Fin d’année dernière, on apprenait la fusion d’EasiWal, commissariat wallon à l’e-administration et à la simplification administrative, et de certains services du Cepige (Centre d’Expertise du Pilotage Informatique et du Gouvernement électronique) opérant au niveau de la Fédération Wallonie-Bruxelles (1). A noter que les premiers intéressés préfèrent parler de rapprochement que de fusion mais il y aura en effet bel et bien union et création d’une nouvelle entité, baptisée eWBS (e-Wallonie Bruxelles Simplification).
Raison de cette réorganisation: optimiser les moyens, tant financiers qu’humains, mis à disposition “pour rendre plus efficace le déploiement de projets de simplification administrative”.
Béatrice van Bastelaer et Oliver Schneider: “L’idée était de rapprocher les cellules e-gov de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie parce que les économies d’échelle étaient évidentes.”
A quelques semaines des débuts opérationnels de l’eWBS (d’ici la fin du premier semestre 2013), nous avons rencontré Béatrice van Bastelaer, encore à la tête d’EasiWal pour quelques semaines et
Oliver Schneider, jusqu’ici directeur général adjoint Exploitation à l’ETNIC et qui prendra la tête de la nouvelle entité.
L’eWBS sera bientôt opérationnelle, avec une nouvelle équipe. Pourriez-vous replacer la création de cet organisme dans son contexte et en brosser les objectifs et les perspectives?
Béatrice van Bastelaer: Il est avant tout important de souligner qu’Oliver Schneider devient non pas le nouveau commissaire d’EasiWal suite à mon départ mais bien le fonctionnaire dirigeant de l’eWBS. Même si, pendant quelques mois, il jouera un rôle ad interim pour des raisons pratiques. L’idée était de rapprocher les cellules e-gov de la Fédération Wallonie-Bruxelles et de la Wallonie parce que les économies d’échelle étaient évidentes. Pendant longtemps, l’une de nos fonctions [chez EasiWal] a été de développer ou d’acquérir des outils méthodologiques pour simplifier les formulaires, pour travailler sur les processus, pour faciliter les démarches. Il est potentiellement inefficace que les deux cellules opèrent chacune de leur côté, avec des risques de redite ou d’incohérence dans les décisions… Il y avait donc une partie transversale évidente, avec un intérêt évident de rapprocher les équipes.
Béatrice van Bastelaer: “Il était potentiellement inefficace que les deux cellules opèrent chacune de leur côté. Il y avait donc un intérêt évident de rapprocher les équipes.”
Ensuite, il ne s’agit pas réellement d’une fusion entre EasiWal et la Cellule de Simplification administrative du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles. C’est un rapprochement de la dimension simplification administrative et e-gouvernement dans les deux entités. L’objectif, déjà formulé dans la DPR [Déclaration de Politique Régionale], était de dire: il y a des choses qui fonctionnent bien, construisons et mutualisons la méthodologie, la dynamique, les réseaux, afin d’être plus efficaces ensemble. Si les dispositifs étaient différents, les problèmes et besoins, eux, sont les mêmes.
Oliver Schneider: Le fil conducteur de toutes ces réformes, avant même de parler de simplification administrative, est celui des changements institutionnels qui sont à l’oeuvre. De nouvelles compétences vont arriver en partie en Fédération Wallonie-Bruxelles, en partie vers la Wallonie. Il faudra faire au moins aussi bien qu’au niveau fédéral, avec des moyens qui ne seront peut-être pas les mêmes. L’enjeu de la modernisation de l’Etat est intimement lié au transfert de ces compétences. Si on veut pouvoir faire plus ou mieux avec moins, il faut moderniser.
Oliver Schneider: “L’enjeu de la modernisation de l’Etat est intimement lié au transfert des compétences [institutionnelles]. Si on veut pouvoir faire plus ou mieux avec moins, il faut moderniser.”Deuxième fil conducteur institutionnel: l’envie des synergies. Tâche complexe, notamment parce que Bruxelles est une Région bilingue. La nouvelle entité a pour nom e-Wallonie Bruxelles Simplification, un peu sur le même schéma que la Fédération Wallonie-Bruxelles. Il y a donc une volonté de synergie entre la Wallonie et la Fédération parce qu’on sent dans la vision du Ministre-Président une volonté de ne pas faire deux fois les mêmes choses dans les deux entités. Il faut optimiser l’affectation de moyens.
Au-delà, un autre fil conducteur est toute la question de la réforme de l’Etat. Les prochaines élections coïncideront pratiquement à la fin des mandats de l’équipe en place. Liée aux mandats, il y a aussi l‘idée de plan stratégique et opérationnel. C’est là une évolution assez fondamentale. On n’est pas en présence d’une série de Directions [des Administrations] qui répondent, chacune, à leurs priorités. Il y a une claire volonté d’aligner les diverses Directions selon un plan stratégique global, avec des Secrétaires généraux, tant du côté du SPW que de la Fédé, qui présentent des plans à long terme destinés à faire évoluer leurs structures. Dans ces plans, la modernisation est à toutes les pages. La simplification est toujours en filigrane.
Un contexte “simplification” en mutation
Aux yeux d’Oliver Schneider, ce nouveau contexte et la mutation, tant institutionnelle qu’opérationnelle, en cours modifient sensiblement la donne par rapport à la situation qui avait mené à la création d’EasiWal.
La simplification administrative s’inscrit en filigrane de tous les plans stratégiques et opérationnels.
Le contexte est fondamentalement différent. Lors des débuts d’EasiWal, il fallait mettre plus d’orientation “client” dans les services de l’Etat. Béatrice [van Bastelaer] a dû partir d’une page blanche et construire petit à petit toute une base de concepts, d’outils, d’accompagnement pour les Administrations. Aujourd’hui, l’une des différences vient de cette grande échéance: dans un an et demi, une nouvelle équipe de mandataires va devoir créer de nouveaux plans stratégiques sur base d’une nouvelle DPR [régionale ou communautaire]. Il faut penser à la modernisation de l’Etat dès aujourd’hui. Parce que dans un an et demi, tout devra aller assez vite. On n’aura que quelques mois pour mettre en oeuvre des plans qui devront être alignés les uns sur les autres.
Il y a donc un besoin, dans le chef des fonctionnaires généraux de bénéficier, très tôt dans le cycle, d’un accompagnement tel que celui que propose EasiWal.”
Dans quelle mesure est-il possible d’anticiper puisqu’on ne sait pas encore exactement comment seront distribuées et organisées les futures compétences et quels seront les moyens disponibles? Par ailleurs, il a été annoncé, voici quelques mois, qu’un certain tri dans les projets entamés serait nécessaire afin de “faire mieux avec moins”. Il faudra choisir, établir des priorités. Dans quelle mesure le choix de ces priorités est-il compatible avec la nécessité d’aller vite et de préparer le terrain?
Béatrice van Bastelaer: On travaille en parallèle. Nous sommes en train de finaliser la définition des projets transversaux prioritaires afin d’être prêts en 2014. Sur certains dossiers, 80% du travail a été accompli. Sur d’autres 50%. Ce travail de sélection concerne la finalisation de la législature 2009-2014. L’objectif est d’obtenir le plus de résultats possibles.
En parallèle, on prépare la suite, dans le cadre de la nouvelle structure eWBS qui s’inscrit à la fois dans le prolongement du travail accompli par EasiWal et qui se voit confier de nouvelle missions, notamment en raison du fait qu’eWBS est intégrée à la structure du Ministère, ce qui n’était pas le cas auparavant [avec EasiWal].
Oliver Schneider: Les Administrations, avec les réformes en cours, adoptent de plus en plus un positionnement de partenaire du politique. Dans toute une série de domaines, pas forcément politiques, la réflexion s’effectue surtout sous l’angle des prestations de services, de la manière d’organiser au mieux une prestation de services publics, avec le plus de valeur ajoutée possible pour le citoyen.
Un des grands défis et un facteur-clé de réussite d’eWBS se situe dans la capacité des Administrations à analyser leur propre métier, à poser un regard critique sur leur manière d’organiser et d’optimiser leurs prestations de services.
Oliver Schneider: “Un des grands défis et un facteur-clé de réussite d’eWBS se situe dans la capacité des Administrations à analyser leur propre métier, à poser un regard critique sur leur manière d’organiser et d’optimiser leurs prestations de services.”
Cette capacité est fondamentale pour le futur. Cette capacité à poser ce regard-là sur l’amélioration des prestations de services pourra alimenter le politique pour toute une série de projets pour la prochaine législature. Il y a moyen aujourd’hui de démultiplier fortement l’action Simplification portée par EasiWal. Pour ce faire, cela ne sert à rien de doubler les effectifs d’EasiWal. Il faut développer la capacité des Administrations à concevoir, formaliser et optimiser une prestation de services publics. La nouvelle structure commune est là pour les accompagner et pour accélérer le processus. On compte actuellement une vingtaine d’experts Simplification chez EasiWal. Demain, il faut des dizaines d’analystes métier compétents dans les Administrations qui, dès le début d’un projet de réglementation, dès le début de la mise en oeuvre d’une prestation de service public, vont intégrer des concepts tels que le principe de confiance, l’utilisation de sources authentiques, l’orientation client…
Le principe de confiance, à mes yeux, est symptomatique d’un changement culturel au sein de l’Administration. Penser que le citoyen ou l’entreprise est par définition un fraudeur, est-ce une bonne manière de percevoir, de communiquer vers les gens? Alors que c’est grâce à leurs impôts, aux moyens qu’ils nous donnent, que nous pouvons prester un service…
C’est toute une vision, une culture qui évolue. Il y aura certes toujours des personnes qui utiliseront la voie la moins taxée, la plus avantageuse. Il y a donc du contrôle à exercer, des règles à clarifier, mais le bénéficiaire du service public c’est le citoyen, l’entreprise, le non-marchand… On est là pour les soutenir à créer de la richesse, de la valeur ajoutée, à redéployer la Wallonie, dans une situation de crise qui est assez importante. Ce principe de confiance traduit une des manières dont le profond changement de culture traverse l’organisation publique.
Entre cette prise de conscience et la capacité effective de l’Administration à analyser le métier, à définir les prestations de manière optimale, quelle est aujourd’hui la situation sur le terrain? Sans vouloir ou pouvoir généraliser, l’Administration est-elle en mesure de le faire? En quoi consistera le rôle de l’eWBS pour les accompagner et les aider?
Oliver Schneider: Je crois que la capacité de l’Administration à poser un regard prospectif et critique sur son activité a fortement augmenté ces dernières années. Même s’il n’est peut-être pas encore perceptible, pour le citoyen, comme moi je le perçois dans le cadre de mes fonctions. Il y a 5 ans, quand on parlait de structure projet, de gouvernance de projet, de portefeuille de projet, de gestion des risques, de gestion de la qualité, chez beaucoup, ces mots étaient nouveaux. Aujourd’hui, il est extrêmement rare dans les milieux dirigeants des Administrations de rencontrer des gens qui n’aient pas une connaissance ne fut-ce que minimale de la manière gérer des priorités dans un processus de projet.
Créer des catalogues de services, optimiser des processus sont des corpus d’expériences et de compétences qui commencent à percoler mais avec des freins. Des freins qui sont en partie liés à la gestion des carrières. Les modernisations en cours vont dans le bon sens et il faudra les renforcer.
Il est aujourd’hui possible d’attirer des informaticiens à des salaires qui commencent à être suffisamment attrayants pour avoir des gens qui maîtrisent les technologies. Je ne suis pas sûr toutefois qu’on ait déjà, à niveaux de compétences identiques (optimisation de processus, conception de catalogue de services…), les mêmes possibilités de carrière [que dans le privé].
C’est là un facteur-clé de réussite pour l’Administration, mais qui repose encore sur les volontés individuelles, sans possibilité d’évoluer avec toute la souplesse qu’on pourrait espérer. L’organisation n’a pas encore terminé sa mue.
Grâce à la nouvelle Ecole d’administration publique, les futurs gestionnaires de l’Etat vont avoir un corpus commun de cours avec des matières qui vont dans ce sens-là.
Oliver Schneider: “Il y a, aujourd’hui, au sein de l’Administration une capacité plus importante que le citoyen moyen peut percevoir. mais c’est basé encore fortement chez certains sur la bonne volonté.”
L’eWBS se positionne comme un partenaire sur lequel les Administrations peuvent se reposer pour accélérer la mise en oeuvre du changement, en apportant aux mandataires les compétences-clé: spécialistes des processus métier, de gestion de projets, analystes métier, juristes, spécialistes de la gestion du changement. Des équipes pluridisciplinaires se constituent autour de projets-phare, prioritaires. Le chef d’orchestre, ce n’est pas eWBS mais le mandataire. Par contre, la méthodologie et le soutien doivent venir de l’eWBS.
Dans la deuxième partie de cette interview, Béatrice van Bastelaer et Oliver Schneider évoquent, entre autre sujet, l’inclusion de l’eWBS dans la structure de l’Administration (et l’impact que cela pourrait avoir) et la question des compétences métier (gestion, IT, aide à la simpliciation) des fonctionnaires et mandataires.
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(1) Du côté de la Cellule de Simplification administrative du Ministère de la Fédération Wallonie-Bruxelles, les services concernés par ce rapprochement sont ceux chargés du développement d’outils de simplification administrative et de gouvernance informatique visant à “faciliter les échanges avec ses usagers et le travail des agents de l’Administration” et de la mise en place (en collaboration avec l’ETNIC) d’une “base de données commune relative à la gestion des données signalétiques des tiers en relation avec les services du Ministère” (Banque Carrefour d’ Echange de Donnés). Non concernés, par contre, par le rapprochement des deux organismes: le service Informatique du Cepige chargé des développements et de la gestion de l’informatique administrative publique (homologue du DTIC wallon).
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