Zonings wallons: le Très Haut Débit est annoncé avec un retard de…

Hors-cadre
Par · 09/08/2017

Les zonings, PAE et ZAE (parcs et zones d’activités économiques) sont en principe parmi les prioritaires dans le plan d’aménagement et d’équipement du territoire en (T)HD [lisez: (très) haut débit]. Quelle est la situation actuelle? Au-delà des beaux discours et promesses (celles venant des initiateurs du Plan du numérique mais aussi celles des opérateurs), quelle est la réalité et quelles sont les perspectives? La fibre sera-t-elle généralisée? Le VDSL est-il suffisant? Quel type de relations, de dialogue, existe-t-il actuellement avec les opérateurs telco? Où en est-on alors que se prépare (ou de se préparait) au niveau de la Région un projet de densification et d’optimisation de la connectivité fibre? Petit état des lieux en attendant des décisions régionales.

Cartographie nécessaire

Comment se présente le paysage des connexions? Quelles sont les zones bien desservies et celles qui doivent encore se contenter de débits flemmards? L’exercice de cartographie de la situation existante était devenue plus que nécessaire.

C’est l’Agence du Numérique (AdN) qui s’y est collée. Pas superflu parce que, même au niveau des intercommunales responsables de l’aménagement des parcs d’activités, on ne sait pas très bien quelles capacités de connexion sont ou non présentes. Notamment “parce qu’on ne sait pas toujours qui a placé quoi depuis l’ouverture d’un parc”, souligne-t-on chez Idelux.

“La cartographie n’a pas été réactualisée. Et pour ce qui est de la présence aux alentours d’infrastructures haut débit, on est dans l’impasse parce que les opérateurs ne désirent pas fournir d’informations sur leur infrastructure ou donner plus d’informations sur leurs projets…” Trop “stratégique” !

Raison pour laquelle, dans la perspective d’un sérieux coup de reins impulsé par la Région, dans le cadre du Plan Marshall et du Plan numérique, pour faire des PAE et ZAE (parcs et zones d’activités économiques) des espaces enfin équipés en THD, mission a été donnée à l’Agence du Numérique de dresser une cartographie la plus précise possible (desserte, points d’accès, boucle locale, côtés de rue câblés…), en se basant notamment sur les informations livrées par les opérateurs telco.

Amener ces derniers à fournir ces informations détaillées n’a pas été des plus simples mais l’exercice est aujourd’hui bouclé. Et servira d’instrument de travail et de décision pour élaborer le plan d’équipement du territoire en THD et définir la stratégie d’investissement de la Sofico ainsi que les priorités données par les instances publiques.

On y était presque (?)

Où en est-on à cet égard? Le dossier devait être discuté lors de l’une des dernières sessions du gouvernement, avant les congés. “Devait” puisqu’entre-temps le cdH a débranché la prise et provoqué un gel des dossiers.

L’AdN avait transmis la cartographie, la Sofico avait fait des propositions, sur base de la nature des connexions, le taux d’attractivité des parcs d’activités économiques, l’analyse des opportunités…

A la mi-juin, la proposition d’investissements des investisseurs avait été validée (même si les détails devaient encore être examinés).

Restait à préciser le volet financier: analyse des besoins, selon les priorités, le nombre de zonings à équiper, de l’intervention de la Sofico… Et faire passer le projet en réunion du gouvernement.

L’avenir dira comment la nouvelle majorité se saisit du dossier.

Réalité de terrain

Si la cartographie officielle concoctée par l’AdN reste donc pour l’instant discrètement rangée dans les tiroirs, que sait-on déjà de la situation sur le terrain?

Prenons un petit exemple. En Hainaut, sur le territoire qui relève des compétences de l’intercommunale IDEA, environ 75% des zonings disposent de connexions haut débit (VDSL ou fibre optique). La fibre représente actuellement environ 33% de la desserte très haut débit.

Si l’on pose la même question à Proximus, la réponse est quelque peu plus vague. “Il y a fort peu de parcs d’activités, quelques pour-cents, où la fibre n’arrive pas jusqu’à l’entrée du parc. Et là où il y a de la fibre, il y a d’office du VDSL.” Plus de détails sur les plans d’équipement futur  et les paramètres retenus par Proximus dans la deuxième partie de cet article, à paraître demain.

“A cela s’ajoute le fait que des connexions point-à-point [en connexion dédiée, non partagée] existent avec des entreprises dans environ 90% des zonings belges”, indique Laurent De Meutter, directeur Fibre entreprise chez Proximus.

Evidemment, le tarif n’est pas le même: de 65 à 95 euros par mois pour une connexion partagée; de 300 à plus de 1.000 euros pour du point-à-point…


A relire, la tribune de Damien Jacob “Les PME, oubliées du (très) haut débit?”. 


Mais même lorsque la fibre connecte un parc, cela ne signifie pas pour autant que toutes les sociétés du zoning en disposent. En effet, le “gros tuyau” s’arrête parfois au périmètre du parc ou à l’“armoire de rue” (ROP- Remote Optical Platform). Il arrive parfois (voire souvent dans certains parcs plus anciens) que seules les premières sociétés implantées ou celles se situant le plus près du point d’entrée disposent du THD.

Taux de couverture en Internet haut débit de la Wallonie (Source: IBPT – 2016)

Les autres doivent prendre leur mal en patience, attendre le bon vouloir de l’opérateur – s’il estime que l’investissement à consentir pour “booster” le débit en vaut la chandelle [lisez: que l’investissement sera rentable]. Le sentiment, assez généralisé, en la matière est que les investissements pour densifier l’équipement à l’intérieur des parcs “traînent” – un terme choisi diplomatiquement par les opérateurs de développement économique que nous avons contacté.

Quand ils sont sollicités pour desservir des sociétés demandeuses, il arrive que les opérateurs (nous ne pointerons aucun d’entre eux en particulier…) fassent preuve de mauvaise foi. Un exemple cité par IDEA. A la demande d’une société qui demandait une desserte en fibre, le responsable du telco a prétendu que le zoning en question n’était pas équipé en fibre et que la demande ne pouvait donc pas être exaucée. Problème: ce zoning, c’est celui qui est juste en face d’un certain… Google, à quelques kilomètres de Mons !

En faisant remonter la demande à la (haute) direction de l’opérateur via l’intercommunale, la société a eu gain de cause. Mais on croit rêver…

En dépit des promesses et des annonces faites (notamment du côté de Proximus), “les travaux n’avancent pas vite”, estime Geneviève Finet, chef du service Développement économique à l’intercommunale IDEA. “Et on ne peut pas rejeter la faute sur les communes. On a en effet pu constater que cela bloquait aussi du côté de communes où les autorisations d’occupation du domaine public sont octroyées rapidement…”

Ce fameux nerf de la guerre…

Quels investissements de la part des opérateurs? Quelle stratégie mènent-ils (réellement)? Quelle est leur volonté d’investissement?

Proximus est généralement perçu comme étant l’opérateur le plus proactif et le plus “présent” (en raison de son degré de couverture du territoire). Un héritage de son passé, lorsqu’il était hégémonique. Les autres opérateurs (Voo, Sofico, SNCB, Fluxys, Elia…) sont moins à nettement moins bien implantés. Et même lorsque la proximité de la fibre se chiffre à quelques kilomètres, c’est souvent assez pour ne pas “tirer” une nouvelle ligne pour connecter un zoning. Exemple en province du Luxembourg. “A Gouvy”, souligne-t-on chez Idelux, certaines lignes passent à 2 kilomètres mais les opérateurs ne vont pas tirer un câble pour une seule ou une poignée de sociétés…” Surtout, évidemment, si ces sociétés ne sont pas clientes chez eux pour des services facturables !

Mais le fait que Proximus soit le “plus présent’ ne veut pas pour autant dire que la satisfaction soit entière, loin de là.

L’intercommunale IDEA, par exemple, dit avoir une réunion annuelle avec Proximus, “pour faire le point sur les nouveaux zonings ou les extensions de zonings”. Est-ce suffisant? La réponse est oui. Mais ce oui n’est justifié que… par la lenteur des autres procédures qui caractérisent le moindre aménagement d’un zoning: longs délais de décision et surtout de réalisation.

“Nous voudrions certes rencontrer les opérateurs plus souvent mais il faudrait alors que les procédures puissent, elles aussi, être accélérées”, souligne Geneviève Finet de l’intercommunale Idea.

Il arrive aussi – trop souvent – que le dialogue ressemble à un dialogue de sourds, estime-t-elle. “Les personnes déléguées sur le terrain par Proximus ne viennent pas avec des solutions qui satisfont les entreprises. Nous devons alors actionner certains leviers en contactant directement la direction de l’opérateur.”

Souvent encore, les intercommunales doivent recourir à un petit discours du genre “donnant-donnant”. “Nous prévenons systématiquement les opérateurs du lancement de travaux [ouvertures de tranchées] par les impétrants.” C’est d’ailleurs obligatoire, pour eux, depuis une décision gouvernementale de fin 2015.

Le discours tenu aux opérateurs est dès lors du genre “profitez-en, sinon, si vous venez plus tard, ce sera à vous de supporter les coûts.” Problème: cet argument peut aussi être utilisé à contre-courant et avec une certaine mauvaise foi par ces mêmes opérateurs pour expliquer que cela leur coûte justement trop cher de desservir certaines zones…

Dans la deuxième partie de cet article consacré au Très Haut Débit pour zones d’activités économiques, nous nous concentrerons plus spécifiquement sur la question de son financement et des critères de décision que retiennent les opérateurs pour se lancer ou non, dans l’état actuel des choses, dans l’extension de leur desserte en fibre. Les conditions, modalités et doses de volontarisme pourraient toutefois évoluer à l’avenir, lorsque le gouvernement wallon aura défini son plan d’aménagement et d’équipement du territoire en THD.