Un projet de R&D financé par la Région wallonne, baptisé e-Origin (du même nom que la start-up créée dès 2020, à Liège, par Yanis Kyriakides et Reynald Lemaire), est sorti des starting blocks début mai. Objectif: concevoir une “plate-forme européenne de simplification et de fiabilisation des déclarations douanières, avec partage sécurisé de l’information et contrôles mutuels pour une traçabilité inaltérable”. Le tout en s’appuyant notamment sur l’intelligence artificielle afin de mieux lutter contre la fraude.
Parmi les membres du consortium (voir plus de détails en fin de texte) qui s’est constitué pour l’occasion figurent deux universités: l’UMons et l’ULiège (HEC), retenues en raison des compétences et connaissances de leurs chercheurs, respectivement en matière d’intelligence artificielle et de processus douaniers. L’aéroport de Liège servira, pour sa part, de cas d’école pour l’analyse des besoins ainsi que pour la validation des techniques et solutions imaginés.
“L’e-commerce a découplé le nombre de situations de fraude”, souligne Yanis Kyriakides, co-fondateur de la société e-Origin.
Les problèmes se posent en termes de volume de transactions et de données, de non-conformité des déclarations, de données fausses ou absentes, de données mal ou non structurées, voire non disponibles, de tempo imposé aux procédures… Sans parler de la complexité et de l’évolutivité de la législation applicable.
“Il en résulte un véritable chaos, une augmentation du nombre de contrôles nécessaires et, dès lors, des coûts. Des contrôles manuels ne sont plus possibles. Il faut pouvoir procéder à une collecte vérifiable d’informations sur les biens vendus ou importés” – la vérification concernant une multitude de facettes et de paramètres (origine, composition, valeur, authenticité, etc. etc.).
Le problème est bien connu… Pour y faire face, les autorités, tant nationales (voire régionales) qu’internationales, évoquent différentes pistes technologiques. Dès 2019, l’Office européen de Lutte Anti-Fraude (OLAF) déclarait par exemple: “Nous allons exploiter davantage encore les technologies les plus récentes, notamment l’intelligence artificielle, non seulement pour faciliter les enquêtes, mais aussi pour renforcer notre travail de prévention et d’analyse de la fraude, ainsi que pour détecter les lacunes de la législation et des pratiques administratives et partager nos connaissances en la matière.”
Karin Walravens (HEC Liège): “En 2020, on a dénombré quelque 193 millions de déclarations à Bierset. Or, seulement une minorité d’acteurs génèrent ces déclarations. Par ailleurs, les procédures sont source de nombreux risques. Notamment les délais à respecter qui ne permettent pas suffisamment d’identifier les erreurs et failles dans les déclarations. Parfois même la société n’existe tout simplement pas…”
Une expertise locale
Les chercheurs des deux universités belges membres du consortium e-Origin seront chargés de puiser dans leurs compétences pour imaginer de nouvelles solutions destinées à objectiver, valider et sécuriser les déclarations en douane et concevoir une plate-forme apte à analyser le risque d’erreur des déclarations douanières.
Du côté de HEC Liège, les travaux porteront notamment sur la sécurisation des procédures “afin de réduire les risques déclaratifs, aider les déclarants à prendre les bonnes décisions lorsqu’ils remplissent les déclarations, à effectuer les contrôles pour éviter ou réduire fraudes et contentieux, et à analyser les jeux de données”, déclare Karin Walravens, chercheuse à HEC Liège, notamment spécialisée en procédures de déclarations douanières.
Les travaux se concentreront dès lors sur la détection et la découverte d’anomalies dans les données déclaratives et ce, via recours à des outils de data mining (supervisé ou non), avec vérification “en vrai” des hypothèses formulées. “Le but est de mieux identifier les anomalies déclaratives afin de donner naissance à une solution d’aide à la déclaration en douane.”
Qu’elles soient volontaires ou subies, les erreurs déclaratives sont un véritable fléau contre lequel, au vu des volumes de transactions engendrés par l’e-commerce, il devient impossible de lutter en se contentant de vérifications manuelles. Les risques (contentieux, condamnations, pénalités…) sont encourus non seulement par les vendeurs, les sociétés qui exportent mais aussi par les transitaires et par les différents acteurs auxquels les exportateurs font appel pour les représenter en douane en endossant le rôle de déclarants – et, dès lors, la responsabilité sur les produits vendus, rappelle Sédrick Stassin, chercheur à l’UMons spécialisé en AI explicable.
Appel sera donc fait à l’intelligence artificielle pour faire face à cette explosion des volumes et des risques. Et ce, à différents niveaux: “d’une part, pour veiller à la conformité des déclarations par rapport aux obligations légales, en vérifiant l’exactitude et la fiabilité des informations et l’exactitude des différents champs complétés dans les déclarations. D’autre part, pour développer un système d’analyse de risque apte à prédire le risque et la fraude”.
Vérifier et détecter ne sera évidemment pas suffisamment, raison pour laquelle le projet – à l’image de ce que se propose déjà de faire la start-up e-Origin – fera également appel à d’autres technologies, telles que la blockchain et les certificats numériques. La blockchain, dans ce cas précis, pourra servir à la constitution d’un registre non falsifiable, permettant de vérifier systématiquement l’authenticité des informations et des “preuves” soumises lors des déclarations en douane.
Quelques infos à propos du projet e-Origin
Porteur de projet: la société liégeoise e-Origin
Partenaires:
– les universités de Mons et de Liège (HEC)
– Euro Terminal, prestataire de services logistiques et d’agence en douane, et Fresh Express, société de services en douane spécialisée dans les produits phytosanitaires ou vétérinaires
Lancement: 1er mai 2021 – Durée: deux ans
Première étape pour les deux participants académiques: identification des leviers et des potentiels d’innovation ; analyse de la situation côté exportateurs e-commerce (en prenant comme espace-pilote les activités d’exportation à l’aéroport de Liège).
Dans un deuxième temps: extrapolation des développements et scénarios imaginés à l’ensemble de l’Europe, avec intégration d’acteurs exportateurs extra-frontaliers.
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