L’Agence du Numérique (ex-AWT) publie son traditionnel “baromètre”. Cette année, l’Agence du Numérique (ex-AWT) a décidé de concentrer son analyse sur les “usages numériques des citoyens wallons”.
Le rapport inclut deux chapitres sortant quelque peu du cadre “usage privé et domestique” puisqu’ils sont consacrés respectivement au télétravail (des employés) et à la (cyber)sécurité (protection – ou non – des équipements et des données à usage privé, habitudes de sauvegarde des données, problèmes rencontrés).
Que retenir de ce baromètre 2015, côté citoyen?
En gros, que les comportements et “consommations” des équipements numériques progressent évidemment de concert avec ceux de tous les usagers, d’où qu’ils viennent. Avec un effet de rattrapage qui se poursuit, voire parfois s’accélère, par rapport au quasi proverbial “retard wallon”. Avec aussi le constat que, si les schémas socio-démographiques traditionnels continuent d’influencer les taux de pénétration et d’usage, un mouvement de fond semble bel et bien être à l’oeuvre sous l’effet de la nouvelle culture numérique dont les plus jeunes générations ne veulent (plus) se priver.
Parmi les résultats marquants de l’étude de l’ADN, signalons par exemple une nette progression du mobile:
- les tablettes tactiles sont en nette progression: 40% des ménages wallons déclarent en être équipés, contre… 28% voici seulement 12 mois, Avec, comme impact, une légère diminution du taux d’équipements en ordinateurs, qu’ils soient fixes ou portables, à domicile (78% des ménages en possèdent – au moins – un, soit 2% de moins qu’il y a un an).
- si l’on regarde la situation sous l’angle du parc installé domestique (nombre d’équipements informatiques), on constate une montée en puissance des portables et tablettes: les modèles desktop n’ont plus la cote, ne représentant plus que 26% du parc total, contre 48% pour les ordinateurs portables et 26% pour les tablettes
- 39% des Wallons disposent d’un smartphone, contre 25% voici un an ; il s’agit là d’une moyenne avec d’importantes variations selon les tranches d’âge. Ainsi chez les jeunes de 15 à 19 ans, le taux d’équipement en smartphone atteint les 70% tandis que la proportion de retraités “smartphonisés” n’est que de 12%; quant aux demandeurs d’emploi, ils sont 44% à disposer d’un smartphone
- en fait, le premier facteur discriminant en termes d’équipements en smartphone semble être le niveau d’éducation plutôt que l’âge, estime l’ADN: “53% des téléphones mobiles sont des smartphones chez les personnes disposant d’un diplôme supérieur ou universitaire”, peut-on lire dans le rapport de l’ADN, “alors que ce taux tombe à 23% chez celles n’ayant pas dépassé l’enseignement primaire”
Quel usage?
Au fil des chiffres qu’elle égrène, l’étude de l’ADN révèle des tendances dans les usages que font les citoyens wallons des outils et solutions numériques. En voici un petit échantillon:
- l’ADN relève une “réticence” apparente des utilisateurs wallons à ouvrir les cordons de leur bourse pour acheter des applis pour leur smartphone: seuls 18% des personnes ayant participé à l’enquête disent avoir acheter (au moins) une appli au cours de l’année écoulée
-
seuls un quart des détenteurs de smartphone (ce qui équivaut à 9% de la population totale) l’utilisent pour effectuer des transactions en-ligne
- 78% des Wallons utilisent Internet à domicile
- 55% de la population active utilise Internet au travail – ce qui peut paraître peu mais n’oublions pas, souligne-t-on à l’ADN, que l’étude a été réalisée auprès d’un panel de personnes mêlant les catégories actives – “cols bleus autant que cols blancs”…
- le mail demeure l’application-reine en termes de solutions Internet utilisées: 89% des répondants cochent cette case ; suivent les recherches sur Internet à la recherche d’actualités (77%), pour les loisirs (74%), la préparation d’achats (74%) – ces achats pouvant se faire aussi bien en-ligne que dans le monde réel -, les opérations bancaires (69%), la fréquentation des réseaux sociaux (63%) – voir tableau ci-dessous pour une liste plus complète d’usages
- si l’on regarde les usages Internet à partir du smartphone, on relève la classification suivante: courriel (73%), réseaux sociaux (57%), messagerie instantanée (56%), géolocalisation (45%)
- les achats en-ligne progressent toutefois: 53% des Wallons ont acheté en ligne, contre 44% voici 3 ans
Télétravail encore peu pratiqué
Selon les chiffres de l’ADN (voir méthodologie en encadré ci-dessous), seuls 29% des employés (secteurs public et privé confondus) sont autorisés à télétravailler par leur employeur.
Méthodologie
Echantillon retenu pour la réalisation de ce baromètre: 2.100 personnes, âgées de plus de 15 ans.
Pour le volet Télétravail, l’ADN a interrogé 595 employés, dont 357 opérant dans le secteur privé et 238 dans le secteur public. “Les indépendants et les chefs d’entreprise n’ont pas été consultés sur ce sujet car, s’ils pratiquent régulièrement le travail à distance, ils disposent par nature d’une liberté d’organisation plus grande qui risquait de biaiser l’analyse.”
Et encore cela n’est-il autorisé que de manière ponctuelle. La possibilité pour des employés d’opérer en télétravail de manière régulière, quasi systématique (au moins un jour par semaine) ne concerne que 16% d’entre eux.
Paradoxe – ou faut-il plutôt parler de mauvais ciblage ? -, 29% des employés qui ne télétravaillent pas désireraient pouvoir le faire mais “un bon quart” de ceux qui y sont autorisés… ne le font pas.
A noter aussi que l’autorisation dépend souvent du type de fonction occupée. Souvent mais pas uniquement. L’ADN pointe en effet deux facteurs socio-démographiques particulièrement discriminants.
D’une part, les hommes semblent nettement favorisés par rapport aux femmes (37% contre 20%) et le niveau d’étude et de diplôme semble déterminant (34% de diplômés de l’enseignement supérieur ou universitaire, 27% pour ceux issus du secondaire supérieur, 13% seulement chez les diplômés du secondaire inférieur ou du primaire). Le taux d’autorisation ne varie par contre guère selon que l’on considère le secteur privé (30%) ou public (26%).
Le coworking space du BetaGroup à Bruxelles
Le travail à distance (aussi qualifié de “travail mobile” par l’ADN) se fait encore largement… à domicile: 35% des réponses de ceux qui disent travailler, au moins de manière ponctuelle, en d’autres lieux que le bureau prévu à cet effet. Ces personnes représentent 44% du total des employés interrogés.
Il arrive donc à 35% de ces 44% de travailler, de manière plus ou moins régulière, à partir de leur domicile.
Les espaces de télétravail aménagés spécifiquement dans cette optique – et l’on pense notamment aux “coworking spaces” et autres “work centers” – n’ont guère la cote: seulement 4% des réponses. Le travail hors bureau s’effectue, assez logiquement, de manière opportuniste: dans les lieux publics (12%), chez les clients ou sur chantier (également 12%) ou dans des espaces de bureaux décentralisés — lisez des filiales ou sites régionaux appartenant à une même société (17%).
Fracture numérique en résorption?
13% des ménages connectés à Internet (ils représentent 81% de l’échantillon) se plaignent de lenteur de connexion, voire de coupures intempestives.
Les résultats de l’enquête de l’ADN tendent à indiquer que la fracture numérique serait en voie de résorption.
Sous l’angle équipement et niveau de vie, les ménages qui disent avoir des difficultés à boucler leurs fins de mois font moins l’impasse sur une connexion Internet (et les frais d’équipement et de service que cela implique) que par le passé. Entre 2009 et 2014, la proportion de ménages qui disent souffrir de “difficultés” ou de “graves” difficultés en termes de revenu et de niveau de vie mais qui disposent néanmoins d’une connexion Internet a progressé en moyenne de 30%. Voir le tableau ci-après/ci-contre.
Ceux qui ont le plus de difficultés financières sont, comme on le voit dans le tableau, plus connectés. Cela s’explique en partie, selon l’ADN, par le fait qu’il s’agit souvent d’une population plus jeune qui ne conçoit pas de se priver de cet outil. “Le taux de connexion avoisine les 90% jusqu’à la tranche 50-54 ans. Ensuite, il tombe aux alentours de 70% jusque 69 ans, avant de fondre sous la barre des 50%.”
Le même constat se retrouve du côté de la détention d’un smartphone (comparé à un simple GSM): certes les ménages ayant des difficultés financières sont moins équipés que ceux bénéficiant de revenus (plus) confortables mais “ceux qui trouvent la vie très difficile sont mieux équipés (40%) que ceux qui la trouvent simplement difficile (36%).”
Autre prisme d’analyse de la fracture numérique: le taux d’équipement étudié selon le niveau d’étude du chef de ménage. Là aussi, un effet de rattrapage semble être à l’oeuvre. Les plus diplômés continuent certes d’être plus connectés que ceux ayant abandonné tôt leurs études mais “on note toutefois un net relèvement du taux de connexion dans la catégorie ayant le plus faible niveau d’éducation”, à savoir: parcours arrêté après le primaire et sans-diplômes.
En 2009, 30% seulement de ces personnes disposaient d’une connexion Internet. En 2014, le pourcentage à quasi doublé, passant à 56%.
Pour la tranche de personnes détentrices d’une formation arrêtée après le secondaire inférieur, on note aussi un petit regain de taux de connexion: 73% au lieu de 63%, cinq ans auparavant.
Sur base des chiffres récoltés, l’ADN a encore étudié l’évolution de la fracture numérique sous d’autres angles, s’intéressant par exemple à l’impact de la pénétration des tablettes auprès de la population. En la matière, le constat, pour l’instant, est que cet impact est quasi nul dans la mesure par exemple où les personnes qui, pour leurs besoins privés, ont purement et simplement abandonné l’ordinateur (fixe ou portable) au profit de la tablette se situent encore essentiellement dans les rangs des employés “qui disposent probablement d’un ordinateur au travail” et des retraités et – surtout – “très majoritairement dans les classes de revenus élevés”. Ce qui amène l’ADN à conclure que, pour ce scénario spécifique (usage exclusif de la tablette dans la sphère privée), “Il n’y a donc pas vraiment d’effet tablette sur la réduction de la fracture numérique.”
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