27 ans que Pierre de Muelenaere est à la tête d’IRIS et un peu moins d’un an qu’il se retrouve intégré au groupe Canon. Il y a en effet neuf mois, Canon lançait une OPA amicale afin de prendre totalement le contrôle de la société néolouvaniste spécialisée dans la numérisation de documents et la dématérialisation de la gestion de processus.
L’opération se clôturait en juillet 2013.
Aujourd’hui, IRIS évolue donc comme une “entité indépendante” au sein du groupe japonais. Quels contours exacts prend – ou prendra – cette “indépendance”? Quelle influence l’actionnaire japonais exerce-t-il sur l’orientation de la société? Quel impact a déjà eu l’acquisition sur le quotidien de la société belge? Autant de questions qui brûlent évidemment les lèvres et auxquelles IRIS ne peut encore donner forcément de réponse.
“L’acquisition par Canon est une énorme opportunité pour développer nos activités plus rapidement mais il est encore trop tôt pour parler de gros changements.” Voilà en substance ce que Pierre de Muelenaere s’autorisait à déclarer lors de l’événement IRISlink (journée internationale des utilisateurs et partenaires) qui s’est déroulé cette semaine à Bruxelles.
Nous avons voulu en savoir – un peu – plus.
Régional-IT: Vous restez très discret lorsque l’on vous demande de parler des effets de l’acquisition par Canon. Pouvez-vous malgré tout donner quelques exemples concrets d’impact à ce jour?
L’accès à cette interview est réservé à nos abonnés. Vous y découvrirez notamment la manière dont IRIS parlemente avec son nouvel actionnaire pour décider des orientations stratégiques, la pression que met ou mettra Canon sur la société belge pour progresser plus vite, pour développer davantage tel ou tel produit, telle ou telle technologie…
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Pierre de Muelenaere: Le partenariat commercial avec Canon s’est renforcé. Preuve en est que nos ventes conjointes ont progressé de 60% en 2013. C’est une preuve de complémentarité. L’arrivée de plusieurs nouveaux produits prouvent bien notre intégration dans l’écosystème Canon. Un autre changement se situe du côté de ces passerelles que nous jetons entre l’input management et l’output management. Désormais les clients peuvent trouver auprès d’un seul fournisseur une solution intégrée de bout en bout. avec un seul système de workflow, un seul SLA, un seul contrat, une seule équipe de support. Avec, qui plus est, une solution technologiquement unique en son genre.
[Ndlr: il fait notamment référence à l’intégration réalisée entre IRIS Cloud OCR et les systèmes MFP de Canon. Le même schéma d’intégration et de démarche conjointe se reproduit en matière de services d’externalisation, où IRIS Professional Solutions a mené quelques projets en commun avec Canon Business Services]
Vous vous concentrez donc, pour l’instant, sur de l’intégration…
Nous travaillons en effet à des solutions plus intégrées, qui offrent une chaîne de traitement complète. Et cela représente beaucoup de travail. L’intégration, en soit, est un projet de développement. On peut innover aussi en combinant ou consolidant les fonctionnalités…
Ce qui ne veut pas dire que nous ne faisions plus d’innovation et de R&D avancée. Nous avons par exemple finalisé le développement d’un système de reconnaissance amélioré pour les langues asiatiques. Un projet qui a exigé plusieurs années de R&D [Ndlr: et qui a été partiellement financé par la Région wallonne, via la DGO6]. Idem pour le développement de nouvelles applications mobiles.
En matière de R&D et d’innovation, quel impact a l’acquisition de Canon? Sont-ils à la manoeuvre pour les décisions et les orientations à prendre?
Il est clair que nous serons poussés dans le dos pour développer plus vite et mieux. Canon identifie, dans ce que nous faisons ou dans ce que nous leur proposons, des concepts qu’ils trouvent particulièrement intéressants et sur lesquels ils ont eux-mêmes un avis précis.
Canon vous procure-t-il alors de nouveaux moyens ou devez-vous opérer sur base de vos propres ressources ou de celles que vous pouvez éventuellement trouver en dehors de la société?
IRIS fonctionne sur ses propres moyens. La société a confirmé sa rentabilité en 2013 et a augmenté sa trésorerie. Mais peut-être qu’on se dirige vers un souci avec ce modèle. Il est clair que la volonté sera exprimée, à un moment donné, d’avancer plus vite parce que nous avons d’autres ambitions. Il est possible, alors, qu’une discussion s’engage avec notre nouvel actionnaire…
Pierre de Muelenaere: Entre IRIS et Canon, les décisions stratégiques “se règlent via consensus. On choisit la meilleure idée…”
Y a-t-il homogénéité de vues de la part d’IRIS et de Canon en termes de décisions stratégiques à prendre?
IRIS demeure une société indépendante avec Canon présente, comme c’était déjà le cas auparavant, au conseil d’administration. Bien entendu, étant désormais le seul actionnaire, c’est son intérêt qui joue à fond. Mais Canon et IRIS sont en réalité des sociétés très semblables. Que ce soit dans la manière d’envisager l’usage de la trésorerie, de prendre des décisions malgré tout prudentes tout en favorisant l’innovation.
A cet égard, nous portons le même projet. Le pouvoir de décision est du côté de Canon mais IRIS, pour sa part, doit proposer des projets, des plans, de l’innovation. Le tout se règle via consensus. On choisit la meilleure idée…
L’un des avantages de l’acquisition, que vous avez évoqués dès le départ, est la possibilité pour IRIS de croître plus rapidement et de réussir une plus forte pénétration à l’international. Un effet concret s’est-il déjà manifesté en la matière?
Nous sommes par exemple encore un petit acteur sur les marchés asiatiques mais, grâce à l’acquisition par Canon, nous avons de bonnes raisons de croire que notre pénétration sera accélérée. Le premier effet qui s’est concrétisé en 2013 est cette augmentation de 60% des ventes conjointes, qui s’est surtout manifestée dans des territoires internationaux où nous étions moins forts.
Ce qui est très intéressant pour nous en intégrant le groupe Canon est la capacité de R&D qui le caractérise [Ndlr: deux chiffres à titre d’exemples. 8,7% du chiffre d’affaires, soit 3,04 milliards de dollars, ont été réinvestis en R&D en 2012 et 3.174 brevets ont été déposés dans le courant 2012].
Pour moi, ce projet d’acquisition a toujours été très rafraîchissant en ce sens que Canon a des équipes dans des secteurs qui sont complémentaires par rapport au positionnement d’IRIS mais qu’il est un poids lourd dans ces secteurs complémentaires. Intégration et innovation conjointe ont donc un sens et nous permettent de réaliser des choses qu’on n’aurait jamais pu faire seuls.
Pouvez-vous donner une indication sur les orientations futures, en termes de priorités de développement?
Plusieurs projets sont en cours de discussion. En termes de priorités technologiques et d’innovation, je ne peux que répéter que, dès le départ, l’acquisition d’IRIS a été pensée comme un projet de collaboration technologique.
Pour en revenir à la pénétration à l’international, comment comptez-vous procéder? En utilisant les implantations de Canon, ou en ouvrant de nouvelles filiales? Comment Canon intègre-t-elle les produits IRIS dans son catalogue?
La géographie de notre pénétration à l’international varie selon le type de produits. Les produits qui, dans certaines géographies, étaient mal représentés le sont désormais mieux grâce à Canon. Les décisions se prendront donc au cas par cas, en fonction des produits. Il est possible que nous ouvrions de nouveaux bureaux. Certains produits ne sont pas “poussés” commercialement par Canon.
Lesquels et pourquoi?
Canon vend avant tout des scanners, des copieurs et des logiciels de gestion destinés à ces solutions. Ces ventes sont destinées à différentes catégories de clients. Aux yeux de Canon, les produits IRIS sont intéressants si leurs équipes ont les compétences et les ressources nécessaires pour les vendre.
Pour nous, le potentiel commercial de Canon est par exemple plus intéressant dans le registre PME. Nous nous concentrons davantage sur les grandes entreprises ou le secteur public. Nous adresser aux PME impliquerait de devoir couvrir beaucoup plus de terrain, une gestion plus lourde. Nous n’avons pas les ressources pour le faire. Canon est donc une solution plus logique.
Passer par Canon a donc surtout du sens pour des solutions destinées davantage aux PME et dans des territoires géographiques où les équipes Canon ont suffisamment de “bande passante”.
Canon vous poussera-t-il davantage du côté produits grand public ou pour une progression du côté corporate?
Notre business a fortement évolué au cours de ces 10 à 15 dernières années. En 1998, nos activités grand public et corporate étaient encore à égalité. Aujourd’hui, la majorité du chiffre d’affaires d’IRIS vient du corporate – même si le volet consumers continue de progresser. Mais la valeur unitaire des solutions corporate et l’effet de récurrence font clairement pencher la balance de ce côté-là. Pour ce qui est de Canon, il est clair que sa dynamique sera de nous faire poursuivre notre croissance sur le marché corporate. Nous serons beaucoup plus poussés à travailler dans le corporate et à assurer encore plus de qualité dans nos développements et solutions.
A cet égard, l’acquisition pour Canon n’est pas uniquement une grosse opportunité commerciale et technologique mais aussi une incitation à adopter les bons côtés de la R&D japonaise, avec son obsession de la qualité.
Y a-t-il ou y aura-t-il des équipes R&D conjointes entre IRIS et Canon?
Certains projets seront mis en oeuvre conjointement. Canon possède des équipes de R&D à la fois en Europe et au Japon. Ma vision est de dire que nous travaillons déjà avec des équipes R&D européennes de Canon. Demain, nous ferons de même avec des équipes japonaises.
Une dernière question plus personnelle. Comment voyez-vous votre place et votre avenir, en tant que patron d’une société désormais intégrée au groupe Canon?
J’ai porté ce rapprochement dès le départ et l’ai totalement soutenu. Le choix a été dicté par une compatibilité de ce qu’est Canon, à la fois avec ce que je suis et ce qu’est IRIS. Une compatibilité qu’on ne rencontre que rarement, que ce soit avec d’autres sociétés japonaises ou américaines. Le rapprochement est intéressant pour les équipes d’IRIS et pour la société.
Mon but, désormais, est de réaliser le projet technologique et d’assurer le développement des futures générations. D’assurer le long terme de la société. En rejoignant le groupe Canon, nous sommes passés à la vitesse supérieure, nous a conféré un cadre international. J’ai également appris de cette acquisition.
Je n’ai pas l’intention de changer quoi que ce soit à ma situation actuelle. Ce qui ne veut pas dire que je serai là ad vitam eternam…
Pierre de Muelenaere ne se sent pas non plus poussé vers la sortie. La manière dont il semble envisager son avenir est donc de poursuivre un temps à la tête de la société qu’il a créée, avant de penser à un chapitre moins professionnel de sa vie.
Quelques chiffres 2013
Désormais intégrée au groupe Canon, IRIS ne publie plus ses résultats spécifiques. Les dirigeants de la société ont toutefois donné quelques indications sur les progressions réalisées en 2013:
- ventes conjointes avec Canon: + 60%
- ventes européennes de la solution d’extraction, traitement et orchestration de documents IRIS Xtract: 252 installations, soit une augmentation de 90%
- services d’outsourcing IT: + 40%
- connexions entre solutions IRIS et systèmes MFP: + 30%
- ventes de l’IRIScan Mouse (lancée voici un an): 50.000 exemplaires
- budget R&D 2013: 6 millions d’euros
- nombre de brevets déposés en 2013: 13
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