d’expérience. Nous sommes challengés. Cela nous amène parfois à revoir notre business modèle, chose que nous ne faisons pas en temps normal, quand on est le nez dans le guidon…”
Les principaux apports du programme du MIC? “Le feedback. Il a attiré notre attention sur certaines métriques en termes de business development, nous a poussé à tester certaines hypothèses. Les ateliers thématiques ont permis de nous rafraîchir les idées par rapport aux théories commerciales.”
Ce n’est toutefois pas l’équipe du MIC qui leur a soufflé l’idée du scénario papier. “Nous ne l’avions certes pas avant de commencer le programme d’accélération mais c’est un constat que nous avons posé face à la réalité à laquelle est confrontée la société. Il nous fallait prendre une décision.”
Le programme a donc permis de progresser mais pas d’accélérer. “Parce que nous n’avons pas encore vraiment trouvé notre modèle business…”
Là où il n’est plus question d’exportation
… du moins pas à court terme.
La levée de fonds, effectuée pour partie auprès du fonds W.IN.G, avait pour but à la fois de financer le recrutement de nouveaux collaborateurs, de poursuivre le développement de la version pour domicile et d’entamer la phase d’internationalisation, tant en Europe qu’outre-Atlantique.
Aujourd’hui, la société dit vouloir se concentrer davantage sur la Belgique (tant côté francophone que néerlandophone). Que ce soit pour la version numérique pour maisons de repos (même si deux établissements français font déjà partie des sites-pilote) ou pour la version pour domicile, qui exigera, rappelons-le, des partenariats avec un ou plusieurs opérateurs telco.
Le marché belge, à cet égard, étant assez étriqué et n’offrant pas énormément de choix de partenaires, se lancer à l’étranger ne serait-il pas un “pied à l’étrier” utile, voire plus facile? Simon Desbarax ne le croit pas (ou plus): “Nous ne cherchons pas, actuellement, à aller à l’étranger en raison de ressources limitées. Plus tard, sur base des premiers partenariats, il sera possible de dupliquer le modèle…”
Côté vente directe de la solution numérique aux maisons de repos, les premiers contrats ont été passés. En ce compris d’ailleurs avec deux acteurs français (mais les noms restent confidentiels). Pour la commercialisation de la solution à l’étranger, Neveo passera par des accords avec des partenaires.
En Belgique, son premier partenaire est Screen Service.
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