Dix ans déjà qu’IMIO est apparu dans le paysage wallon. Cette Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle, qui a atteint son indépendance financière l’année dernière (sans subsides venant de la Région), se définit de nouvelles priorités pour le type de services et de prestations qu’elle propose aux pouvoirs locaux.
Quels sont les sujets sur lesquels elle compte se concentrer davantage à l’avenir? L’interopérabilité avec les solutions d’autres acteurs, une progression en termes de sources authentiques, et la poursuite de la dématérialisation et de l’automatisation des processus métier des pouvoirs locaux en faisant évoluer le “centre de gravité” du document à la donnée.
Silos, briques et dédale
Considérée comme un concurrent malvenu à ses débuts par les différents acteurs informatiques ayant pour cible les pouvoirs locaux (les Civadis, Inforius et autres, sans oublier les start-ups qui ont surgi pour proposer des solutions plus ponctuelles), IMIO a dû, tout au long de son existence, naviguer entre offre de solutions métier, effectivement concurrentes directes de leurs catalogues, et main tendue pour venir insérer ses briques dans l’édifice IT dont se dotent les administrations communales et autres acteurs publics locaux ou territoriaux.
“La réalité est en effet une multiplicité de solutions provenant de différents fournisseurs qui ne se parlent pas forcément entre eux”, confirme Joël Lambillotte, directeur général adjoint. “L’effet legacy s’installe rapidement, avec tous les problèmes d’interopérabilité mais aussi de cybersécurité que cela implique. Comme un effet Frankenstein.
IMIO en quelques chiffres
L’Intercommunale dit aujourd’hui compter quelque 370 “membres”, dont 237 communes, 92 CPAS, 4 provinces, le reste étant constitué de zones de polices et autres zones de secours.
Autre chiffre avancé: au total, plus de 1.000 applications gérées pour ces clients, certains pouvoirs et acteurs locaux utilisant plusieurs applications proposées par IMIO (dont 12 applications métier).
Les solutions sont hébergées, en mode SaaS, dans le cloud. Hébergeur: OVH chez lequel IMIO a réservé des espaces et infrastructures sur trois sites distincts (deux en production, un opérant en sauvegarde) et dans des lieux géographiques éloignés les uns des autres (histoire d’éviter la mésaventure qu’ont connue bien des clients d’OVH, l’année dernière, lors de l’incendie ayant touché l’un de ses sites). Durée du contrat d’hébergement passé avec OVH: 5 ans.
Effectifs d’IMIO: 47 personnes, dont 20 développeurs.
C’est là un aspect des choses sur lesquels nous faisons désormais porter davantage notre attention afin que davantage d’harmonie s’instaure, au minimum sur certains bastions informatiques.”
L’effort d’“harmonisation” est plus simple avec des acteurs tiers venus du monde open source, qui reste, comme on le rappelle plus loin dans l’article, l’une des caractéristiques majeures de l’offre IMIO. Dans ce registre-là mais aussi vis-à-vis des autres éditeurs de logiciels “gov tech”, les démarches de l’intercommunale se concentreront donc davantage à l’avenir sur la “création d’un écosystème de partenaires”. Avec IMIO jouant potentiellement le rôle d’ensemblier.
Objectif: “établir des règles de cohérence et d’interopérabilité pour, notamment, éviter les redondances”.
Premier étage de la fusée: travailler sur la fusion entre e-guichet et site Internet. Autre chantier: l’intégration entre différents silos métier verticaux.
“A terme”, ajoute Frédéric Rasic, directeur général d’IMIO, “il s’agira d’atterrir, avec une normalisation.” Autrement dit: une définition, au niveau du secteur public, de normes d’interopérabilité. Autres priorités à l’agence: “un travail de définition des sources authentiques, quelle qu’en soit l’origine (locale, provinciale, régionale, nationale), et la mise en oeuvre de formats et de processus d’échanges documentés, connus, transparents.”
Un consensus est-il en train d’émerger pour mettre les acteurs gov tech autour de la table? “Nous avons de plus en plus de réunions par exemple avec Civadis afin d’avancer dans ce sens”, indique Joël Lambillotte.
Joël Lambillotte (IMIO): “Il serait souhaitable que la Région, même moyennant certaines conditions, octroie davantage de subsides pour réaliser cette interopérabilité. Les communes, elles, n’en ont pas les moyens.”
L’un des incitants à ce regain de dialogue serait… la pression, voire la crainte de voir les Gafam rafler la mise et s’imposer sur le marché des solutions pour pouvoirs locaux. “Il y a une prise de conscience qu’il y a une nécessité de s’épauler davantage entre acteurs locaux.”
Frédéric Rasic, lui aussi, dit noter un changement d’attitude, ces derniers temps, vis-à-vis d’IMIO. Considérée au départ (et cela n’a pas totalement disparu) comme un loup s’invitant dans la bergerie et comme un concurrent déloyal, IMIO serait désormais davantage accepté comme faisant partie du paysage. “Jusqu’il y a encore trois ou quatre ans, nous étions demandeur [Ndlr: pour jeter des passerelles vers les autres acteurs]. Il y avait clairement un blocage dans le chef des autres acteurs. Il y a eu entre-temps un réel changement de mentalité, de part et d’autre.”
A telle enseigne que, sans pouvoir encore lever le voile sur la teneur, “des candidatures ont été déposées en collaboration avec Civadis dans le cadre d’un appel à projets”. Décision dans les prochaines semaines…
Dans cette perspective de garantir davantage d’interopérabilité entre solutions, Joël Lambillotte estime pour sa part qu’“il faudrait davantage de moyens. Il serait souhaitable que la Région, même moyennant certaines conditions, octroie davantage de subsides pour réaliser cette interopérabilité. Les communes, elles, n’en ont pas les moyens.”
Passer du document à la donnée
Pour progresser dans le sens de l’optimisation des processus métier au niveau des pouvoirs locaux et de la dématérialisation des services administratifs publics, l’un des enjeux, selon IMIO, sera de passer du stade de la dématérialisation et automatisation du traitement de documents vers celui qui s’appuie sur la donnée.
Si des efforts ont déjà été réalisés, sur le terrain, pour permettre un certain suivi des flux métier aboutissant à des décisions par les services administratifs d’une ville ou commune, le constat demeure que les processus demeurent “ensilotés”: secrétariat, administration générale, ressources humaines… Autrement dit, l’approche demeure trop verticale, “avec aussi des trous, des processus oubliés. Ce qui génère une tentation, dans le chef des administrations communales, de se tourner vers des solutions génériques telles qu’Office 365…”
Vu sous un autre angle, la dématérialisation s’est faite jusqu’ici sur base du concept de document. Sans pouvoir descendre jusqu’au degré de pertinence de telle ou telle donnée contenue dans le document. “Il faut pouvoir déterminer quelle donnée est réellement essentielle à conserver, gérer et récupérer. En jeu? Alimenter efficacement les flux en amont et en sortir des éléments réellement utiles en aval.”
Autrement dit: plus de discernement dans la pertinence de ce que l’on traite, non seulement pour faciliter le bon fonctionnement de processus métier intégrés mais aussi pour sérier davantage la masse de traitement et de stockage.
L’adn demeure
L’un des principes de base d’IMIO de proposer des solutions open source qui, pour beaucoup, sont le fruit d’une “co-production”. En tout cas, d’une demande précise émanant d’un pouvoir local, pour le développement d’une solution métier ou d’une fonctionnalité auquel il contribue éventuellement en le co-finançant partiellement.
Modèle commercial adopté: le SaaS. Le pouvoir local ne paie dès lors que ce qu’il “consomme” réellement.
Toutes les solutions, sans exception, sont proposées en mode mutualisation. Autrement dit, réutilisables telles quelles par les autres, moyennant paramétrages spécifiques éventuels. “Nos outils open source et le patrimoine développé appartiennent à nos clients”, aime à souligner Frédéric Rasic. “Nous pratiquons par ailleurs le principe de coopération et d’échange de bonnes pratiques entre responsables locaux.” Ce à quoi Joël Lambillotte ajoute: “Nous sommes mandatés par nos clients pour prester un service. Le client est aux commandes et a la main sur le produit puisqu’il en est le co-producteur.”
Pour qu’une demande de solution puisse être prise en compte, un minimum de 50 pouvoirs locaux doivent l’avaliser. “La décision se construit au gré et au fil d’échanges avec les pouvoirs locaux afin de faire mûrir l’idée”, indique Joël Lambilllotte. Ce processus de co-décision ou de “parrainage” garantit que “la solution sera utilisée par plusieurs dizaines de pouvoirs locaux”. Une garantie minimale, aussi, de rentrée d’argent “à l’usage”.
Le duo y voit par ailleurs une garantie de ne pas se fourvoyer dans des développements qui ne trouveraient pas preneurs. “Nous avons vécu un contre-exemple éloquent”, signale Frédéric Rasic. “Le fédéral nous avait demandé de développer une solution de type portail pour l’organisation des missions que mènent les agents de l’administration fiscale fédérale dans les communes pour aider les contribuables à effectuer leur déclaration d’impôts. Ce fut un échec.” Raison évoquée par le directeur d’IMIO: “les communes préfèrent avoir la main”…
Le choix de l’open source (Plone en étant un exemple) est par ailleurs déterminant dans la mesure où cela permet à IMIO de ne pas tout devoir développer elle-même pour répondre aux demandes de ses clients mais de pouvoir aller piocher dans le catalogue de partenaires extérieurs, pratiquant la même démarche vis-à-vis des administrations locales,. Des solutions qui ont par exemple été développées pour des pouvoirs locaux français, luxembourgeois…
Exemple récent: le recours à une solution de gestion de la biodiversité des parcs naturels, développée par la communauté de développement open source française GeoNature, pour les besoins d’un projet de portail de biodiversité imaginé par le GAL Meuse@Campagnes (première intéressée: la commune de Wasseiges).
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