Issue du Laboratoire de neurophysiologie et de biomécanique du mouvement (LNMB) de l’ULB et du Service d’Electrophysiologie (SE) de l’UMons, la spin-off Human Waves s’est spécialisée dans la conception d’interfaces cerveau-machine. De manière plus spécifique, ces interfaces (qui prennent la forme de casques à électrodes sèches) ont pour objectif de capter, de permettre l’interprétation des ondes cérébrales produites lors de stimulations ou de mises en situations et, dès lors, d’autoriser le développement de diverses solutions, basées sur la maîtrise des ondes cérébrales. La spin-off, officiellement créée en juin 2012, réunit quatre personnes: Guy Cheron, fondateur du laboratoire LNMB; Anne-Marie Clarinval, ingénieur en biotechnologie, provenant du SIRRIS; le Dr. Paul Verbanck, psychiatre, directeur du département Traitement et étude des assuétudes à l’hôpital Brugman; et le Dr Bernard Dan, neuropédiatre, directeur du département de neuropédiatrie à l’hôpital des enfants Reine Fabiola. S’y ajoute une cinquième personne, à savoir Cédric Baudson, de l’asbl ULB Sports. Les fondateurs de la spin-off, tous chercheurs ou de formation scientifique, étaient par ailleurs à la recherche de quelqu’un qui soit à même de leur apporter ses compétences en gestion. Ils se sont tournés vers Daniel Ejnes, médecin spécialisé en réadaptation et par ailleurs président de Neuron rehab (Marseille), qui porte la double casquette de CEO et de “coach”.
De la science-fiction à la réalité
La naissance de la spin-off est en fait la résultante des compétences acquises par le labo LNMB dans le cadre de recherches et de développements effectués dans le cadre de deux projets. D’une part, le projet Biofact qui vise à commander une orthèse par le biais d’une maîtrise des ondes cérébrales. D’autre part, le projet européen (FP7) MindWalker, aux finalités similaires mais s’appliquant à la commande d’un robot de marche ou exosquelette. Par exemple pour “doter une personne handicapée des membres inférieurs d’une capacité de marche qui lui permettra d’accomplir des tâches quotidiennes de la façon la plus naturelle et la plus autonome possible.” L’objectif est donc d’exploiter les ondes du cerveau pour piloter des prothèses. Le principe: l’activité du cerveau est mesurée, les ondes produites sont extraites, analysées et filtrées, de telle sorte à ne retenir que les ondes “significatives” (c’est-à-dire produites par la personne lorsqu’elle concentre sa pensée sur un objet spécifique). Ce sont ces ondes “volontaires” qui permettent de commander un “objet”, qu’il s’agisse de piloter les mouvements d’une prothèse ou le déclenchement/arrêt d’un tapis roulant. L’apprentissage qui permet à une personne de générer les signaux adéquats peut s’effectuer par le biais d’une solution immersive de type réalité virtuelle.
Des recherches loin d’être finalisées
Depuis 2002, le laboratoire LNMB de l’ULB collabore au programme spatial de l’ISS. Il est d’ailleurs le seul laboratoire au monde qui ait été accrédité par l’ESA pour traiter les mesures des activités cérébrales captées lors de tests réalisés par les spationautes de l’ISS.
Anne-Marie Clarinval: “Dans 4 à 6% des situations, les commandes par la pensée ne marchent pas. Pour des raisons dont on ignore encore la cause exacte”
Les divers projets de recherche spatiale auxquels le LNMB a participé ont notamment débouché sur la mise au point du paradigme PAMDA (Perception, Attention, Memorization, Decision and Action), sur lequel les futurs produits et solutions de Human Waves se baseront largement. Mais les compétences de l’équipe de l’ULB sont spécifiques à un autre égard: c’est l’une des rares au monde à être en mesure de capter et mesurer simultanément quatre sources de signaux. Non seulement les ondes cérébrales mais également les signaux émis par les muscles (analyse des signaux électromyographiques), la cinématique et la dynamique du mouvement associée ou non à la mesure des mouvements des yeux (saccades et micro-saccades). L’analyse et la maîtrise des ondes cérébrales ouvre potentiellement la porte à de nombreuses applications: depuis le diagnostic précis de certains désordres neurologiques jusqu’à l’entraînement d’une personne à retrouver le contrôle de certains mouvements, voire à corriger certains de ses comportements. Toutefois, bien du chemin reste à faire pour éliminer les derniers taux d’erreur. La commande d’une prothèse par la pensée, par exemple, n’est pas encore parfaite. “Dans 4 à 6% des situations, les commandes par la pensée ne marchent pas. Pour des raisons dont on ignore encore la cause exacte”, souligne Anne-Marie Clarinval. Impossible dès lors pour Human Waves de se lancer dès à présent dans la commercialisation de ce genre de produits. Ses premiers produits et solutions seront donc moins ambitieux.
Premières réalisations
Parmi les multiples secteurs et domaines potentiels d’applications (secteur de la santé, des performances sportives, apprentissage, neuromarketing, “neuro”-développement de produits…), Human Waves se concentre, pour l’heure, exclusivement et en priorité absolue sur les deux premiers. Au rayon sports, la société a étudié la neurophysiologie du mouvement sportif “en vue d’analyser les divers paramètres neuronaux qui influencent la prise de décision du geste sportif.” “L’analyse de la cinématique tridimensionnelle de l’ensemble du corps et des activités musculaires permet d’identifier les contraintes excessives et de les maîtriser tout en augmentant la performance”, explique Anne-Marie Clarinval. S’ouvre ainsi la possibilité d’entraîner chaque athlète à maîtriser les gestes et mouvements qui le feront progresser dans son sport mais aussi lui éviteront blessures et fatigue inutiles.
“L’analyse de la cinématique tridimensionnelle de l’ensemble du corps et des activités musculaires permet d’identifier les contraintes excessives et de les maîtriser tout en augmentant la performance”
Des tests ont par exemple été effectués, en début d’année, avec l’équipe nationale masculine de hockey sur gazon. 10 caméras infrarouges ont été utilisées pour envoyer des faisceaux vers des marqueurs rétro-réflecteurs disposés en divers points du corps, ainsi que sur le stick et la balle. “La capture des mouvements a permis de créer un modèle global et de calculer les déplacements de chaque marqueur, les vitesses et accélérations linéaires, ainsi que les paramètres angulaires.” Par corrélation entre l’activité cérébrale et chaque portion de mouvement accompli, il devient possible d’entraîner le sportif à s’auto-optimiser psychologiquement afin d’améliorer la performance ou la précision de chaque geste. Un autre proof of concepta été effectué avec des escrimeurs et des contacts ont été pris avec une équipe de boxe. Outre les sportifs eux-mêmes, Human Waves envisage des scénarios où ses solutions pourraient intéresser également les entraîneurs et préparateurs sportifs, afin de diminuer le risque de blessures, de lésions musculaires et aussi de développer des stratégies neuro-musculaires gagnantes. Et l’équipe de Human Waves entrevoit déjà d’autres acheteurs potentiels: en ce compris les recruteurs et dirigeants de clubs sportifs “qui pourraient désormais quantifier de manière objective la valeur et le potentiel d’un athlète avant de l’engager.”
Soigner par la pensée
Un autre domaine d’application est celui du diagnostic et du traitement de personnes (en particulier des enfants) souffrant de handicaps moteurs cérébraux. “Lorsque l’information cérébrale motrice est défaillante, l’enfant souffre d’une mauvaise perception de son corps et a dès lors des difficultés à apprendre à marcher.” Et les problèmes se produisent en cascade: marche erratique, hypertrophie de membres, tensions musculaires ou osseuses excessives, soins lourds à répétition… “Les neuropédiatres sont très demandeurs de solutions qui leur permettraient de comprendre de manière plus fine la marche de chaque enfant pris individuellement afin de pouvoir choisir la thérapie et le traitement qui leur conviennent le mieux.” La même démarche peut s’appliquer aux personnes handicapées afin de mettre en oeuvre des stratégies personnalisées de soins. Toujours dans le secteur médical, Human Waves a participé, avec Nomics, spin-off de l’ULg spécialisée en bio-instrumentation, à un appel à projets du pôle BioWin. Le projet, baptisé NeuroAtt, a été sélectionné et est en attente de décision pour un financement régional. Il vise le développement d’un outil (logiciel) d’aide au diagnostic des troubles de l’attention et d’un système de neurofeedback permettant de résoudre ces problèmes. Le public-cible est ici essentiellement les enfants souffrant de troubles de l’attention, avec ou sans hyperactivité. Le logiciel servira à extraire et interpréter les données d’un électro-encéphalogramme afin d’identifier les zones cérébrales à l’origine des troubles. “Jusqu’à présent, les observations cliniques se basent en bonne partie sur des questionnaires remplis par des médecins ou des proches, parfois de manière subjective. Quand le trouble ne s’accompagne pas d’hyperactivité, le diagnostic par observation est encore plus difficile”, souligne Anne-Marie Clarinval. “Le logiciel permettra d’objectiver le diagnostic.” Le “Brain Wave Trainer”, autrement dit le système de neurofeedback, se composera d’un casque simplifié (ne comportant qu’une quinzaine d’électrodes) et d’un système vidéo par lequel l’enfant recevra des consignes, ludiques, l’invitant à se détendre pour mieux contrôler l’intensité de ses ondes cérébrales. Selon qu’il réussira ou non à les moduler, un petit personnage changera de comportement dans la vidéo (du genre équilibriste qui tombe de son fil ou, au contraire, continue d’avancer). Une réflexion est d’ores et déjà en cours pour étendre le principe à l’apprentissage. Par exemple, pendant qu’un enfant s’initierait aux mathématiques à l’aide d’un logiciel, ses réactions cérébrales pourraient être mesurées, afin de déterminer si ses problèmes sont liés à un défaut de concentration, d’attention ou de compréhension.
Prochaines étapes
Outre les développements logiciels en cours, l’un des objectifs à court terme de Human Waves est de continuer à travailler sur la mise au point de casques simplifiés (nombre d’électrodes sèches réduit) mais donnant néanmoins des résultats fiables. Le casque utilisé pour l’analyse de la marche, par exemple, a été conçu de manière à pouvoir être utilisé dans d’autres contextes, par simple repositionnement des électrodes. Un autre casque sera développé pour le diagnostic des troubles de l’attention.
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