Atom-IT: tremplin vers de l’IoT wallon?

Portrait
Par · 15/06/2017

L’incubateur pour “techno-entrepreneurs” WSL a mis sur pied une nouvelle activité mêlant formation, expérimentation et réalisations mutualisées dans le domaine de l’Internet des Objets (IoT). Sans priori ou préférences technologiques.

Nom de baptême: Atom-IT.

Objectif du projet: susciter un écosystème numérique wallon à très haute valeur ajoutée, faisant s’auto-enrichir 4 grands domaines: les dispositifs de collecte, les réseaux de communications, les plates-formes d’hébergement et de traitement des données, les outils d’analyse et d’exploitation.

Mixer les spécialités

Atom-IT, c’est bien plus qu’un labo d’expérimentation ou qu’un centre de sensibilisation et de découverte pratico-pratique de l’IoT. La nouvelle cellule du WSL veut replacer l’IoT dans la perspective plus fondamentale des opportunités économiques et industrielles et des potentiels de création d’emplois pour la Région.

A la manoeuvre, Sébastien Jodogne, embauché en début d’année et qui travaille 4 jours sur 5 pour ce nouveau projet, réservant son 5ème jour à la société Osimis dont il est encore le CIO, en qualité d’auteur du projet de serveur d’imagerie médicale Orthanc, initié au CHU de Liège et qui a donc débouché sur la création de la start-up Osimis.

“Pour la Wallonie, l’IoT recèle trois valeurs qu’Atom-IT veut aider à concrétiser”, souligne Sébastien Jodogne. “La création de dispositifs à valeur ajoutée, avec un impact sur la création d’emplois, l’utilisation des infrastructures cloud existantes afin de fédérer les informations, et la mise à disposition d’une “intelligence” sur les données.”

Voilà pourquoi le rôle d’évangélisation, d’information, de “dédramatisation” et de collaboration que se donne Atom-IT va au-delà des seuls acteurs de la connectivité pour faire également se tisser des liens de collaboration, voire de mutualisation, avec les hébergeurs et gestionnaires de plates-formes cloud (Amazon, Google, Microsoft… mais aussi NRB) et avec les acteurs de l’analytique et de l’exploitation concrètes des données collectées ou générées par les objets IoT. Dans ce dernier groupe, on retrouve toute une série d’acteurs locaux: Osimis, Pepite, ESIA, Opinum, Space2M…

Une mission sous le signe de la neutralité

L’une des caractéristiques majeures – et raison d’être – du projet Atom-IT sera de miser sur une totale indépendance ou, plus exactement, neutralité par rapport aux technologies et infrastructures disponibles et exploitables.

Ce sera le cas au niveau des technologies de connexion et de communications entre objets connectés. Pas question de privilégier une technologie plutôt qu’une autre. Ou de se priver d’une quelconque piste d’exploitation des potentiels IoT. Dans le cadre d’Atom-IT, on parlera et pratiquera donc aussi bien du LoRA (cheval de bataille de Proximus), du Sigfox (défendu par Engie), une forme de LoRA citoyen (évangélisé par The Things Network), mais aussi du 5G/LTE-M (voie privilégiée par Orange qui ne dédaigne d’ailleurs pas LoRa, que l’opérateur “pratique” notamment en France).

Ces 4 acteurs figurent dès lors sur la liste des partenaires d’Atom-IT. Des accords de coopération ont déjà été passés avec Proximus, Engie et The Things Network. Reste à convaincre Orange.

Aux technologies et protocoles déjà cités, Atom-IT compte bien ajouter au fil du temps d’autres canaux IoT du genre NB-IoT, GPRS, Bluetooth, Zigbee… Voir plus bas pour plus de détails.

Cette neutralité technologique – qui imposera de convaincre les acteurs d’oublier leur frilosité concurrentielle -, on la retrouve également dans le volet Plates-formes cloud. Des acteurs tels que Microsoft (Azure), Amazon (Amazon Web Services), OVH, Google ou encore NRB figurent donc sur la liste des partenaires qu’Atom-IT désire impliquer dans son projet. Des contacts continueront d’être pris à court ou moyen terme afin de concrétiser le cadre de leur participation.

Trois actions

Le type d’actions et d’activités que mènera Atom-IT visent aussi bien les entreprises, de toutes tailles (depuis le porteur de projet pré-start-up jusqu’à l’acteur industriel conventionnel), les acteurs publics, les étudiants que les chercheurs.

Ses activités se rangent en trois catégories: sensibilisation/expérimentation; professionnalisation des développements et projets; fertilisation croisée entre acteurs (locaux ou plus globaux) venant de divers horizons.

Expérimentation

Première action qu’a commencé à déployer Atom-IT: des sessions d’information et séances – itinérantes – d’expérimentation de l’IoT.

Sébastien Jodogne (WSL/Atom-IT): “Le but de ces séances est de dédramatiser l’IoT, de donner une idée de ce qui est possible mais aussi de faire s’exprimer les besoins.”

Objectif: “Donner une idée de ce qu’est l’IoT, faire découvrir des outils, permettre aux gens de mettre les mains dans le cambouis”, explique Sébastien Jodogne. Destinataires: aussi bien les purs techniciens que des personnes nettement moins versées dans les capteurs, les modes de communication ou l’exploitation des données.

Les exposés qui se donneront lors de ces sessions aborderont des aspects plus génériques mais aussi les perspectives économiques, un état des lieux des réseaux et protocoles existants.

Au bout d’une heure, les participants passent aux choses pratiques et peuvent s’essayer à quelques tests sur base des kits de prototypage mis à disposition (cartes, capteurs, Arduino programmables, antennes…). “Le but de ces séances est de dédramatiser l’IoT, de donner une idée de ce qui est possible mais aussi de faire s’exprimer les besoins.”


Atom-IT commence à organiser ce genre de sessions d’info-expérimentation. Que ce soit à Liège, sur le site des WSL Labs, ou ailleurs, selon les demandes ou les intérêts d’organismes ou d’entreprises.

Une prochaine session se déroulera par exemple en collaboration avec le CRA-W (Centre de Recherches Agronomiques) pour parler capteurs et analyse dans le secteur de l’agriculture.

WSL et Atom-IT lancent un appel à tout organisme ou acteur intéressé à bénéficier ou à co-organiser ce genre de session IoT 1.01. Qu’on se le dise…


L’étape de l’expérimentation, du développement d’un proof of concept, a pour but de déboucher, rapidement et à peu de frais, sur un prototype, connectable sur l’infrastructure The Things Network. Si, pour la mise en production, l’entreprise ou le service public a besoin ou privilégie une infrastructure LoRa ou SigFox, une simple modification technique suffira.

“L’open source”, souligne Sébastien Jodogne, “est la voie d’entrée idéale pour la réalisation d’un prototype, d’un proof of concept, avant de basculer vers une plate-forme professionnelle qui procurera toutes les fonctionnalités et le support opérationnel nécessaires. L’étape proto en open source permet en outre de boucler cette étape rapidement et, sur base du développement concret, de lever des fonds, en l’espace de quelques semaines [afin de financer la phase d’opérationnalisation].”

Professionnalisation

Au travers de ses séances d’accompagnement, Atom-IT vise à professionnaliser à la fois les développements de prototypes et de logiciels, à faire adopter de nouvelles démarches plus qualitatives et efficaces, telles que la programmation Agile, à faire acquérir des compétences en protocoles, bases de données, ingénierie logicielle embarquée, analytique…

Un projet qui se concrétisera dans les prochains mois est le développement d’une plate-forme logicielle, développée en open source, “ouverte à tous”, permettant de réceptionner et d’échanger des données venant de réseaux IoT de nature disparate (LoRa, Sigfox, GPRS, Rfid…). “Une base de données qui soit déployable sur n’importe quelle infrastructure cloud, légère – pouvant être embarquée sur Raspberry -, exploitable de manière agnostique.”

Fertilisation croisée

L’idée, ici, est de favoriser les échanges, le partage de connaissances et d’expérience, de décloisonner non seulement des acteurs évoluant dans des domaines différents (composants, logiciels, infrastructures cloud, solutions analytiques) mais aussi de susciter un réflexe de mutualisation entre acteurs peu ou prou concurrents.

Des sociétés telles que Smart Nodes (éclairage intelligent), Snugr (vanne thermostatique), Micromega (surveillance de matériels industriels), ESIA (télésurveillance de systèmes électroniques), V2I (résolution de problèmes liés à la dynamique des structures) ou d’autres dans le secteur de l’e-santé, telles que Nomics ou Cefaly, etc. ont potentiellement intérêt à croiser ressources, solutions et besoins. Tant entre elles qu’avec d’autres acteurs dans d’autres domaines de l’IT.

Pour eux, Atom-IT se positionnera comme “acteur de liant” et comme ressource et agent de veille technologique (en machine learning, algorithmique, analytique, télésurveillance, licences open source…).

Récuser les idées reçues

L’un des rôles de Atom-IT sera aussi de démontrer que l’IoT “ne se résume pas au déploiement de capteurs, et que ce qui est en jeu, ce n’est pas de l’ingénierie pure mais bien les applications, en bout de chaîne”, souligne Sébastien Jodogne.

Il en profite pour mettre à mal quelques idées reçues…

L’IoT, ce n’est pas une fin en soi. Déployer une infrastructure, des objets connectés, emmagasiner des données ne sont que les conditions indispensables afin de “réaliser une analyse intelligente de ce qui sera réellement utile.”

50 applications de l’IoT. Source: Libelium.

 

L’IoT, ce n’est pas uniquement du sans-fil. Cela ne se limite pas aux seules solutions LoRa ou Sigfox. C’est potentiellement aussi du filaire, du WiFi, du Zigbee, du Bluetooth… Raison pour laquelle Atom-IT intégrera progressivement toutes ces possibilités dans son catalogue de formation et d’expérimentation. “A terme, nous proposerons sans doute des séances plus spécialisées ou thématiques. Par exemple, autour de l’IoT industriel avec Zigbee ou des sessions dédiées LoRA…”

L’IoT, ce n’est pas faire table rase du passé, pas plus que ce n’est un effort surhumain, en mode Big Bertha ou big bang. “L’IoT ne relègue pas le M2M aux oubliettes”, insiste Sébastien Jodogne. “Bien au contraire, il s’agit de mieux faire percoler. Les cycles de vie [des équipements industriels] sont longs. On évolue dès lors dans un contexte de remplacement progressif des dispositifs existants, avec une modernisation qui se fera au fil de l’eau. Les parcs installés seront par définition hétérogènes.”

L’IoT, ce n’est pas uniquement de la connectivité. “Le plus important est de prendre en compte l’ensemble de l’écosystème.”