Avant toute chose, il semble utile de remettre en perspective l’intérêt de la recherche clinique et ce que ce terme recouvre exactement. En effet, la production de nouveaux médicaments est un sujet particulièrement délicat car elle impacte la santé de tout un chacun. Malheureusement, beaucoup de substances prometteuses en laboratoire ou même chez les animaux se révèlent ne pas fonctionner chez l’être humain ou alors, elles fonctionnent à une dose tellement élevée qu’elles créent d’énormes effets secondaires qui sont finalement bien pires que les bénéfices que le médicament peut apporter.
Il est donc normal et acceptable que les autorités soient assez strictes et imposent des études cliniques extrêmement rigoureuses pour tout nouveau médicament ou traitement. Ces études cliniques sont le préalable à leur mise sur le marché et éventuellement également aussi de leur remboursement. Quand nous parlons de médicament, il faut considérer cela de manière extensive. Par médicament, on entend tant des substances qui peuvent être consommées sous forme de gélules, de comprimés ou encore sous forme de liquides mais aussi toute une série d’appareils médicaux comme les glucomètres, les tensiomètres et, de manière encore plus spécialisée, des équipements qui sont mis à l’intérieur du corps humain comme par exemple des stents ou divers appareils liés à des problèmes d’ordre cardiaque, de circulation sanguine ou autre.
En complément de ces médicaments, appareils médicaux et équipements, de manière assez récente, la recherche clinique se focalise progressivement sur ce qu’on appelle les « Digital therapeutics » (DTx) ou, en français, les « thérapies numériques”, c’est-à-dire finalement des applications software fonctionnant très souvent sur un smartphone et qui permettent au patient de réellement améliorer sa situation. Les thérapies numériques ont un impact extrêmement intéressant sur toutes les maladies mentales, mais pas uniquement, car elles permettent également d’être utilisées en complément de médicaments ou d’appareils afin de garantir une meilleure utilisation de ceux-ci, ou une meilleure observance (compliance) du patient du traitement médicamenteux par exemple.
Par ailleurs, ces études cliniques, complexes et contraignantes par nature, doivent parfois être réalisées dans plusieurs pays. En effet, les autorités de mise sur le marché ou de remboursement sont différentes d’un pays à l’autre, ce qui complique évidemment très fortement la tâche de l’industrie ou des sponsors ou de ceux qui veulent mettre un nouveau traitement sur le marché.
Trois types d’études cliniques
A l’heure actuelle, trois tendances majeures se dégagent au niveau mondial en ce qui concerne la manière de mener des études cliniques: tout d’abord, le fait de réaliser des études décentralisées, DCT, (Decentralized Clinical Trials, en anglais), ensuite, la collecte de données en vie réelle, ou RWE (Real World Evidence en anglais), et finalement, une troisième tendance est celle que nous pouvons appeler « patient-mediated research ». Il s’agit d’une manière innovante de mener de la recherche médicale sans intermédiaire entre l’organisme qui mène la recherche et le patient, qui est alors l’interlocuteur direct pour la récolte de données et qui est placé au centre de la démarche. Cette troisième tendance sera décrite dans un autre article. Nous nous concentrerons ici sur les deux premières.
Première tendance : le Decentralized Clinical Trial (DCT)
Nous pouvons dire que le DCT, Decentralized Clinical Trial, est partiellement une conséquence du Covid. En effet, cela fait longtemps que l’idée de faire des études en tout ou en partie décentralisées a germé mais, avec le Covid, tout cela s’est fortement accéléré car il était impossible pour les patients de se rendre à l’hôpital et donc de participer à une étude clinique sur site. La crise du coronavirus a eu, en quelque sorte, un effet catalyseur en la matière.
D’un point de vue pratique, les DCT nécessitent des outils informatiques – idéalement mobiles et connectés à Internet – à portée de main des patients. Le smartphone est en toute logique l’outil idéal pour réaliser cela. Néanmoins, ces outils doivent permettre à la fois de collecter des données, de demander le consentement au patient pour utiliser ses données et d’anonymiser lesdites données.
Cela implique donc toute une série de modules qui doivent bien entendu respecter les aspects vie privée et également les aspects « sécurité des données ».
La solution Andaman7 que nous avons imaginée permet tout cela dans la mesure où la totalité des données sont stockées sur le smartphone du patient, bien entendu avec des back-ups s’il le désire, mais les données ne se retrouvent jamais quelque part dans le cloud. Grâce à cette approche complètement décentralisée, nous pouvons a fortiori réaliser des études cliniques décentralisées qui stockent les données uniquement sur le smartphone du patient. Après consentement du patient, certaines de ces données sont anonymisées puis transmises aux sponsors des études cliniques.
Deuxième tendance : les données en vie réelle ou real-world evidence
Cela nous mène à la deuxième tendance, celle des données en vie réelle ou real-world evidence, liée au fait que les autorités qui donnent les autorisations de mise sur le marché ou qui remboursent les traitements deviennent de plus en plus exigeantes. Auparavant, elles demandaient seulement une évidence clinique de l’efficacité du traitement. Cela nécessitait de travailler avec des médecins et l’ensemble du corps médical pour prouver l’efficacité d’un traitement.
En parallèle, de plus en plus, on demande une évidence de la vie de tous les jours, des données en vie réelle, ce qui implique de collecter des données plus larges, de diverses sources, provenant souvent du patient, qui permettent de dire si le traitement convient vraiment au patient dans sa vie de tous les jours, selon son point de vue spécifique.
La logique qui sous-tend le développement de cette deuxième tendance est de se dire que, par exemple dans le cas d’un cancer, il ne suffit pas qu’un traitement diminue la taille d’une tumeur, il faut aussi que le patient dise “oui, effectivement, ça améliore ma qualité de vie » ou « ça me permet de vivre plus longtemps”. A contrario, un médicament qui réduirait drastiquement la taille de la tumeur mais rendrait la vie extrêmement difficile pour le patient, ne sera pas intéressant de son point de vue, même s’il prolonge sa durée de vie de six mois.
Citons encore un autre exemple relatif à la leucémie myéloïde chronique. Il existe plusieurs types de médicaments qui sont tous efficaces, très proches l’un de l’autre au niveau de l’évidence clinique. Par contre, au niveau de l’évidence en vie réelle, la real-world evidence, les médicaments peuvent avoir des effets très différents. Certains peuvent être administrés en une prise par jour, ce qui est plutôt facile.
D’autres, a contrario, nécessitent deux prises par jour avec la nécessité d’être à jeun pendant deux heures auparavant, ce qui va rendre la vie du patient particulièrement compliquée puisqu’il devra s’assurer par exemple de ne pas avoir d’activité sociale avec repas dans ces deux tranches horaires.
Ce sont toutes ces informations qui sont appelées les « informations de vie réelle » et qui pourront faire pencher la balance vers un traitement plutôt qu’un autre en matière de mise sur le marché et de taux de remboursement, selon le confort d’utilisation du médicament et en fonction de ce qu’il peut apporter au patient dans la vie de tous les jours.
Les aspects régulatoires
Un autre aspect important à souligner concerne l’évolution des aspects régulatoires. Les études cliniques ont toujours été encadrées de façon extrêmement stricte sur le plan légal, pour des raisons que nous pouvons très bien comprendre. La conséquence, c’est que cela augmente très fortement les coûts des études cliniques. Par ailleurs, il est clair que les lois évoluent toujours plus dans le sens de respecter davantage la vie privée des patients et de leur redonner le contrôle sur leurs données, comme le RGPD en Europe par exemple, mais il existe aussi des lois similaires en Californie, dans les Etats de l’est des Etats-Unis, au Brésil, au Japon, etc.
La pertinence de cette tendance n’est plus à démontrer mais elle amène aussi toute une série de contraintes et de difficultés pour les entreprises qui collectent des données des patients car toutes ces régulations visent à protéger l’individu, le citoyen, contre l’abus d’entreprises ou d’institutions qui utiliseraient leurs données sans respecter les patients.
Dans ce contexte, Andaman7 propose une solution intéressante et innovante dans la mesure où la plate-forme aide les patients à récupérer leurs données sans que la société Andaman7 n’ait accès aux données des patients. Elle met juste en contact des patients et des sponsors d’études cliniques. Si le patient consent à participer à l’étude clinique et à partager certaines de ses données, c’est directement le patient qui partage ses données avec le sponsor. Andaman7 n’est en rien un “vendeur de données” ou un producteur de données, pas même un intermédiaire de données.
On pourrait dire que Andaman7 est simplement le facteur qui transporte les données d’un endroit à l’autre entre un patient et un sponsor d’une étude clinique. Et il transporte des enveloppes scellées entre les parties.
Dans cette mesure, la plate-forme est beaucoup moins contrainte par les règlements de type RGPD. Au contraire même, elle va dans le sens de cette réglementation puisque le RGPD et d’autres types de régulations ont tendance à redonner au patient le droit d’accès et le contrôle sur ses données. Pour le dire encore autrement, étant donné que la solution permet aux patients de se connecter aux hôpitaux, aux laboratoires et à toutes les autres sources de données santé, cette plate-forme est particulièrement bien alignée avec l’évolution des contraintes régulatoires qui se développent un peu partout dans le monde.
Le recrutement des patients pour les études cliniques
Un autre élément à souligner en matière de recherche clinique a trait à la difficulté grandissante que rencontrent les sponsors à recruter des patients pour mener leurs études cliniques.
Plusieurs éléments peuvent expliquer ceci, notamment, le manque d’engouement des patients à contribuer à des études. Pourtant, les résultats de certaines enquêtes mettent en évidence que 80% des patients sont prêts à partager leurs données pour la recherche à condition que leur soit demandé un consentement préalable, qu’ils sachent par qui et pourquoi leurs données seront utilisées, et qu’ils puissent à tout moment supprimer leur consentement.
Avec un certain nombre de conditions, telles que celles-ci, les patients sont donc en grand majorité d’accord de contribuer à la recherche.
Par contre, il faut que cela se fasse de manière assez simple et conviviale et que le patient y trouve aussi un intérêt. Parfois l’intérêt est grand, si par exemple mon enfant est atteint d’une maladie qui aujourd’hui est encore incurable, il est évident qu’en tant que parent, je vais vouloir contribuer à la recherche pour cette maladie particulière et que je serai probablement disposé à partager des données avec le monde de la recherche.
Avec un certain nombre de conditions, telles que celles-ci, les patients sont en grand majorité d’accord de contribuer à la recherche.
Autrement dit, le premier intérêt du patient est d’avoir un outil qui lui permet de contrôler ses données et en second lieu, de contribuer facilement à la recherche, ce qui est assez différent de simplement lui proposer un outil d’usage unique qui va lui permettre uniquement de contribuer à une recherche en particulier sans aucune autre fonctionnalité.
En lien avec ceci, Andaman7 a adopté une approche qui vise à donner au patient un outil bien plus utile, entre guillemets, qu’un simple outil de contribution à une étude clinique. Andaman7 est un dossier médical complet pour le patient mais aussi pour ses proches, ses enfants, son conjoint, ses parents. C’est un outil qui permet de conserver l’entièreté de ses données médicales depuis la naissance jusqu’à la mort sur son smartphone avec une grande quantité de données bien stockées, normalisées, structurées (quand c’est possible), et d’avoir l’entièreté de ces données à disposition pour contribuer à la recherche s’il le souhaite.
Une deuxième tendance qui rend aussi le recrutement de patients compliqué vient paradoxalement des progrès de la médecine dans la prise en charge des maladies très prévalentes (maladies chroniques, maladies cardiaques, etc.).
Il est plus que probable qu’à l’avenir, les recherches se focalisent de plus en plus sur les maladies rares. Or, qui dit maladies rares, dit évidemment moins de patients qui peuvent participer aux études, moins de patients qui correspondent aux critères d’inclusion et d’exclusion. Les difficultés liées au recrutement de patients risquent donc de prendre de plus en plus d’ampleur avec le temps, d’où l’intérêt d’avoir des plates-formes permettant d’avoir accès à beaucoup de données, beaucoup de patients, beaucoup de données pour chacun de ces patients et de proposer aux patients de contribuer aux études. De ce point de vue, une solution telle qu’Andaman7 devrait être en mesure de fournir des outils qui permettront de trouver les patients nécessaires pour une étude clinique sur un traitement pour une maladie rare.
Pour l’amélioration des soins en général mais aussi de la recherche clinique, il est impératif de pouvoir collecter des données de qualité, structurées, idéalement codifiées, tout en respectant la vie privée des patients et la sécurité des données. L’approche décentralisée, avec un focus extrême sur le patient, s’inscrit dans une telle démarche. L’intérêt d’une solution telle qu’Andaman7 est d’exécuter de multiples études cliniques sans imposer tout le temps un changement d’outil, de logiciel, tant pour le patient que pour le sponsor.
Pour l’amélioration des soins en général mais aussi de la recherche clinique, il est impératif de pouvoir collecter des données de qualité, structurées, idéalement codifiées, tout en respectant la vie privée des patients et la sécurité des données.
A plus long terme, cela devrait permettre de mener des études multiples auprès de patients qui ont plusieurs maladies, c’est-à-dire des co-morbidités, et de mener des études longitudinales qui s’étendront sur plusieurs années, permettant in fine de créer de véritables registres de données. Ces registres sont en fait des endroits centralisateurs de données, créés et/ou mobilisés par des instituts académiques ou de recherche ou encore par des gouvernements nationaux ou régionaux. Les données y sont collectées de manière périodique et permanente. Au plus les patients peuvent nourrir ces registres, plus c’est intéressant.
En parallèle, les associations de patients peuvent également jouer un rôle important en motivant les patients à contribuer à la recherche en fournissant des données de qualité. Finalement, on pourrait encore mentionner le projet européen EHDS, European Health Data Space, qui vise à permettre la réutilisation secondaire de données, c’est-à-dire la réutilisation des données pour la recherche sur des populations ciblées. L’objectif est donc d’être en mesure de collecter des données de nombreux patients, de les agréger, de les anonymiser, pour ensuite pouvoir les utiliser pour la recherche de manière assez large. Pour résumer, la démarche vise le bien commun sans toutefois créer de problème pour l’individu.
Toutefois, même si cette utilisation secondaire est très intéressante, elle n’est pas toujours suffisante. Dans certains cas, il est important d’avoir une médecine personnalisée, ce qui implique de pouvoir suivre un patient de manière individuelle pour des raisons de soins mais peut-être aussi pour des raisons liées à la recherche. Dans ce cas-là, des solutions comme Andaman7 restent indispensables.
Vincent Keunen
fondateur et directeur d’Andaman7
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