Projets R&D: ne pas lâcher la proie pour l’ombre

Hors-cadre
Par · 28/08/2017

Pour donner toutes ses chances à la compétitivité des acteurs wallons, ne faudrait-il pas dépoussiérer certaines balises des projets R&D soutenus par le Plan Marshall? Etienne Pourbaix en est convaincu. Un message qu’il a déjà défendu par le passé et qu’il continuera de porter à l’heure où une nouvelle majorité politique s’installe en Wallonie.

On l’a évoqué dans le premier volet de cette mini-série consacrée au numérique dans le secteur aérospatial et aéronautique wallon [relire notre article], le numérique, la numérisation des solutions et des processus est un élément essentiel de la compétitivité des acteurs locaux. Jusqu’au plus modeste. Une certaine évolution, parfois encore trop lente et timide, est en marche. La prise de conscience d’un changement inexorable doit parfois encore se faire.

Toutefois, il n’y a pas que du côté industriel que les nouvelles contraintes de la numérisation et de l’“industrie 4.0” nécessitent une évolution des mentalités.

Pour donner toutes ses chances à la compétitivité des acteurs wallons, ne faudrait-il pas dépoussiérer certaines balises des projets R&D soutenus par le Plan Marshall? Etienne Pourbaix, directeur du Pôle de Compétitivité Skywin, en est convaincu.

A ses yeux, l’une des conditions de succès et de préservation de la compétitivité des acteurs locaux sera d’adapter la philosophie selon laquelle les projets R&D, financés dans le cadre du Plan Marshall, sont évalués et acceptés par les décideurs publics. “L’un des principaux critères d’acceptation d’un projet est la création d’emplois”, explique Etienne Pourbaix. Si c’est en effet une fin légitime en soi, il faudrait, à ses yeux, moduler la chose. Ne pas parler uniquement de “création” mais aussi de “préservation” d’emploi.

Est-ce là une vue moins ambitieuse, trop timorée? Relevant plutôt du service minimal? Le contexte, explique-t-il, l’impose. “Nous sommes dans une situation où le maintien de l’emploi est en danger si les acteurs locaux ne passent pas à la numérisation.” Autrement dit, préserver l’emploi existant est déjà en soi un objectif vital, stratégique. Un progrès d’une autre nature.

S’il y a création d’emplois supplémentaires, tant mieux, mais en faire une balise pour accepter des dossiers est, dans certains cas, placer la barre trop haut.

Etienne Pourbaix (Skywin): “Tout ce qui touche aux processus n’est pas actuellement considéré comme de l’innovation mais comme de l’amélioration.”

Produits vs processus

Telle que la perçoivent encore souvent ceux qui décident de l’affectation des moyens du Plan Marshall, l’“innovation” a pour but de créer de nouveaux produits afin de donner naissance à de nouveaux marchés ou filières. “Mais le fait est que l’innovation est toute aussi importante au niveau des processus et qu’elle permet surtout de maintenir l’emploi.” Pas forcément d’en créer.

Autrement dit, dans l’état actuel des choses, un projet de R&D, axé sur la numérisation, qui ne parvient pas à démontrer aux yeux du jury des Pôles qu’il peut générer de l’emploi – et le plus possible – a moins de chances de passer la rampe ou n’aura droit qu’à un taux de subside moins intéressant.

Ce qui décourage les industriels de poser leur candidature. On est donc dans une sorte de spirale négative. Moins de financement. Moins de projets. Sur-place des industriels locaux.

Le prisme d’évaluation devrait être révisé, estime Etienne Pourbaix. “Tout ce qui touche aux processus n’est pas actuellement considéré comme de l’innovation mais comme de l’amélioration et est donc moins bien accepté et financé. Or, la numérisation relève en effet de l’ordre de l’amélioration, du finetuning, mais c’est, en soi, une véritable révolution pour le processus.”

Etienne Pourbaix avait déjà milité, sous le précédent gouvernement, en faveur d’une révision des paramètres d’évaluation des projets. Son message n’a pas forcément reçu une fin de non recevoir mais l’un des facteurs bloquants est le fait que le moule est coulé dans un marbre décrétal. Difficile à changer… Il ne désespère pas d’obtenir raison. “A l’avenir, il s’agira sans doute d’être créatif dans l’interprétation du décret…”