Start-ups: “imaginez plus astucieusement votre identité”

Hors-cadre
Par Carl-Alexandre Robyn · 05/02/2019

La “marque employeur”, élément-clé pour faire la différence auprès des candidats, est le fruit de l’interaction de trois dimensions: 1) l’identité employeur ; 2) l’image employeur (auprès des collaborateurs) ; 3) la réputation employeur (vers l’extérieur).

Pour une jeune pousse dont l’équipe n’est ni rodée, ni complète : l’image et la réputation sont des éléments constitutifs misérables, pratiquement inexistants. Ainsi, la marque employeur est pratiquement invisible, inconnue ou faible. Il s’agit donc d’inventer et de développer une telle marque.

La marque “employeur-startup” nécessite une démarche structurée, imaginative, proactive débouchant sur la mise en place d’un ensemble d’actions RH cohérentes, concrètes et, de surcroît, peu onéreuses. Une manière d’agir organisée et ordonnée n’est pas une somme d’initiatives ponctuelles, opportunistes et décousues, comme par exemple : installer des sièges en couleur, toboggans et balançoires au sein de l’espace de travail ou mettre en place une conciergerie ou une crèche d’entreprise. 

Des gestes, certes bénéfiques, mais qui n’apportent qu’un bien-être éphémère aux collaborateurs. La démarche méthodique (pour séduire et accompagner candidats et collaborateurs) doit traduire une ambition profonde de partage rationnellement proportionné de tout ce qui concerne l’entreprise émergente: informations, tâches, responsabilités… et patrimoine.

Garder la maîtrise

À ce titre, la marque employeur start-up n’est pas un domaine qui peut être délégué, même partiellement, à une agence de communication ou à une direction des Ressources Humaines.

L’attractivité de la start-up employeuse ne se fabrique sur des éléments vaporeux comme les valeurs, la vision, la mission, la philosophie, la culture de l’entreprise.

Pour se démarquer, et prouver qu’elle est plus agile et qu’elle offre plus d’opportunités à des gens motivés, l’entreprise émergente doit mettre en avant ses atouts concrets : ceux-ci sont, principalement, son savoir-faire original en matière de sélection, de formation/intégration et de reconnaissance des qualités (efforts fournis, travail accompli) des candidats.

En effet, vendre un accompagnement novateur est beaucoup plus parlant que vendre une vision romantique de la start-up. À quoi bon un discours de fondateur-dirigeant qui, pour embellir son projet, proclame que son but est de donner au candidat l’envie non pas de prendre un poste dans son entreprise émergente, mais de prendre part à une aventure ?

Que se passe-t-il lorsque participer à l’aventure ne procure au candidat ni responsabilités réelles, ni autonomie suffisante, ni véritable liberté de décision, ni primes substantielles ? 

Le nouveau collaborateur qui n’expérimente ni enrichissement, ni épanouissement parce que la start-up ne partage ni sa richesse, ni son contrôle, fera rapidement savoir – sur les réseaux sociaux – s’il se sent entouré ou livré à lui-même, ou encore s’il se sent considéré à sa juste valeur.

Les vrais traits identitaires (distinctifs) de la start-up, ce ne sont pas des mots, des concepts flous, mais des pratiques managériales novatrices. Proposer aux collaborateurs et aux candidats un accompagnement inédit qui vise à assouvir du mieux possible leurs besoins/aspirations fondamentaux.

Veiller à un accompagnement digne de ce nom

Cet accompagnement est constitué d’abord par une sélection atypique: par exemple, privilégier le recrutement par cooptation, opter pour d’autres pratiques d’interview basée sur des critères d’appréciation différents des personnalités. Recourir à des matrices d’aide à la décision censées jauger la compatibilité des candidats au projet, leur légitimité “startuppeuriale” (exemples: The Founders’ Suitability Estimator, The Startup Investors’ Suitability Estimator, The Startup Key Employees’ Suitability Estimator…).

Ce qui fait le succès ou l’échec de toute start-up, c’est essentiellement son équipe! Or, les fondateurs et fondatrices ont tendance à bâcler leurs procédures de recrutement!

Une formation des collaborateurs sortant de l’ordinaire est le second élément constitutif d’un accompagnement innovant. Par exemple, en fomentant une association locale/régionale de TPME (Très Petites et Moyennes Entreprises) et de centres de formation pour créer une formation professionnelle diplômante, avec contrat en alternance.

Les TPME fournissent la logistique, proposent certains de leurs salariés pour donner des cours et travaillent même sur le programme des cours. Elles créent ainsi leur propre vivier de compétences en local. De la sorte, elles espèrent avoir de futures recrues qui maîtrisent les technologies qu’elles utilisent au quotidien.

“Les jeunes générations ont des attentes spécifiques concernant le monde du travail… Cela n’empêche pas qu’elles aient des aspirations fondamentalement classiques telles que la sécurité matérielle et la sécurité morale.”

Enfin, un système inhabituel de rémunération-récompense des collaborateurs, personnalisant significativement les modes de reconnaissance de leurs qualités, constitue le troisième volet d’un accompagnement qui fait la différence. 

Pour l’essentiel, il s’agit d’envisager les diverses variantes de l’intéressement au chiffre d’affaires, de participation au capital, de partage des bénéfices, de répartition des responsabilités et des tâches. 

Accessoirement, l’entreprise émergente peut argumenter sa dynamique de croissance, la qualité/notoriété de ses fondateurs et/ou dirigeants, son secteur d’activité, ses métiers et expertises, etc. La start-up peut aussi s’appuyer sur le “bien-être” au travail (mais pas sur l’imposture du “bonheur” au travail, mise en avant par des promoteurs à l’appellation clownesque de chief happiness officer!).

Dans ce même ordre d’idées, la jeune pousse peut à sa guise opter pour diverses “cerises sur le gâteau” du genre: adhésion à une salle de sport, accès facilité au logement ou encore accès à un comité d’entreprise (intérieur ou extérieur), flexibilité des horaires de travail, système de vacances flexibles, primes personnelles non nécessairement liées à la performance mais à des évènements de la vie du collaborateur, formations, etc.

Travailler la marque employeur vise à favoriser l’attractivité (engendrer une augmentation du volume de candidatures pertinentes et de meilleure qualité), l’engagement (sentiment d’appartenance et de fierté) et la fidélité des équipes en place.

Les jeunes générations ont des attentes spécifiques concernant le monde du travail… Cela n’empêche pas qu’elles aient des aspirations fondamentalement classiques telles que la sécurité matérielle (sécurité d’emploi, enrichissement par le salaire, les primes et éventuellement par une forme ou l’autre de participation au capital) et la sécurité morale (multiples formes de reconnaissance de leurs qualités…).

Carl-Alexandre Robyn

associé fondateur du Cabinet Valoro
auteur du guide pratique
“Start-up: manuel de pitchologie”