Une page se tourne en Wallonie en matière d’initiatives public-privé visant à faire découvrir et à promouvoir, auprès des plus jeunes, les attraits et les opportunités qu’offrent des compétences en programmation, leur faire découvrir les dessous de la logique algorithmique, de la création de jeux vidéo ou de sites Internet…
Une page se tourne mais c’est pour attaquer un nouveau chapitre avec des moyens sensiblement renforcés. En tout cas est-ce la volonté affichée de part et d’autre.
D’un côté, Kodo Wallonie, piloté par Céline Colas, qui fut à l’initiative, voici 3 ans, pour la création des premiers clubs CoderDojo en Wallonie (Liège, ensuite Charleroi, Mons et Louvain-la-Neuve).
De l’autre côté, CoderDojo “Belgium” qui débarque en Wallonie après avoir surtout imprimé sa marque en Flandre.
D’emblée, vous aurez remarqué comme une petite “bizarrerie”: on parle bien de CoderDojo des deux côtés. Dès lors, pourquoi cette dualité, ces deux noms de baptême, ces deux initiatives en apparence positionnées sur le même bout de terrain?
Une explication et dés-emberlification s’impose…
Commençons… par la fin.
On rebat les cartes
Ce 20 octobre, le cabinet de Pierre-Yves Jeholet, ministre de l’économie, du numérique… et de la formation, annonçait “sa volonté de soutenir et d’amplifier les ateliers de programmation CoderDojo en Wallonie avec l’Agence du Numérique. […] Un mouvement général pour donner le goût aux enfants de programmer, aussi bien des jeux que des applications ou encore des robots, doit émaner d’initiatives internes aux écoles ainsi que d’initiatives citoyennes, comme le CoderDojo, qui se veulent être des tremplins pour faire de tous nos enfants les gagnants de demain.”
Céline Colas (Kodo Wallonie): “Notre réseau s’était développé mais à notre rythme, sans la force de frappe de CoderDojo Vlaanderen.”
Soit! On aurait pu en conclure que c’était une bonne nouvelle pour Céline Colas qui, depuis près de trois ans, doit se contenter de bonnes volontés et de bouts de ficelle pour faire naître et animer ces clubs de programmation. Non pas que la demande soit absente (au contraire) mais plutôt parce que le financement (public, notamment) manquait.
En fait, l’annonce de Pierre-Yves Jeholet reposait sur un raisonnement sensiblement différent. Certes, il est convaincu – et c’est une très bonne chose – que les enfants, dès leur plus jeune âge, doivent se frotter aux arcanes de la programmation, pour ne pas être totalement hermétiques à ce qui gouverne de plus en plus notre quotidien. Mais la manière de faire naître, en Wallonie, davantage de clubs – il y en a déjà une septantaine en Flandre – devait, selon lui, se faire de manière plus systématisée et avec de nouveaux moyens.
La méthode choisie? Du financement public (150.000 euros seront alloués chaque année) et un pilotage qui s’appuie sur l’expérience de CoderDojo Vlaanderen.
Un contact a dès lors été initié, avec l’appui du Conseil du Numérique et de l’AdN, avec cette association et son poisson-pilote, Martine Tempels, par ailleurs vice-présidente de Telenet Business et membre de la plate-forme STEM flamande.
Petit cliché “clin d’oeil” – pour les yeux attentifs . Quelqu’un pourrait-il demander à Martine Tempels de corriger son profil LinkedIn. Depuis quand le CoderDojo est-il un mouvement de défense de la cause… animale?
Réponse positive de sa part puisqu’elle sautait sur l’occasion pour allumer la mèche d’une extension en terre wallonne. Le bras armé de CoderDojo y sera Muriel De Lathouwer, CEO d’EVS.
Et l’équipe de Céline Colas dans tout çà? Au moins n’a-t-elle pas été débarquée sans autre forme de procès. “A tout moment”, précise Céline Colas, “nous avons été tenus au courant de ce qui se préparait.
Notre réseau s’était développé mais à notre rythme, sans la force de frappe de CoderDojo Vlaanderen. Nous avions nous-mêmes fait le constat que le développement du réseau prenait beaucoup de temps et absorbait énormément d’énergie.
Lorsque le Plan numérique a été lancé [sous l’ancienne majorité], l’intention de Digital Wallonia fut d’emblée de supporter les ateliers CoderDojo. Désormais, le réseau va pouvoir monter en puissance. C’est pour des raisons purement logistiques qu’un partenariat a donc été passé avec CoderDojo Belgium. Ce qui, en soi, est une bonne chose: ils ont en effet l’expertise qu’on commençait seulement à avoir… Il faut avant tout penser efficacité. CoderDojo Belgium est mieux armé et sera peut-être davantage présent sur le terrain.”
L’orientation prise par CoderDojo Wallonie étant quelque peu différente de ce qui avait été mis en oeuvre jusqu’ici (voir détails ci-dessous), Céline Colas et son équipe ont décidé de poursuivre leur action, en se choisissant un nouveau nom: Kodo Wallonie.
Deux méthodes, deux cibles
CoderDojo Belgium et son antenne wallonne organiseront donc des clubs de programmation en milieu extra-scolaire. En dehors donc des programmes et des horaires.
Les sites d’accueil devraient être notamment les EPN (espaces publics numériques).
Kodo Wallonie pour sa part, toujours emmené par Céline Colas, compte poursuivre les activités déployées jusqu’ici – depuis 3 ans à Liège et depuis plus d’un an à Charleroi et à Louvain-la-Neuve.
D’une part, en étendant le catalogue d’activités et d’animation (au-delà de la seule programmation). Nouvelles activités Kodo: apprentissage de l’électronique, de l’audiovisuel (YouTube, stop motion…), stages…
D’autre part, en agissant à la fois plus spécifiquement au coeur-même du milieu scolaire et en extra-scolaire. “Nous voulons préserver une cohérence entre le scolaire et l’extra-scolaire, susciter un cercle vertueux”, souligne Céline Colas. “Un bon 80% de nos actions se déroulent au sein-même des écoles”. Et cela restera le cas à l’avenir. Avec des visites d’information et de promotion jusqu’au sein des Hautes Ecoles, une présence sur des événements davantage grand public tels que le programme “Liège, tendances numériques”…
Au-delà des activités d’information, de sensibilisation et d’animation au sein des écoles, l’activité-phare de Kodo Wallonie restera (sauf surprise) l’événement WallCode qui, pendant une semaine, organise une série d’ateliers et d’animations à travers toute la Wallonie (voire même la Fédération Wallonie-Bruxelles) à destination des élèves francophones du primaire et du secondaire afin de les initier à la programmation. Cette action est orchestrée en collaboration avec l’AdN.
Trois clubs Kodo sont pour l’instant actifs: Liège, Charleroi et Louvain-la-Neuve. Un nouveau club Kodo est en cours de création à Namur, en collaboration avec le hub créatif TRAKK. Idem à Tournai mais selon une formule un rien plus hybride puisqu’elle mêlera esprit club et animation scolaire, en partenariat avec l’espace de coworking local ESCO et le fablab.
Le CoderDojo de Mons a, pour sa part, décidé de rejoindre le nouveau réseau CoderDojo Wallonie, qui doit encore se constituer et s’organiser.
Autre différence entre les ateliers CoderDojo et les clubs Kodo: le public visé. Si les deux initiatives s’adressent à un tronc commun (les enfants de 7 à 18 ans), Kodo Wallonie voit plus large en termes de tranches d’âge. “Nous voulons aussi sensibiliser des enfants plus jeunes. On constate en effet que lors de nos animations, les parents emmènent souvent les petits frères ou les petites soeurs. Il nous semble donc intéressant de proposer de temps en temps des animations qui leur soient destinées afin de leur donner, à eux aussi, le goût de l’IT, leur permettre de tester et d’apprivoiser certaines choses.
Nous pensons aussi à des cibles plus âgées. Egalement pour des activités qui seraient organisées de temps à autre, dans un esprit intergénérationnel. Mais ce n’est encore qu’un projet…”
Avec quels moyens?
Si CoderDojo Wallonie est assuré de bénéficier d’un subside wallon (budget annuel octroyé par le cabinet Jeholet: 150.000 euros), Kodo Wallonie attend encore la confirmation qu’il aura droit, lui aussi, à une aide publique. Ce qui ne serait que logique s’il se confirme qu’il reste à la manoeuvre, avec le soutien et l’aide de l’AdN, pour l’événement WallCode.
Cette éventuelle aide financière pourrait aussi lui permettre d’étoffer quelque peu l’équipe de permanents qui, pour l’heure… se résume à la seule Céline Colas. “L’équipe se compose d’une quarantaine de bénévoles mais je suis la seule à être rémunérée. Renforcer l’équipe de permanents me permettrait de travailler davantage sur le terrain, en animation scolaire, et de créer de nouvelles ressources…”
A noter que la Fédération Wallonie-Bruxelles n’intervient encore nullement dans le support de Kodo Wallonie. De premiers contacts ont été pris mais sans réelle piste structurée.
Autre “nerf de la guerre”: les animateurs, souvent bénévoles, qui permettent à ces ateliers CoderDojo et clubs Kodo de fonctionner. Côté CoderDojo Wallonie, les personnes sollicitées seront sans doute des patrons de sociétés (en ce compris du côté des grandes entreprises, comme c’est le cas en Flandre), des personnes faisant partie de leur réseau plus ou moins informel…
Pierre Rion (Conseil du Numérique): “L’un des goulots d’étranglement que connaissait l’initiative CoderDojo jusqu’ici était le recrutement de formateurs, au profil plutôt geek. Or, il se trouve du côté des grands acteurs locaux de l’IT: Proximus, NRB, EVS…”
Côté Kodo Wallonie, les bénévoles sont et resteront sans doute davantage des personnes venues de la société civile, des collaborateurs de petites sociétés, des étudiants, voire de simples citoyens engagés et doués de compétences numériques… “Les deux modes de fonctionnement sont différents. Il aurait été difficile de les gérer sous une même structure. Ce qui ne veut pas dire que nous ne nous concertons pas entre nos deux organisations”, ajoute encore Céline Colas.
Le temps nous dira si ces deux initiatives poursuivent leur petit bonhomme de chemin en parallèle ou si une synergie plus étroite se fera jour. Au moins jusqu’à ce que le monde de l’enseignement ait lui-même trouvé le moyen d’inclure, pour toutes les tranches d’âge, des cours de programmation, logique algorithmique, numérique appliqué dans ses programmes…
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