Fin d’année dernière, plusieurs réunions ont été organisées entre acteurs belges francophones de la réalité virtuelle. Mi-décembre, par exemple, une table ronde, organisée à l’initiative de l’ULg et des organisateurs de l’événement 3DSM, a réuni une dizaine de sociétés wallonnes ou bruxellois, les représentants du Ministre Marcourt (en l’occurrence, l’ADN) et un représentant d’Impulse, l’ancienne Agence Bruxelloise de l’Entreprise.
L’intention était de recueillir les désidératas, les espoirs et attentes des acteurs de terrain par rapport à de possibles initiatives des pouvoirs publics.
Qu’en est-il ressorti? Et quelles prochaines étapes peut-on espérer?
On le verra dans cet article, certains en ont retiré un goût de trop peu mais, du côté des destinataires de l’exercice (à savoir le cabinet Marcourt mais aussi le cluster TWIST), on insiste sur le fait que l’objectif était avant tout d’écouter. L’étape “construction” et déclenchement d’actions, elle, viendra plus tard. Car l’idée qui commence à germer est de constituer une “grappe”, pilotée sans doute par le Cluster TWIST, qui réunirait les acteurs wallons de la réalité virtuelle et de la réalité augmentée. A la manière mais potentiellement de manière plus structurée que ce que l’autre cluster wallon (l’infopole Cluster TIC) a déjà organisé, pour des thématiques et créneaux tels que le big data, l’Internet des Objets, la sécurité IT…
Décryptage de cette réunion de décembre.
Table d’écoute
La réunion de décembre a pour le moins eu pour intérêt de “pointer la réalité virtuelle comme une opportunité de marché importante”, souligne Juan Bossicard, responsable de la cellule ICT et secteurs innovants chez Impulse.
A lire dès le début de la semaine prochaine, notre dossier consacré à la réalité virtuelle & augmentée. Vous y découvrirez toute une série d’acteurs locaux et leurs réalisations. Dans des domaines aussi variés que l’architecture, le culturel, le merchandising, le tourisme… Avec aussi leur vision des défis et opportunités du secteur.
Une certaine déception, voire déception certaine, était toutefois au rendez-vous du côté des acteurs privés.
On leur avait en effet fait miroiter la présence du Ministre Jean-Claude Marcourt à qui ils espéraient adresser leurs remarques, idées éventuelles, attentes, voire sollicitations. Mais le ministre n’était pas là. Il était certes représenté par deux experts de l’Agence du Numérique, et notamment son directeur Benoît Hucq, mais, pour certains, ce n’était pas tout à fait la même chose…
Christophe Hermanns, directeur de Vigo Universal, espérait par exemple que la réunion permette d’attirer l’attention de Jean-Claude Marcourt “sur les problèmes du secteur, lui parler de l’avenir de la VR en Wallonie et comment placer la Wallonie en tant que leader dans le domaine.”
En l’absence du Ministre, pas de réelle nouveauté par rapport à ce qui peut se dire: “nous avons rencontré les mêmes acteurs que nous voyons dans les autres réunions. Bref, peu de nouveautés… C’était un x-ième tour de table où chacun se présente à des organismes alors qu’en tant que concurrent ou partenaire nous nous connaissons déjà…”
A-t-on loupé l’essentiel?
Le tout était aussi, pour les acteurs privés, de relayer des messages pertinents. Et là aussi, dans les rangs-même de ces acteurs privés, une déception se fait entendre. Au-delà de l’absence du ministre, les commentaires ne sont pas franchement tendres dans la bouche de certains.
Pour Laurent Silan, directeur de Disruptive Digital Studio, spécialisé dans les réalisations marketing interactives, ce qui s’est dit autour de la table est beaucoup trop resté terre-à-terre.
“Aucune intention de collaboration ne s’est faite jour. Les messages passés [par les acteurs locaux] étaient trop négatifs. Du genre: nous n’avons aucune chance de percer si on ne nous donne pas des moyens. Toute innovation sera copiée par des concurrents venus d’ailleurs qui jouent dans une autre catégorie…
Nombre de remarques émises n’étaient pas constructives. Rien n’était orienté solution.
Pour notre part, nous sommes prêts – et aptes – à entrer dans des collaborations, que ce soit avec d’autres acteurs belges ou des acteurs étrangers. Mais l’ambiance n’y était pas.”
Laurent Silan (Disruptive Digital Studio): “chez nous, la mentalité reste trop centrée sur soi. C’est une démarche inadaptée. Ce n’est pas possible, ainsi, d’être compétitif ou même d’activer l’innovation.”
Pour lui, il manque clairement un esprit d’ouverture – un chantier qu’un acteur tel que le Cluster TWIST est tout indiqué pour prendre à bras-le-corps.
Laurent Silan explique son point de vue en partant de la situation de sa propre société. “Nous avons récemment participé à une mission économique en Chine et, à nos yeux, c’est une réelle opportunité que d’accepter de collaborer avec des acteurs chinois ou d’autres nationalisés.
C’est vrai que le secteur de la réalité virtuelle, du 3D, connaît des problèmes chez nous mais il y a peut-être d’autres manières de travailler pour y pallier. Et, à mes yeux, cela passe notamment par des collaborations internationales ouvertes. Mais, chez nous, la mentalité reste trop centrée sur soi-même. Les sociétés ont trop tendance à tout vouloir faire elles-mêmes. C’est une démarche inadaptée. Ce n’est pas possible, ainsi, d’être compétitif ou même d’activer l’innovation.”
Activer, accélérer. C’est aussi l’une des attentes de Dimitri Themelis, directeur commercial d’ActiveMe, studio créatif de Louvain-la-Neuve notamment spécialisé en AR/VR. Notamment du côté d’une accélération dans les processus lors de demandes de soutien – “les technologies dans notre secteur évoluent si vite que le processus très bureaucratique nous pénalisent face à des acteurs, américains, par exemple, qui vont très vite”. Autre besoin très concret, selon lui, la possibilité de minimiser les coûts de prospection en bénéficiant de participations gratuites (et pas uniquement partiellement subsidiées) à des salons spécialisés à l’étranger.
Ceci n’était qu’un début…
La réunion de mi-décembre était l’une des étapes vers une “meilleure structuration, la naissance d’une dynamique plus concertée pour les acteurs wallons de la réalité virtuelle (VR) et de la réalité augmentée (AR)”, souligne Benoît Hucq.
Le fait est, insistent les représentants de l’ADN et du Cluster TWIST, que cette réunion était avant tout destinée à écouter les attentes, voire les propositions. “Le format de la réunion laissait peu de temps pour autre chose, de toute façon”, indique Benoît Hucq, patron de l’ADN.
Côté demandes et attentes exprimées, il en retient 4 grands thèmes.
1° – Un besoin de meilleure “visibilité” qui passe, en premier lieu, par une claire identification des différents acteurs. Certains ont également émis l’idée d’un espace où ils pourraient venir exposer et faire la démonstration de leurs solutions, mettre en exergue réalisations et bonnes pratiques. Un lieu qui, aux yeux de Benoît Hucq, ne doit pas forcément être un espace physique. D’une part, parce qu’une plate-forme électronique pourrait servir de “vitrine” et de lieu d’échanges. D’autre part, parce que l’une des cibles majeures des acteurs locaux doit être l’international. Un lieu physique aurait dès lors moins de pertinence…
Mais l’idée d’un “démonstrateur” n’est donc pas a priori rejetée, d’autant plus que le concept en a été évoqué dans le cadre du Plan du Numérique. “Mais créer un démonstrateur spécifiquement pour l’AR/VR n’est peut-être pas idéal.” Mieux vaudrait éventuellement un ou des démonstrateurs multi-technologies…
Benoît Hucq (ADN): “écouter les acteurs afin de positionner leur demande d’un écosystème par rapport au Plan du Numérique et améliorer la cohérence des actions de soutien.”
2° – Un besoin de soutien pour la recherche et l’innovation. Un “soutien” qui pourrait être amélioré notamment par une accélération des processus de prise de décisions lors du dépôt de projets, par une place plus grande pour les petits acteurs locaux dans les marchés publics ou encore par un meilleur accès aux open data publiques.
3° – Un soutien à l’expansion ou au développement des acteurs, en ce compris à l’international.
4° – Un besoin de compétences.
Certains points, souligne Benoît Hucq, trouveront, au fil du temps, une réponse (ou un début de réponse) dans les actions à prendre dans le cadre du Plan du Numérique ou encore du Plan PME (Small Business Act). Avec, certes, quelques besoins plus spécifiques au secteur de la VR/AR qu’il s’agira de prendre en compte… Notamment en termes de compétences et de formation de profils spécifiques et de soutien au développement à l’international.
TWIST devrait prendre la main
L’objectif est donc de constituer une “grappe”, autrement dit un forum où les acteurs wallons de l’AR/VR se rencontrent, identifient et échangent des bonnes pratiques mais aussi des problématiques, collaborent dans le cadre d’un projet…
L’organisation et l’animation de cette grappe seront logiquement la responsabilité du cluster TWIST qui pourra s’appuyer sur le soutien de l’ADN. Une étude SWOT sera d’ailleurs bientôt lancée par Pierre Collin, directeur du cluster.
Benoît Hucq: “Il faut une dynamique qui soit avant tout portée par les sociétés elles-mêmes…”
Vu de l’ADN, c’est logiquement le cluster TWIST qui devrait par exemple être à la manoeuvre pour susciter cette meilleure “dynamique” entre acteurs de l’AR/VR en Wallonie mais aussi pour leur apporter du soutien, dans les divers axes évoqués ci-dessus. Notamment pour l’internationalisation – avec l’aide de l’AWEX et de l’ADN – “pour déterminer dans quelle mesure des actions pourraient être prises pour la recherche de partenariats tant commerciaux que technologiques.”
Pierre Collin (Cluster Twist): “L’une des attentes des acteurs locaux est l’opportunité d’être mis en contact avec de potentiels donneurs d’ordre de gros calibre.”
Pour Benoît Hucq, l’un des premiers axes à explorer sera sans doute de “promouvoir l’AR/VR auprès des autres secteurs économiques, en transversal.” Autrement dit, identifier des opportunités de projets et solutions pour les acteurs des Pôles de compétitivité (SkyWin ou autres secteurs qui sont autant d’utilisateurs potentiels). Des liens pourraient également se tisser avec d’autres “écosystèmes” ou groupements virtuels, tels que la communauté Be.vr (initiée à partir de Bruxelles) ou encore l’association Drone Valley.
Mais, souligne-t-il, ce qui sera mis en oeuvre ne le sera pas en top down. “Cela doit s’effectuer en mode co-création. Nous n’imposerons rien. Il faut avant tout qu’il y ait une dynamique qui soit portée par les sociétés elles-mêmes…”
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