ARTICLE RÉSERVÉ – “Nous serons là pour les petites structures. Pas pour de grosses communes qui ont, en interne, les moyens nécessaires pour négocier et traiter en direct avec le privé.”
Cette déclaration date de 2012. Depuis IMIO, l’Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle a bel et bien mené des missions et presté des services pour quelques grandes villes.
Si IMIO dit vouloir se cantonner à l’offre de logiciels métier destinés aux besoins spécifiques locaux sans toucher à des domaines tels que la comptabilité ou la gestion des ressources humaines, on retrouve aujourd’hui dans son catalogue des licences de produits de gestion des compétences et carrières.
Comment l’Intercommunale explique-t-elle ces glissements de positionnement? Comment envisage-t-elle son avenir en termes de croissance et de rentabilité? Quelles mesures sont prises pour assurer une complémentarité avec des solutions venant de sociétés commerciales?
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Après deux ans d’existence, IMIO (Intercommunale de Mutualisation Informatique et Organisationnelle) estime son bilan positif puisque le nombre de pouvoirs locaux (communes, CPAS, zones de police, intercommunales) faisant appel à l’un ou l’autre de ses services avoisine aujourd’hui les 200, “soit une progression de plus de 70% depuis la création”. Une création qui fut, pour rappel, une fusion, le Ministre en charge des Pouvoirs locaux, Paul Furlan, ayant poussé les initiatives CommunesPlone et Qualicité à se fondre en un seul organisme.
Sur ces 200 clients, une grande majorité (170) sont des communes. Le solde est surtout constitué de CPAS avec aussi de quelques premières Provinces (Hainaut, Luxembourg, et “sans doute Namur demain”) et de deux sociétés de logements qui ont recours à l’une ou l’autre prestation. Reste donc, à l’avenir, à attirer les quelque 90 communes wallonnes non encore clientes ainsi que des acteurs locaux tels que des zones de police, des intercommunales ou des sociétés de logement. “D’ici deux ans, nous espérons compter autant de CPAS parmi nos clients que de communes”, déclare Marc Barvais, président du conseil d’administration d’IMIO et ancien bourgmestre faisant fonction de Mons. “Jusqu’ici, l’extension des utilisateurs s’est fait via le bouche-à-oreille. A l’avenir, il devrait s’étendre à d’autres catégories d’acteurs, tels que les zones de police…”
Pour rappel encore, IMIO se donne plusieurs axes d’action:
- développement et mise à disposition de solutions métier, spécifiques aux contraintes des pouvoirs locaux, basées sur l’open source et mutualisables (gestion des délibérations, des services Urbanisme, GED, e-guichet…)
- mise à disposition de solutions commerciales, non développées par elle, mais acquises sous licence et proposées aux pouvoirs locaux selon le principe de la mutualisation – et ce, dans des domaines tels que la gestion des compétences et des carrières (solution Ontologos), gestion des services techniques (Aductis) et dématérialisation de documents (Ricoh)
- aide à l’optimisation organisationnelle (réorganisation des processus) et à la gestion de projet
- centrale d’achat
- interopérabilité entre les solutions des pouvoirs locaux et celles d’autres strates administratives
Côté activités, la majorité (85%) est dédiée au développement et à la mise à disposition de logiciels, l’offre de services ne représentant que 15% des revenus.
Tarifs compétitifs
Ce qui nous amène au modèle “business” d’IMIO. Si l’adhésion à l’intercommunale est une simple formalité pour les pouvoirs locaux (la cotisation a été fixée à… 4 euros), les tarifs appliqués pour la mise à disposition des logiciels sont calculés selon une échelle dictée par la taille des communes. Une bonne demi-douzaine de catégories ont ainsi été définies.
Un exemple: la solution de gestion des services techniques est proposée à 4.500 euros par an pour une commune de 10.000 habitants, à 13.000 euros pour une entité de 50.000 âmes et à 18.000 euros pour les plus grandes.
Si le gain de nouveaux clients ou l’extension des services prestés pour des clients existants sera nécessaire pour permettre à l’intercommunale d’assurer son autonomie (les financements publics venant de la Région est dégressif et devrait s’arrêter en 2015), IMIO ne veut pas croître à tout prix.
Ses responsables parlent plutôt de “croissance à maîtriser”.
“La mutualisation est un facteur décisif, à la fois pour générer un effet d’échelle et pour assurer l’indépendance et l’autonomie des pouvoirs locaux face au privé. Et ce, afin qu’ils ne soient pas un jour confrontés à une situation où une solution informatique arriverait soudain en fin de vie et du support, sans possibilité de recours de leur part.”
Pas question par exemple de gonfler les effectifs à l’excès. Les collaborateurs sont actuellement au nombre de 22. Leur nombre ne devrait pas, à terme, dépasser les 25 unités. “Une partie des développements sont externalisés auprès d’une dizaine de TPE et indépendants locaux”, souligne Marc Barvais. “Des projets et développements que l’on peut réaliser en moins de 10 jours sont faits par nous”, précise Frédéric Rasic, directeur d’IMIO. “Au-delà de 10 jours, nous faisons appel au privé.” Avec obligation pour ces partenaires commerciaux de procéder à un transfert de connaissances “afin de garantir la continuité des prestations par la suite…”
Paul Furlan, ministre en charge des Pouvoirs locaux: “Le but d’IMIO n’est pas de courir le client. Il faut surtout s’assurer qu’elle maîtrise sa croissance et que la qualité est au rendez-vous.”
“Le défi, au cours des deux ou trois prochaines années, sera non seulement de gérer la croissance par rapport au nombre de clients potentiels et de logiciels à mettre à disposition, mais aussi de veiller à ce que ces solutions soient bien implémentées”, souligne Marc Barvais. “Les communes ont besoin de logiciels qui demeurent d’actualité par rapport à l’évolution. Nous devons prouver notre utilité par rapport au secteur privé. Nous évoluons dans un domaine concurrentiel où les prix sont souvent encore surfaits. Notre modèle économique intéresse donc les pouvoirs locaux. Ainsi d’ailleurs que d’autres structures dans d’autres pays, qui regardent avec intérêt ce modèle de mutualisation.”
Chacun chez soi…
Depuis ses débuts, IMIO a suscité maintes interrogations sur son rôle, son utilité, sa place dans le paysage des fournisseurs IT…
Le bilan d’activités présenté en cette mi-janvier était donc aussi l’occasion de préciser un certain nombre de choses.
Un interlocuteur pour les petites entités?
Marc Barvais: “Nous évoluons dans un domaine concurrentiel où les prix sont souvent encore surfaits. Notre modèle économique intéresse donc les pouvoirs locaux.”
A ses débuts, IMIO s’était donnée comme “cible” prioritaire, du côté des communes, les petites entités. Pas question, nous déclarait Frédéric Rasic, directeur d’IMIO, en 2012, d’intervenir auprès de grosses municipalités qui disposent, en interne, des compétences nécessaires.
“Nous serons là pour les petites structures. Pas pour de grosses communes telles Charleroi, par exemple, qui ont, en interne, les moyens nécessaires pour négocier et traiter en direct avec le privé.” Relire l’interview que nous avait accordée Frédéric Rasic.
Aujourd’hui le discours s’est quelque peu modifié. Un peu par la force des choses dans la mesure où l’intercommunale est bel et bien intervenue ou a été sollicitée par des communes de plus grande taille. On pense, pour divers dossiers, à Charleroi ou à Mons.
“C’est vrai qu’au début, notre audience était plutôt les petites communes. Mais le fait est”, déclare aujourd’hui Frédéric Rasic, “que les grandes communes ont elles aussi besoin de nos services et solutions. Même si elles disposent, en interne, d’équipes IT.
Pour elles, IMIO intervient d’ailleurs plutôt pour des projets d’intégration.”
Centrale d’achat
L’un des rôles qu’IMIO a mentionné dans sa mission est celui d’une centrale d’achats pour les pouvoirs locaux. “Cette activité est encore modeste jusqu’à présent parce qu’elle n’est pas une finalité première pour nous”, déclare Frédéric Rasic. “Nous n’avons pas l’envergure que peut avoir, dans ce domaine, le GIAL, le SPW ou la Province de Hainaut… L’activité centrale d’achat se limite donc à l’achat de matériels liés aux solutions que nous mettons à disposition.”
Par contre, là où le concept de centrale d’achat joue à fond est dans le volet logiciels: l’achat des licences Ricoh ou Ontologos (voir notre encadré ci-dessus) s’inscrit dans ce contexte. “Pour le matériel, nous n’apportons pas de valeur ajoutée. La donne est différente en matière de logiciels métier.”
IMIO et Mons 2015
Pourquoi IMIO s’est-elle retrouvée conseillère de la Ville de Mons pour le lancement d’appels d’offres pour le déploiement d’une infrastructure destinée aux futurs projets et animations Mons 2015?
Il y a bien entendu diverses raisons, en ce compris le fait que l’idée est tout naturellement venue à Marc Barvais, en raison de ses casquettes successives… Frédéric Rasic insiste toutefois sur ce qu’il présente comme une raison objective: “la Ville voulait recourir à un conseiller externe. La Ville allait certes se retrouver propriétaire de la solution choisie mais une condition que posait la Région pour financer une partie de l’infrastructure [Ndlr: gestion centralisée, sécurité, authentification…] était que l’outil soit mutualisé, Mons servant de site-pilote. Il fallait donc raisonner en termes plus larges qu’un simple déploiement mono-commune, inclure la dimension de mutualisation dans la réflexion et dans les négociations.”
D’où le recours à IMIO.
Cette dernière interviendra en deux temps: l’accompagnement à la sélection de la solution (qui connaît actuellement quelques soubresauts puisque Belgacom a introduit un recours – voir notre article LIEN) et, dans un deuxième temps, l’accompagnement des équipes et du projet en vue d’une future mutualisation. Chaque ville et commune restera libre de réutiliser ou non les solutions déployées par Mons [on pense par exemple à Liège qui est également sur le point de s’équiper d’une solution fibre/Wi-Fi/mobilité] “mais, au moins, elles auront accès à une masse d’informations en toute connaissance de cause.”
IMIO et les “villes intelligentes”
L’intercommunale a également donné l’impression de se positionner sur le terrain des “smart cities”, concept porteur, ne serait-ce qu’en termes de marketing et de visibilité. Elle fera d’ailleurs une présentation au prochain Salon des Mandataires, sur ce thème (“La ville 2.0: objectif 2020”).
Mais Frédéric Rasic tient, ici encore, à redéfinir le cadre d’intervention que vise IMIO: “Notre finalité reste le service que rendent les pouvoirs locaux au citoyen. Lorsque nous parlons de ville intelligente, nous raisonnons donc en termes de solutions de dématérialisation (1), de simplification administrative et d’e-gouvernement. Autrement dit, d’optimisation du fonctionnement d’une institution.
Nous n’interviendrons que dans des contextes d’automatisation et d’offre de solutions permettant de faciliter les rapports entre pouvoirs locaux et citoyens. Par exemple au travers d’e-guichets. Notre but n’est pas de proposer par exemple des solutions de gestion efficiente de l’énergie pour pouvoirs locaux…”
Les concullègues privés mais aussi des acteurs tels FuturoCité peuvent donc être “rassurés”…
Concurrent ou partenaire?
Si IMIO veut se limiter à des solutions “métier” répondant aux besoins spécifiques des communes, il n’en est pas moins vrai que ce périmètre d’action empiète parfois sur celui d’acteurs commerciaux. A cet égard, les ambitions de NRB, qui a repris Stesud alors que le groupe avait déjà Adehis dans sa besace, conduit à un affrontement plus direct et moins morcelé.
Les deux parties (pour ne parler que de ces deux-là) sont donc condamnées à s’entendre sur certains points, si elles veulent qu’une guerre des tranchées ne viennent pas compliquer les choses du côté des utilisateurs. Voilà pourquoi la solution de gestion des délibérés proposée par IMIO est actuellement en cours d’adaptation. Le projet concerne non seulement le design ou la charte graphique mais aussi, de manière plus fondamentale, l’intégration avec les solutions NRB qui, via Adehis et Stesud, “est présente dans quasi 90% des back-offices communaux.” Une passerelle est donc en cours de développement.
Idem pour l’interopérabilité entre les solutions e-guichet des deux protagonistes.
(1) A noter que ce thème de la dématérialisation a été la raison pour laquelle IMIO a conclu un accord de licence mutualisable avec Ricoh. La demande venait du CPAS de Charleroi qui avait besoin d’une solution. IMIO a fait appel au marché et sélectionné la solution Ricoh que tous les autres clients d’IMIO pourront donc désormais exploiter à conditions avantageuses. [ Retour au texte ]
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