Une enquête de l’UCM le confirme: les TPE et les jeunes entreprises (moins de 3 ans) sont les principales “mal-aimées” des banques lorsqu’il s’agit d’octroyer des crédits bancaires. Et ce, tous secteurs confondus mais avec des difficultés encore plus prononcées dans des domaines “à haut risque” – et le high-tech en est un. L’UCM plaide pour la prise de diverses mesures, parmi lesquelles la mobilisation de l’épargne, des incitants fiscaux pour les prêts privés, et une professionnalisation de l’analyse des dossiers.
Entre octobre et novembre 2014, l’UCM a réalisé auprès de quelque 1.280 PME (voir méthodologie en fin d’article) une enquête visant à évaluer la situation des PME et indépendants francophones (bruxellois et wallons) en termes d’accès au financement.
Même si les pourcentages sont en (léger) recul, la banque reste la source principale de financement (ou de demande de financement) pour les PME. Mais les conditions d’octroi de prêts et crédits se font plus strictes. En cela, les résultats de l’enquête de l’UCM viennent confirmer une tendance déjà largement constatée.
Dans les faits – et les chiffres -, l’enquête de l’UCM révèle par exemple ce qui suit:
- 68,4% des entrepreneurs se tournent vers les banques pour leur financement (prêt, crédit d’investissement).
- 30,1% se tournent vers du financement privé – le fameux “3F” (family, friends, fools); ce pourcentage grimpe même à 44,2% pour les jeunes sociétés (moins de 5 ans). Ce recours au financement privé est en progression, en ce compris du côté des sociétés plus anciennes.
- 10% se tournent vers des outils publics (prêts, garanties, prise de participation) auprès d’organismes tels que la Sowalfin, BruStart ou des invests. Le pourcentage de jeunes sociétés (moins de 3 ans) qui se tournent vers ces instruments publics est légèrement supérieur: 13%. D’une manière générale, ces “outils” publics sont appréciés par les entrepreneurs qui les jugent “utiles à très utiles”. Parmi les instruments qui ont particulièrement la cote: les outils de garantie et de cofinancement.
Dures à convaincre
42,4% des entreprises interrogées – et même 47,2% des jeunes sociétés – disent avoir rencontré des difficultés de financement auprès des banques au cours des 5 dernières années. Certaines ont reçu une fin de non recevoir: leur dossier a été carrément repoussé (24%). D’autres ont été déçues, le financement obtenu n’ayant pas répondu aux attentes ou besoins (19%).
Des dossiers de demande de financement trop rarement évalués pour leur qualité objectif.
Depuis son entrée en vigueur, en 2014, la loi sur le financement des PME impose aux banques de justifier le refus d’un financement. Il est donc devenu plus facile d’en analyser les raisons (même si 20% des entrepreneurs interrogés se plaignent encore de n’avoir reçu aucune explication).
Principale raison invoquée par les banques: l’insuffisance de l’apport de garantie (40,1%), suivie par un manque d’apport de fonds propres (30,5%).
Chose étonnante relevée par les auteurs de l’étude: la qualité du projet ou la rentabilité de l’entreprise ne sont cités que dans moins d’un cas sur cinq (18,3%) pour justifier le refus de financement.
Ce qui fait dire à l’UCM: “c’est là une chose étonnante puisque c’est ce facteur qui devrait être déterminant dans les décisions d’octroi ou de refus de crédit.”
“Les banques se sont inscrites dans un schéma quasi-binaire”, déclare Philippe Godfroid, président de l’UCM. “Elles évaluent les dossiers des PME et TPE de manière binaire, confiant quasiment l’évaluation à un scoring automatique”, confirme Jonathan Lesceux, conseiller. Et dans les paramètres d’évaluation, pondérés selon leurs propres critères, ce sont essentiellement les points suivants qui pèsent dans la balance: existence d’une garantie suffisante, expérience, âge, probabilité de faillite (sur base de la moyenne du secteur).
Une vue précise, documentée, sur chaque secteur n’est pas possible mais, “de manière non officielle, il semble bien que dans le secteur horeca et des petits commerces, il est quasi impossible d’obtenir quoi que ce soit”, témoigne Christine Lhoste, secrétaire générale de l’UCM.
Et le secteur high-tech, considéré comme à haut risque – surtout si le projet est porté par un jeune sans expérience ni “passé” bancaire – n’est pas mieux loti. Et tant pis si l’idée est originale, porteuse et pourrait déboucher sur la naissance d’une “pépite”…
Recommandations
La première priorité épinglée par l’UCM concerne les TPE et les start-ups, particulièrement pénalisées dans leurs recherches de financements bancaires.
Si l’obtention de fonds est plus difficile (essentiellement auprès des banques), la seule façon – fort logiquement – pour les entrepreneurs de se financer est de se tourner vers d’autres sources, qui constitueront des suppléments, voire des palliatifs. Il faut donc promouvoir le financement privé, le crowdsourcing…
14% des entrepreneurs interrogés par l’UCM voient ainsi dans le développement (accentué) des plates-formes de crowdfunding une mesure à promouvoir pour faciliter leurs modes de financement. Ce financement participatif demeure encore fort modeste, chez nous, mobilisant encore peu de moyens.
L’UCM estime d’ailleurs que si le relèvement du plafond (300.000 euros au lieu de 100.000) pour les levées de fonds ne nécessitant pas le dépôt d’un prospectus devant être approuvé par la FSMA est une bonne chose, la limitation à quelques centaines d’euros de chaque apport individuel est un frein qu’il faudrait éliminer.
“Dégeler” les banques
“Même si le nombre de dossiers (nouveaux projets) a chuté, cette diminution n’est pas aussi importante que l’augmentation de la difficulté qu’il y a à convaincre un banquier”, dit-on à l’UCM. Il y a clairement une gross frilosité et trop de focalisation sur l’apport de garanties.
Par ailleurs, il n’y a jamais eu autant d’argent sur les comptes d’épargne. Il s’agit donc de la mobiliser. En facilitant les conditions d’investissement dans l’économie réelle pour les particuliers et en infirmant l’argument majeur des banques (insuffisance des garanties).
“Les banques parlent de manque de garanties ou d’insuffisance d’apport de fonds propres. Mais pourquoi n’activent-elles pas plus systématiquement les outils publics existant auprès de la Sowalfin ou de BruStart, qui sont justement là pour apporter ces garanties?”, s’interroge Christine Lhoste. Il y a là, selon elle, une piste à privilégier à l’avenir.
Incitants fiscaux pour prêts privés
En Flandre, les autorités publiques, via l’Agentschap Ondernemen, octroient un crédit d’impôt (2,5%) sur le montant emprunté et une garantie de 30% sur les sommes prêtées.
Le principe du programme “Winwinlening” (“prêt gagnant-gagnant”)? Pendant une période de 8 ans, un proche d’un entrepreneur (ami, membre de la famille, connaissance) qui investit dans sa société obtient un crédit d’impôt et, en cas d’incapacité de remboursement du bénéficiaire, un recouvrement d’impôt.
Hauteur maximale de l’investissement par prêteur: 50.000 euros. Montant maximal qu’un entrepreneur peut récolter via ce canal: 200.000 euros.
Plus d’informations sur le site de l’Agentschap Ondernemen.
La mise en place, en Wallonie et à Bruxelles, d’incitants fiscaux qui favoriseraient ou faciliteraient les prêts privés est une vieille revendication, souligne l’UCM. “Pourquoi ne pas s’inspirer de ce qui existe en Flandre (“Winwinlening”) ou aux Pays-Bas (prêt “Tante Agathe”)? [voir encadre ci-contre] Cela permet de garantir des conditions avantageuses pour les investisseurs privés.”
Ce genre de solution doit certes être encadrée, reconnaît Christine Lhoste, afin d’éviter dérapages et abus. “Mais pourquoi ne pas conditionner ce genre d’avantages, par exemple, au dépôt d’un business plan qui aurait été établi par un professionnel de l’accompagnement? Peut-être certaines plates-formes, telles EuroQuity [Ndlr: la Sowalfin a adhéré à cette plate-forme qui opère déjà en France et en Allemagne], qui se mettent en place en Wallonie pourraient-elles servir de base pour ce genre de programme…”
L’étude de l’UCM ne fait nulle part allusion aux business angels. “Parce que ces acteurs interviennent (essentiellement) pour des montants supérieurs et se concentrent sur le high-tech. Néanmoins”, déclare Christine Lhoste, “des plans futurs visant à apporter des avantages aux investissements privés pourraient éventuellement les inciter à investir dans d’autres types de projet…”
Publier les données
Rendre publiques les données sur les conditions de financement des PME – et, plus particulièrement, celui des TPE et des starters – permettrait de se faire une idée plus précise, non seulement des conditions qu’octroient ou des critères qu’appliquent les banques, mais aussi de savoir “quelle banque finance plus volontiers tel ou tel type d’entreprise”, déclare Christine Lhoste. De même, la publication des dossiers de financement et des raisons de refus de dossier permettrait aussi de mieux identifier les secteurs d’activités, types d’entreprises ou “profils” d’entrepreneurs qui donnent des boutons aux banques…
Améliorer l’analyse des dossiers
Lors de l’enquête de l’UCM, 48% (“seulement”, pourrait-on dire) des entrepreneurs interrogés ont estimé que leur banque avait bien compris la teneur de leur dossier ou des activités de l’entreprise. “Les banques comprennent relativement peu les projets qu’on leur soumet. Ce qui explique en partie qu’elles se basent sur d’autres critères pour l’évaluer.”
L’une des demandes de l’UCM est dès lors de militer pour la mise en oeuvre de bonnes (ou meilleures) pratiques pour “un examen approfondi des petits dossiers.”
“Les banques comprennent relativement peu les projets qu’on leur soumet.”
Autre mesure préconisée qui vient compléter cette demande: le renforcement des conseils au montage des dossiers de financement. Mais là, ce sont les pouvoirs publics qui sont visés. A eux aussi de “mieux faire connaître les outils de garantie et de cofinancement qu’ils proposent.”
Plus les entrepreneurs auront conscience de leur existence, plus ils pourront y faire appel et/ou “rappeler” à leur banquier que lui-même a à sa disposition un instrument garantissant ses prêts…
12% des entrepreneurs interrogés par l’UCM se disent d’ailleurs partisans d’un renforcement de ces outils publics.
Méthodologie de l’enquête de l’UCM
1.280 entrepreneurs interrogées, via formulaire électronique, entre le 20 octobre et le 7 novembre 2014.
Panel: PME, TPE et indépendants bruxellois et wallons, tous secteurs d’activités confondus.
Taille de sociétés:
- 91,8% de TPE (sociétés de moins de 10 personnes/ETP)
- 5% petites PME (10 à 20 personnes)
- 3% de PME employant de 20 à 50 personnes
- 0,6% de sociétés de plus de 50 personnes
Âge des entreprises:
- moins de 3 ans: 34%
- de 3 à 5 ans: 10%
- de 5 à 9 ans: 13%
- entre 10 et 20 ans: 18%
- plus de 20 ans: 25% [ Retour au texte ]
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