Après six mois d’“accélération”, dans le cadre du programme MoveUp de Digital Attraxion, six start-ups étiquetées “e-santé” faisaient le point sur l’avancement de leur projet et leurs ambitions à court ou moyen terme lors d’un désormais traditionnel “Demo Day”, ce jeudi 21 avril.
Nous aurons l’occasion de revenir plus en détails sur certains de ces projets mais voici déjà une brève présentation du stade atteint pour ces six sociétés, en majorité belges francophones. Certaines d’entre elles ont eu l’occasion de confronter, pendant plusieurs mois, leur concept, leur solution, leur modèle économique à l’oeil critique de l’un ou l’autre acteur du monde de la santé. Le principe appliqué dans le cadre du programme MoveUp est en effet, pour rappel, de faire naître un binôme, au moins temporaire, entre une start-up et une “corp”. Ici, en l’occurrence, des acteurs du secteur des soins de santé. L’idée est de permettre aux opérateurs existants de se frotter et de tester l’une ou l’autre innovation et aux start-ups de faire valider (ou pivoter) leur idée.
De ce point de vue-là, le programme d’accélération qui vient de s’achever n’est pas à proprement parler un succès. Peu de “binômes” ont en effet vu le jour. Seules deux start-ups (sur six) ont trouvé un interlocuteur. Une troisième est en passe d’initier une collaboration dans le cadre d’un futur projet.
Raison essentielle évoquée par les responsables de Digital Attraxion? Un agenda qui tombait mal, le programme ayant débuté à l’automne dernier, alors que les hôpitaux devaient encore digérer les effets de la crise sanitaire – le retour à la normale et la disponibilité des équipes n’étaient pas encore vraiment au rendez-vous.
Digital Attraxion espère qu’il en sera autrement, à la rentrée, lorsque le programme MoveUp remettra les couverts, plaçant sa prochaine session d’accélération à nouveau sous le signe de l’e-santé…
Les six “accélérés”
Dermatoo, née du côté de Liège au sein du studio IoT-D, est l’une des rares start-ups de cette session MoveUp à avoir convaincu des acteurs venus du monde hospitalier de faire équipe et de servir de planche de résonance. Les établissements hospitaliers qui se sont intéressés au projet sont le CHU Ambroise Paré (Mons) et le CHU Tivoli, au sein du réseau Helora.
Dermatoo, nous vous en avions déjà parlé voici près de deux ans. Entre-temps, la start-up a fait du chemin. Positionnée sur le terrain du suivi des lésions de la peau et des plaies “complexes” (des traitements au long cours qui exigent un suivi de plusieurs mois voire années, l’interaction entre divers professionnels et, parfois, de longs passages à l’hôpital), elle a entre-temps développé un dispositif spécifique, composé de divers capteurs optiques dédiés, aptes à prendre des photos de plus haute qualité, plus précises et “interprétables” que celles que peut prendre un simple smartphone (qui était leur “outil” de la première heure).
A l’aide de la solution Dermatoo, le but est à la fois de faciliter les échanges (données et expertise) entre les différents professionnels impliqués (médecins, infirmières, diabétologues, nutritionnistes…), de rendre les traitements et le suivi plus efficaces, de réduire les durées d’hospitalisation et, dès lors également, les coûts – pour les institutions de soins et pour les patients. “Des statistiques prouvent que le coût du suivi d’un patient souffrant d’une plaie complexe peut parfois varier entre 20 et 150.000 euros”, déclare Julien Delarbre, co-fondateur de la société. “L’espoir est que le recours à notre solution réduise ne serait-ce que de 10% le temps de gestion d’une plaie”. Et donc les coûts afférents. Sans parler d’une amélioration du trajet de soins.
De l’intelligence artificielle se cache derrière l’analyse d’images, afin d’aider les professionnels à poser des diagnostics et à décider des traitements.
Un test a d’ores et déjà effectué au CHWaPi (Centre hospitalier de Wallonie Picarde). Dermatoo dit essentiellement viser une clientèle d’hôpitaux qui s’engagent dans un processus d’externalisation des soins de plaie (auprès d’autres types d’institutions ou de professionnels) et les acteurs de la HAD (hospitalisation à distance). “Nous visons en priorité les professionnels hospitaliers qui doivent traiter les plaies à distance, que ce soit dans le cadre d’une même structure hospitalière, implantée sur plusieurs sites et ne disposant pas assez de chirurgiens ou de spécialistes, d’un réseau ou entre divers hôpitaux.”
Certains sont obligés d’opérer dans ce genre de situation, avec intervention sur divers sites. D’autres s’engagent volontairement et “structurellement” dans une démarche HAD. “Ce sont nos cibles privilégiées. Soit pour leur apporter une solution, soit pour les aider à développer ce genre de collaboration.”
TheGoodPsy est le nom de la solution imaginée par Websie (Auderghem) qui prend la forme d’une “plate-forme” répertoriant et permettant d’entrer en contact avec un psychologue ou thérapeute et de trouver ainsi une aide psychologique que l’on pourrait qualifier de premier niveau. Avec possibilité de pousser plus loin si besoin est ou si une relation de confiance s’établit.
L’idée de départ est le constat qu’il est parfois difficile de trouver rapidement un thérapeute, de devoir attendre longtemps un premier rendez-vous – ou de devoir se contenter de séances éloignées les unes des autres. Ou encore que nombre de personnes rechignent à franchir le pas, “alors que les besoins explosent”, soulignent les cofondateurs de la start-up. Notamment sous l’effet de la crise sanitaire, de l’incertitude de l’époque. Ou, de manière plus transversale, sous l’effet des déstructurations des relations sociales – “tout-connecté” oblige. On constate par exemple que les moins de 35 ans éprouvent tout particulièrement des difficultés à gérer leur santé mentale”, soulignait Martin Bragard, co-fondateur de TheGoodPsy. “Et, à l’usage, on constate que 88% de nos utilisateurs n’avaient jusque là jamais eu recours à un psy”.
Le concept de la start-up: l’identification d’un thérapeute potentiel sur base d’une description préliminaire du problème rencontré, mise en relation entre thérapeute et potentiel futur client, mécanisme d’échanges entre eux. Modalité: des messages textuels, via l’appli pour smartphone, “avec garantie que le thérapeute répondra, au minimum, une fois par jour”. Autre option: des messages audio, ou encore un contact visuel, via smartphone, pour une session “’live”. C’était d’ailleurs là le premier mode de communication imaginé mais la start-up s’est rendue compte que les utilisateurs préféraient encore le simple texto.
La start-up estime que ce nouveau mode de relation à distance peut, d’une part, amener plus de personnes à s’adresser à un thérapeute et, d’autre part, permettre aux professionnels de trouver de nouveaux clients (TheGoodPsy se rémunère au passage, via commission).
Quel est le stade de développement atteint par la start-up? Jusqu’ici, tout reposait encore sur une appli Web. L’appli pour smartphone est désormais prête.
Un premier contrat a été passé, en France, via un partenaire commercial qui opère pour le compte… d’une banque française. Pas de nom cité. Seule indication: une banque qui compte 11 millions de clients. Le lien entre psychothérapie et cette banque? Elle propose une série d’avantages ou services “bonus” à ses clients: réductions pour appendre à conduire, par exemple. Et donc désormais trois consultations gratuites avec un thérapeute (via l’appli TheGoodPsy). Avec garantie absolue de ne pas “capter” les données hautement sensibles…
La start-up espère lever 2 millions d’euros afin d’enrichir le contenu (textes, vidéos…) proposé en support aux contacts thérapeutiques ou encore afin de développer une communauté (via divers “canaux”, notamment Instagram).
BT Clinical Computing mise sur la codification des données de santé contenues dans les dossiers médicaux. Norme-clé: Snomed-CT (Clinical Terms).
Nom de sa solution: SnomedAIzer. Le duo de lettre “ai” suivant Snomed faisant – vous l’aurez deviné – référence à l’intelligence artificielle. Slogan de la société: “making data f.a.i.r.”. Acronyme de “findable, accessible, interoperable, reusable”.
“80% des données figurant dans les dossiers médicaux sont en texte libre. Les 20% restant sont associés à des codes propriétaires.”
Le problème vient de l’incapacité qu’il y a souvent à “exploiter” utilement le contenu des dossiers médicaux, encore majoritairement consignés en texte libre, en formats non directement exploitables, ou avec des codifications et formats qui varient d’un pays à l’autre, ou d’un établissement à l’autre.
Qui dit collecte hétérogène ou saisies disparates implique aussi souvent un important travail de réencodage(s) avec tous les risques d’erreurs et de pertes de temps que cela suppose.
La solution BT Clinical de conversion en codification Snomed harmonisée repose sur divers éléments et principes: gestion de terminologie, référentiel (entrepôt de données), outils “inteligents” de requête et d’édition, convertisseurs de code, mécanismes d’exportation de données vers diverses “cibles” (les DPI hospitaliers, les services de sécurité sociale, les acteurs de la recherche). Pour s’aligner sur les contraintes de respect des données à caractère personnel, orientées santé, toute exportation de données passe par une étape de double pseudonomisation (sur l’identité du patient et sur les dates d’actes médicaux).
Allyfe, basée à Auderghem, ambitionne de proposer un nouveau schéma plus “performant” de recrutement de patients en vue de participer à de possibles essais cliniques. Le projet vise à proposer une solution de matching via constitution d’une base de données comportant une “réserve” de testeurs potentiels la plus large et la mieux caractérisée possible.
Pour la constituer, la start-up dit s’appuyer sur deux sources potentielles de référencement de participants potentiels: les institutions et professionnels de soins qui seraient rétribués pour avoir fourni des patients “éligibles”, et les patients eux-mêmes, via un canal de recrutement dématérialisée.
Le matching sera assuré par des algorithmes et des mécanismes d’analyse avancée. Objectif: diminuer la charge de travail qui pèse sur les chercheurs – qualification des données, vérification de l’adéquation des patients en fonction des caractéristiques de chaque essai clinique…
Clientèle visée: les sociétés pharmaceutiques, les CRO (clinical research organisations), les chercheurs universitaires.
Le modèle commercial, autrement dit la chaîne qu’Allyle doit réussir à mettre en oeuvre (patients, professionnels de soins, avec la start-up elle-même comme agrégateur des données confiées par les deux “étages” précédents) fait encore l’objet d’une réflexion et de tests en situation réelle (un contrat serait actuellement en cours de négociation, au Royaume-Uni, avec un société pharmaceutique pour un test clinique-pilote portant sur quatre types de cancer) mais l’idée serait de mettre en oeuvre un modèle de rétribution à la fois pour les institutions et professionnels de soins et pour les citoyens lambda qui fournissent leurs données de santé.
Lors du programme d’accélération MoveUp, Allyfe n’a pas trouvé d’acteur de santé (local) prêt à la coacher ou à valider son idée.
Nutrinomics, basée à Bruxelles, a imaginé la solution Zest, un “compagnon nutritionnel personnel” chargé de conseiller les patients souffrant de maladies graves (chroniques ou non) en termes de nutrition. Objectif: améliorer au maximum le suivi et les conditions de traitement, en évitant les déficiences nutritionnelles, contrebalancer les effets secondaires… La solution, qui opère sur la collecte de données procurées en mode déclaratif par les patients (ressenti, exposé des symptômes, résultats éventuels d’examens sanguins…), repose sur de l’analytique et des algorithmes qui, sans mauvais jeu de mots, “s’alimentent” avec des données de divers types (caractéristiques de la maladie, traitement suivi, indicateurs de déficience nutritionnelle, données génétiques, symptômes, style de vie, paramètres diététiques…).
Trois solutions Zest dédiées ont pour l’instant été imaginées: pour les patients souffrant d’un cancer (en tout cas les principales formes de cancer rencontrées – à commencer par le cancer du sein), pour les personnes souffrant de pathologies cardiaques (hypertension, maladies cardiovasculaires, cholestérol), et les diabétiques.
Stéphanie Rioland (Nutrinomics): “De 50 à 80% des patients atteints d’un cancer souffrent d’une nutrition déficiente ou inadaptée.”
La plate-forme Zest permet en outre de générer et d’envoyer des rapports aux médecins (traitants ou spécialistes). Avec même un service d’alerte, toujours à destination des professionnels de soins concernés si, par exemple, Nutrinomics constate un “dérapage” critique dans les valeurs nutritionnelles du patient dans le cadre de son traitement médical.
A terme, l’espoir est d’élargir le spectre des conseils diététiques et nutritionnels à davantage de pathologies et de continuer à renforcer les mécanismes d’apprentissage automatique “afin de mieux catégoriser les utilisateurs, de personnaliser encore davantage les conseils et recommandations.” Une collaboration, en matière d’analytique et d’algorithmes, a été établie avec l’ULB et l’UCLouvain.
Dans un tout autre registre, quasi à la marge de l’e-santé, en tout cas selon une optique davantage orientée vers le monde du travail, P4Care (basée initialement à Louvain-la-Neuve) se propose d’offrir à terme une solution de “bien-être en mode SaaS”. Autrement dit, un portail orienté bien-être et santé au travail où les entreprises et leurs employés pourraient trouver un catalogue de ressources et d’outils de gestion et d’amélioration de leur ressenti, état émotionnel, conditions de meilleure santé… Pour lutter ou éviter les burn-out, problèmes de sommeil, pertes d’intérêt… qui grèvent leur aptitude à effectuer leurs tâches professionnelles quotidiennes dans de bonnes conditions.
Ressources mises à disposition? Des articles, propositions de lectures, vidéos, conseils, programmes d’accompagnement pour les individus ou les équipes.
Via la plate-forme, les besoins de chacun seraient collectés, les données ainsi rassemblées analysées, en ce compris au long cours afin d’analyser les évolutions de comportements, par le biais d’algorithmes et des propositions de solutions formulées (suggestion de thérapeute, de ressources à solliciter…).
Côté modèle commercial, Antoine Sepulchre, fondateur de P4Care, imagine des abonnements en mode service pour les entreprises, des chèques bien-être via lesquels les entreprises mettraient un budget à disposition de leurs employés pour utiliser les ressources proposées. Cela pourrait passer par des partenariats avec divers types d’acteurs, qu’ils soient orientés gestion des ressources humaines, assurances-santé, ou autres. P4Care se rémunèrerait à la fois sur les fées pays par les entreprises et par une commission sur les ventes générées par les fournisseurs de solutions (RH…).
Le projet en est encore à un stade préliminaire, “de premiers tests-pilote étant en cours de préparation en Belgique afin de tester la formule et le panel de ressources déjà constitué”.
A noter que ce portail de SaaS wellness a été développé sur base de la solution Odoo et pourra donc potentiellement s’intégrer avec d’autres solutions de l’entreprise.
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