Les métiers et les parcours du Web: enquête croisée France-Belgique

Hors-cadre
Par · 21/12/2012

Cet été, Technofutur TIC et son homologue français PRN (Pôle Régional Numérique) avaient procédé à une enquête “Métiers et parcours du Web” afin de déterminer et d’analyser les profils, parcours et conditions de vie professionnelle de ceux qui se sont engagés dans une carrière Web sur un territoire couvrant la Belgique francophone et la région Nord-Pas-de-Calais.

Nous nous en étions déjà fait l’écho (voir notre premier article) pour mettre en exergue quelques premiers enseignements portant notamment sur la proportion de femmes dans les métiers du Web ou les filières suivies pour décrocher ce genre de travail.

Entre-temps, les responsables de l’enquête ont poursuivi l’analyse des résultats, notamment pour comparer les situations belge et française. Nous vous en livrons dès lors ici quelques facettes supplémentaires. Si des similitudes se dégagent en France et en Belgique, on relève par contre quelques différences sensibles dans la pyramide des âges, les parcours de formations, les opportunités de carrière de part et d’autre de la frontière. Autant de constats qui, idéalement, devraient permettre de faire progresser la réflexion et la structuration de ce secteur.

Formations préalables

La filière d’une formation IT préalable est minoritaire dans les parcours suivis pour aboutir aux métiers du Web: moins de 30% des professionnels du Web ont emprunté cette voie; le score ne dépasse même pas 22% pour les femmes. Les formations graphiques ne sont pas plus majoritaires, bien au contraire puisqu’elles ne représentent que 8% des circuits suivis.

Environ 30% des professionnels du Web ont suivi une formation en marketing, en communication ou en management.

La rareté des filières dédiées aux diverses composantes qui font le quotidien des métiers du Web (IT, multimédia, e-business…) explique, du moins en partie, le jugement porté par une majorité de répondants (54% de Français et 75% de Belges) sur le fait que leur formation initiale ne les a pas (ou pas suffisamment) préparé aux métiers de l’Internet. Autre explication donnée par les auteurs de l’enquête: “les difficultés qu’a la formation initiale d’intégrer l’IT dans ses cursus et d’imaginer de nouveaux diplômes.”

Les compétences nécessaires à l’exercice des métiers du Web s’acquièrent dès lors souvent par motivation personnelle (auto-apprentissage, veille…). Les moyens utilisés, à cet égard, varient sensiblement selon que l’on soit en France ou en Belgique. Les stages sont une piste importante pour les (jeunes) Français alors qu’en Belgique, cela passe notamment par les formations professionnelles hors entreprises et les programmes de requalification pour demandeurs d’emploi.

Stages, alternance et qualifications

La pratique de l’alternance en France présente divers avantages, tels celui de mieux préparer les jeunes à la réalité de terrain, aux besoins réels des employeurs et des clients qu’ils visent.

Cette prise précoce de contact avec les contraintes et réalités du métier a peut-être une influence sur la différence de perception que l’on relève entre Français et Belges lorsqu’il s’agit de juger de l’adéquation de la formation initiale. Si, comme on l’a vu, les deux populations estiment être généralement peu ou mal préparées aux métiers du Web, le jugement est sensiblement moins sévère du côté français (54% des répondants) que du côté belge (75%).

L’alternance peut également avoir des avantages pour les employeurs. Notamment la possibilité de mieux vérifier l’adéquation des compétences ou les potentiels des stagiaires avant d’en faire des employés. Cela permettrait de réduire quelque peu un autre phénomène détecté par l’étude. A savoir l’importante volatilité des professionnels du Web. Ils ont en effet tendance à changer souvent d’employeurs. Une instabilité qui n’a pas toujours des effets bénéfiques pour les sociétés qui les emploient. L’apport de sang neuf, en soi, est une bonne chose mais les inconvénients ont pour noms formations onéreuses dilapidées, récurrence des périodes de tutorat, d’apprentissage et d’acclimatation, manque de stabilité dans la gestion de projets à long terme…

Les taux de rotation semblent être un rien plus élevés dans la population féminine. Pour des raisons qui n’ont pas été documentées par l’étude.

Formation continuée

Si l’alternance et les “contrats de professionalisation” sont davantage des réalités françaises, la Belgique se défend par contre mieux en termes de requalification pour demandeurs d’emploi et en termes de jours de formation donnés en entreprise.

En 2011, un salarié français sur deux (parmi les personnes ayant participé à l’enquête) n’a suivi aucune journée de formation, contre seulement un Belge sur trois. Le pourcentage de personnes ayant suivi de 1 à 5 jours de formation est sensiblement similaire des deux côtés de la frontière mais, dans les autres tranches (de 5 à 10 jours et plus de 10 jours de formation), les Belges ont clairement pris les devants par rapport aux Français.

Des écarts se marquent également en matière de formation à distance ou e-learning.

Même s’il reste chez nous bien du chemin à faire en la matière, les Français sont encore plus mal lotis puisque près de 80% des répondants disent ne jamais avoir pratiqué ce genre de formation.

Pyramide des âges

Premier constat général: l’âge dicte, dans une certaine mesure, la répartition des fonctions occupées. 50% des “professionnels du Web”, dans la tranche d’âge 25-55 ans, occupent des fonctions liées à la communication et au marketing. Au-delà de 55 ans, 40% sont actifs en production ou gestion de contenus et 30% en gestion de projets.

Si l’on se penche sur les différences France-Belgique, on constate par exemple que les professionnels du Web français sont en général plus jeunes que leurs homologues belges. Un fait qui peut s’expliquer de diverses manières. A commencer par des échantillons de répondants différents de part et d’autre. Notamment dus au fait que Technofutur TIC s’adresse en priorité à des chercheurs d’emploi et personnes en reconversion professionnelle.

Toutefois, les auteurs de l’étude pointent d’autres facteurs, tels que les régimes de formation professionnelle et autres formations en alternance. En France, la pratique de l’alternance (stages prolongés, rémunérés, en entreprise pour les jeunes) a, de toute évidence, un impact sur la catégorie des moins de 25 ans. Mais l’étude relève que dans les autres tranches d’âge, le même phénomène se répète. Ainsi, les personnes appartenant à la tranche d’âge 25-35 ans sont clairement plus nombreuses (toutes fonctions confondues) en France. L’explication n’en est pas évidente. Elle pourrait tenir à plusieurs facteurs: “économie numérique [française] que les benchmarks internationaux décrivent comme plus largement développée? “effet start-up” plus prononcé?”, s’interroge l’étude. A creuser.

Plafond de verre

Si les femmes sont sensiblement plus présentes dans les métiers du Web (un tiers des répondants) que dans le monde de l’IT (on y estime généralement la part des femmes à 10 ou 15%), elles y rencontrent apparemment le même problème de blocage de carrière. Le fameux “plafond de verre” semble s’y être également installé. L’enquête relève par exemple une “sur-représentation de femmes” parmi les stagiaires et les “experts-junior”. Par contre, seuls 11% des femmes ayant participé à l’enquête (contre 19% des hommes) occupent des fonctions de direction.

Là où les femmes font jeu égal avec les hommes, c’est dans des fonctions de chefs de projet. Du moins, en Belgique. En France, elles ne sont en effet que 24% à remplir ce genre de rôle (contre 42% des femmes belges). Explication donnée par les responsables de l’enquête: “l’effet de taille des plus petites entreprises mais aussi un reflet organisationnel.”

D’autres phénomènes discriminatoires sont relevés, tels qu’un accès moindre à des formes de rémunération à volet variable, et des salaires inférieurs, alors même que leurs qualifications, à fonctions égales, sont quelque peu supérieures à celles des hommes.

L’étude passe en revue toute une série d’autres sujets et problématiques tels que

  • satisfaction des employés
  • travail en heures supplémentaires
  • rémunérations
  • avantages extra-salariaux
  • types de responsabilités et taux d’autonomie au travail
  • canaux de recrutement les plus utilisés
  • mobilité transfrontalière
  • mobilité professionnelle
  • typologie des entreprises dans lesquelles travaillent les professionnels du Web
  • etc.

Pour les découvrir, nous vous invitons à consulter les résultats exhaustifs de l’étude sur slideshare


Méthodologie de l’enquête

L’enquête, effectuée en-ligne, a été menée entre le 15 juin et le 20 août 2012.

1.131 personnes ont répondu aux quelque 50 questions posées. Parmi elles, 481 Belges (352 venant de Wallonie, 122 de Bruxelles), 606 Français (204 du Nord-Pas-de-Calais, le solde se trouvant à Paris ou dans la région parisienne) et 44 autres nationalités.