Mes idées…
Je salue le progrès réalisé en termes de culture d’entreprise et l’encouragement des ‘starters’. J’observe une bonne dynamique d’envie de création, d’oser entreprendre bien épaulée par les multiples structures d’accompagnement. Je vois beaucoup de jeunes et moins jeunes avec un projet sous le bras, et beaucoup de gens pour les accompagner, pour fournir des ressources et/ou des compétences. Tout cela, c’est plutôt positif.
“On n’a pas beaucoup renouvelé les références depuis 20 ans.”
En termes de résultats, je crois qu’on n’est par contre pas très loin.
Je ne vois pas beaucoup de grands champions nationaux, et encore moins régionaux, tirer l’économie, l’emploi, la compétence et montrer l’exemple.
On n’a pas beaucoup renouvelé les références depuis 20 ans: on parle toujours d’EVS et d’IBA. Iris, Eurogentec, BSB ou Ogone sont aussi de beaux exemples de réussite mais les rachats font que les directions générales ne sont plus en Belgique ou plus pour longtemps.
Pourquoi n’y a-t-il pas plus de résultats des efforts consentis?
Comme dirait sans doute Eric Domb (un des plus beaux exemples de réussite, même si ce n’est pas en IT): il faut mettre des bonnes graines dans du bon terreau et arroser beaucoup et longtemps pour faire croître de belles plantes.
Je pense qu’il y a du travail à faire sur la qualité des graines, du terreau et de l’arrosage.
La qualité des graines
Il paraît que le profil d’entrepreneurs qui a la plus haute probabilité de succès est le suivant: la quarantaine, de bons diplômes et une belle expérience professionnelle.
Dans tous les programmes mis en place, je vois rarement ce profil, en tous cas comme entrepreneur (je le vois surtout comme coach).
La raison me paraît simple: le risque est trop grand. Je pense qu’il faut réfléchir à des incitants pour que ce type de profil prenne le risque de quitter son gros job, son gros salaire et sa grosse sécurité pour mettre sa réputation et sa famille en péril. Pourquoi, par exemple, ne pas lui donner la même sécurité financière en cas d’échec de sa start-up que s’il est licencié par son employeur?
Après tout, pourquoi un employé serait-il mieux protéger qu’un entrepreneur?
Aujourd’hui, à part quelques inconscients romantiques, il faut être fou pour prendre une telle décision. On gaspille donc toutes ces belles énergies dans le middle management de multinationales souvent étrangères plutôt que de bâtir nos propres multinationales futures.
La politique actuelle est d’adosser les gens compétents en matière d’entrepreneuriat aux entrepreneurs en herbe, sous-entendu non compétents. Je pense que c’est dommage: il faut que les gens compétents entreprennent, pas qu’ils accompagnent! Mais vu qu’ils sont compétents et pas fous…
Le terreau
La meilleure source de financement d’une start-up, ce sont ses clients. Il faut générer du revenu, ou tout au moins, des ‘success stories’ de clients. Ce défi est d’autant plus grand en Belgique que le marché est (1) petit et (2) frileux (par rapport aux Etats-Unis ou même aux Pays-Bas, par exemple).
Je pense qu’il y a là un chantier prioritaire, à savoir: transformer tous les acheteurs de notre pays en promoteurs de l’innovation locale.
Il faut changer la perception du risque qu’il y aurait à acheter auprès d’une start-up locale. Il faut également inciter financièrement les achats auprès de start-ups locales. Fiscalement, que ce soit par le biais de subsides ou d’autres mécanismes.
Il faut en tout cas que les sociétés dépensent leur budget IT dans des proportions beaucoup plus grandes au profit des start-ups innovantes locales. Ces dernières doivent bien entendu viser également l’exportation – et des aides existent en la matière – mais notre marché local doit servir de rampe de lancement. Or, aujourd’hui, il faut parfois d’abord réussir à l’exportation avant de convaincre notre marché local. Ce n’est pas un terreau très propice.
L’arrosage
Sur les 3 start-ups auxquelles j’ai contribué (voir sa bio en fin d’article), je n’ai pas eu de problèmes majeurs avec le financement d’amorçage. Il y en a, et de plus en plus, tant mieux. Les deux soucis sont plutôt l’accès aux ressources humaines de qualité et l’accès au capital d’accélération.
Une start-up est plus fragile qu’une grande société. A ce titre, elle a besoin d’individus d’autant plus compétents. Or, il est difficile pour une start-up de concurrencer la grande société dans la guerre des talents. On retrouve là toute la frilosité belge vis-à-vis des start-ups. Le “glamour” des start-ups fait pâle figure face aux avantages de toute nature des grandes sociétés.
Une première mesure qui me paraît évidente est de supprimer la fiscalité sur les stock options à l’entrée, quitte à la mettre à la sortie, comme cela se fait partout. Les stock options sont en effet une source de valeur pour attirer des talents. Taxer l’octroi de stock options est totalement aberrant.
Une autre mesure possible serait une formule du style salaire net = coût société pour tous les recrutements opérés pendant les X premières années d’une société. Cette mesure permettrait:
- de supprimer toute une série de subsides qui servent finalement à faire la même chose (quand l’Etat finance 50 ou 75% d’un investissement, c’est la même chose que de renoncer à ce qu’il prélève sur le coût des recrues),
- de simplifier beaucoup de procédures,
- de supprimer l’arbitraire dans l’octroi des subsides,
- et de permettre aux start-ups de rivaliser avec les grandes sociétés pour attirer les talents.
Concernant le capital d’accélération [montants de 2 à 5 millions injectés lorsque la société a franchi certains seuils de viabilité mais évolue toujours dans des zones à haut risque], on devrait défiscaliser ce type d’investissement, comme on l’a fait pour la culture (tax shelter). On constaterait alors que la réserve d’investissement existe à profusion.
Cela permettrait d’augmenter les chances de garder chez nous les bonnes pépites et d’en faire des leaders qui rayonnent à l’international, depuis la Belgique, plutôt que de les voir se vendre pour pouvoir accrocher un train plus grand.
Aujourd’hui, le modèle prédominant de réussite d’une boîte IT, c’est de lancer sa société et de la revendre quand le besoin en financement idéal entre dans la zone de quelques millions. C’est là aussi quelque chose qu’on ne peut que regretter.
En résumé, la politique menée devrait favoriser l’émergence de leaders ayant des ambitions mondiales. Pour cela, il faut encourager les meilleurs entrepreneurs (potentiels ou confirmés) à se lancer et leur donner accès aux ressources humaines et financières qui leur procurent les meilleures chances de réussite.
Brève Bio
Francois Van Uffelen, ancien consultant en stratégie d’entreprise chez Andersen Consulting, est aujourd’hui à la tâte de Babelway, société créée en 2007 sous le nom de Babelgom, auteur d’une plate-forme EDI et e-facturation en mode SaaS.
Il a participé de près, depuis 1999, à la création ou gestion de trois start-ups Internet: Winbox (service combinant e-mail et GSM), société qui “ne s’est pas relevée du crash boursier d’avril 2000”, B2Boost (plate-forme collaborative entre professionnels du secteur du jeu vidéo) et Babelway. [ Retour au texte ]
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