Découvreur d’étoiles et interprète de big data provenant de signaux émis par les étoiles et les (exo)planètes, Julien de Wit est l’un des membres de l’équipe à l’origine de la découverte “Trappist-1”. Il vient de décrocher le titre d’Innovateur de l’Année lors du concours international Innovators under 35 organisé par MIT Technology Review. Petit portrait et entretien avec ce Liégeois dont les compétences en data science inscrivent “une marque belge” dans l’espace interstellaire.
La troisième édition locale du concours international Innovators under 35, organisé par MIT Technology Review, a donné son verdict, ce mardi. Parmi les 10 candidats retenus (relire la présentation que nous en faisions dans cet article), c’est le Liégeois Julien de Wit qui l’a emporté.
Diplômé de l’ULg et actuellement associé de recherche post-doctoral au sein du département Earth, Atmospheric & Planetary Sciences au MIT (Massachusetts Institute of Technology) de Boston, Julien de Wit est un spécialiste de l’analyse de données. De mégadonnées. Et d’un genre un peu spécial puisqu’elles viennent de l’espace.
Il est en effet l’un des membres de l’équipe liégeoise qui avait déjà accédé à la notoriété mondiale en mettant au point un prototype de télescope de nouvelle génération (60 cm de diamètre), baptisé Trappist (TRAnsiting Planets and PlanetesImals Small Telescope), et en découvrant, grâce à lui, un système de 7 planètes désormais connu sous le nom de Trappist-1.
Ses travaux de R&D se poursuivent dans le cadre du programme international Speculoos (Search for habitable Planets EClipsing ULtra-cOOl Stars) qui donnera naissance à de nouveaux télescopes pouvant détecter de nouveaux objets stellaires ou substellaires (planètes telluriques, étoiles naines ultra-froides…) dans le système solaire.
Le quotidien de Julien de Wit se focaliser sur la mise au point et l’utilisation de nouvelles techniques de détection de planètes, “de nouveaux moyens permettant d’extraire des informations qui concernent notamment l’atmosphère de ces corps célestes.” Cela implique d’analyser ces myriades de données et signaux distinctifs émis par les corps célestes afin d’en déduire des informations pertinentes sur la taille des planètes, leur masse, leur configuration orbitale, la composition de leur atmosphère, le profil de température qui y règne… et donc l’existence d’un environnement compatible avec la présence ou la possibilité d’une forme de vie.
“Mon domaine de recherche et d’expertise, à savoir celui des exoplanètes, repose essentiellement sur les data sciences, sur la manipulation et l’analyse de données”, explique-t-il. “Ces données sont notamment les points de lumière captés par les télescopes, points dont la couleur et la brillance se modifient lorsqu’une planète passe devant son étoile.
Les signaux de lumière émis varient fortement en fonction de la taille et de la nature des planètes. Un exemple: le signal émis par une planète qui passe devant une étoile qui est 10 fois plus petite que notre soleil est 100 fois supérieur à celui qui serait émis si elle passait devant une étoile de la taille de notre soleil. Cette particularité était connue mais personne ne l’avait encore exploité.
Julien de Wit: “C’est un domaine encore jeune, en pleine expansion. De nouveaux niveaux d’informations deviennent accessibles.”
C’est ce proof-of-concept que nous avons réalisé, à Liège, avec Trappist.
Pour chaque projet de collecte d’informations, il faut raffiner le modèle scientifique.
Généralement, la technique appliquée est celle des méthodes de Monte-Carlo par chaînes de Markov qui procèdent par échantillonnage à partir de distributions de probabilités (voir la définition en fin d’article). Le traitement des données, lui, recourt à un processus gaussien. Mais dans 80% des cas, il faut tout redevélopper, en termes de modèle et de méthode d’analyse. Il faut sans cesse réévaluer les modèles pour les raffiner.
On procède en trois étapes. Tout d’abord, la réduction du volumes de données brutes provenant du télescope pour passer par exemple d’un volume de 120 Go par image à du 2 Go de valeurs.
Ensuite, la phase d’analyse, avec recours, souvent, à un algorithme bayésien, avec modèle scientifique intégré, un algorithme qu’il faut optimiser pour obtenir une évolution rapide de l’échantillon. Enfin, le développement d’un modèle scientifique qui corresponde au jeu de données. C’est à ce stade qu’un raffinement constant est nécessaire.”
Cet exercice constant d’adaptation de la méthode, depuis toujours, est la passion quotidienne de Julien de Wit. C’est parce qu’il a “continué à gratter”, comme il dit, cherchant par exemple à découvrir la signification de la moindre nuance dans la distribution d’une brillance, qu’il a réussi, avec toute l’équipe liégeoise, à découvrir finalement ce système de 7 planètes “trappist-1”.
“C’est un domaine encore jeune, en pleine expansion. De nouveaux niveaux d’informations deviennent accessibles.”
Renommée belge, lustre bostonien
Après ses études à Liège (maîtrise d’ingénieur civil en aérospatiale) et à Toulouse (maîtrise en astrophysique, planétologie et sciences de l’espace), Julien de Wit, avec quelques amis tout aussi passionnés d’espace que lui, rêvait de partir aux Etats-Unis.
“Nous avions plusieurs possibilités en termes d’applications et de recherche. Etudier le climat sur Mars, concevoir de nouvelles combinaisons pour astronautes, des recherches en fusion nucléaire ou l’étude des exoplanètes. C’est ce dernier thème qui m’intéressait plus particulièrement. J’étais ingénieur civil en aérospatiale et je voulais faire quelque chose de plus profond. Les exoplanètes, c’est l’étude de nouveaux mondes potentiellement habitables, un début de réponse aux questions que tout le monde se pose: sommes-nous seuls dans l’univers? pourquoi est-on là?”
Aujourd’hui, c’est donc au MIT (département Earth, Atmospheric & Planetary Sciences) qu’il poursuit donc ses travaux de recherche dans le cadre du programme et du consortium Speculoos. Et il devrait y rester encore un certain temps, dans des fonctions de plus haut niveau que celles qui sont aujourd’hui les siennes. Mais rien encore n’est signé. Ce qui se dessine toutefois aussi, c’est une collaboration plus étroite entre l’ULg et le département de recherche du MIT, ce dernier étant sans doute sur le point (reste à officialiser) de rejoindre le consortium Speculoos.
Julien de Wit: “Il y a peu de choses dont on sait qu’elles resteront pour longtemps. Demain, il y aura d’autres systèmes qui porteront le nom de Trappist. C’est là une belle marque belge…”
Comment Julien de Wit voit-il ce rapprochement et ces perspectives? “Avant toute chose, il y a désormais [depuis l’événement Trappist-1] une qualité reconnue des chercheurs belges, liégeois. Et cela restera dans l’histoire. Les sociétés, les empires passent, changent de main. Les 7 planètes, le système Trappist-1, sont là pour rester. Il y a peu de choses dont on sait qu’elles resteront pour longtemps. Demain, il y aura d’autres systèmes qui porteront le nom de Trappist. C’est là une belle marque belge…”
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(1) Petite définition du principe: “un algorithme de Monte-Carlo est un algorithme qui utilise une source de hasard, dont le temps de calcul est connu dès le départ (pas de surprise sur la durée du calcul), cependant dont la sortie peut ne pas être la réponse au problème posé, mais c’est un cas très rare. L’intérêt de tels algorithmes est d’avoir une probabilité d’échec faible et d’être rapide.” Source: Wikipedia. [ Retour au texte ]
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