Lors du rachat intégral d’IRIS par le groupe Canon – et depuis cette date (il y a deux ans) -, les doutes, voire suspicions, n’ont pas manqué d’être formulés et d’arriver jusqu’aux oreilles de Pierre De Muelenaere. La perplexité est même venue des rangs-mêmes d’IRIS. Pourquoi passer sous le joug de Canon? Qu’allait bien pouvoir espérer, pour son avenir, une société belge, somme toute modeste, dans l’immensité de la structure d’une société japonaise? N’allait-elle pas y perdre son âme, sa culture, sa raison d’être? Les talents n’allaient-ils pas déserter ou ne plus être attirés par elle?
Découvrez, dans la suite de cette article réservée à nos abonnés Select et Premium, comment Pierre De Muelenaere, fondateur et patron d’IRIS pendant plus de 30 ans, juge les perspectives
A toutes ces questions, Pierre De Muelenaere oppose une réponse qui n’a pas varié depuis l’époque du rachat. La raison de cet arrimage au géant japonais était d’ouvrir de nouveaux horizons et de nouveaux potentiels commerciaux, en particulier en Asie et aux Etats-Unis. Les choses, à cet égard, semblent prometteuses. Voir notre autre article.
Un ancrage local confirmé?
N’en restent pas moins les questions et les inquiétudes sur le maintien, en Belgique, d’un savoir-faire, d’un potentiel de recherche et d’innovation, d’un acteur qui soit synonyme d’emplois et de génération de valeur locale… Quelles garanties IRIS a-t-elle reçu à cet égard?
Pierre De Muelenaere: “Si l’on aborde la question de manière négative, on peut dire que personne, jamais, ne peut donner de garantie. Tout comme on ne peut jamais garantir qu’une société ne tombera pas en faillite… Mais de manière plus positive, le fait demeure que la société a dans son ADN la volonté de toujours développer les meilleures technologies possibles et de démontrer qu’elle est la meilleure. Avec les meilleurs ingénieurs, les plus motivés.
Pierre De Muelenaere: “La stratégie d’acquisition et le modèle de fonctionnement de Canon vont dans le sens d’une diversification des activités de recherche dans le monde. En quelque sorte, c’est de la décentralisation des risques de la recherche.”
Que l’on soit dans ou en dehors de Canon n’y change rien. Car si l’équipe d’un concurrent ou au sein d’une autre entité du groupe fait mieux que nous, alors nous avons un gros problème. Il y a non seulement la concurrence externe mais aussi la concurrence interne, au sein de Canon. Les critères de réussite restent donc les mêmes.”
“Ceci étant dit, le contexte ne change pas [par rapport à notre période indépendante]. La stratégie de Canon n’est pas de racheter une société pour la tuer, pour récupérer ses compétences et ensuite licencier les ingénieurs. Sa stratégie d’acquisition et son modèle de fonctionnement vont dans le sens d’une diversification des activités de recherche dans le monde, de création de pôles de recherche dans différentes géographies. En quelque sorte, c’est de la décentralisation des risques de la recherche, avec une spécialisation par zones géographiques et une approche de complémentarité.
Canon Europe, c’est quelque 400 personnes en recherche logicielle. Canon poursuit clairement une stratégie d’excellence de développement en Europe.”
Et de rajouter: “Nous avons rejoint Canon parce que le faire nous permettait de réduire le niveau de risque, avec des perspectives et un potentiel de collaboration plus élevés [que si nous étions restés indépendants]. Le but était de réaliser avec Canon au moins l’équivalent du business que nous générons avec tous nos autres partenaires réunis – IBM, HP, Microsoft… C’était le but et c’est le cas.”
Une innovation “inspirée” par Canon
“Je n’ai jamais eu peur de voir se perdre notre capacité d’innovation. Dans notre secteur, en effet, tout le business est basé sur l’innovation. On ne peut pas rentrer dans le groupe Canon et arrêter d’innover. Au contraire, cela nous pousse à innover puisque toute la valeur pour le client est essentiellement basée sur le fait d’intégrer IRIS dans l’écosystème de Canon.”
Pierre De Muelenaere prend un exemple: “Vendre un lecteur de factures seul n’a pas beaucoup de sens. Il s’intègre en effet dans une chaîne de production.
Il est évident que, sur la feuille de route d’une société comme IRIS, à un moment donné, on n’a que deux possibilités. Soit travailler avec des partenaires qui intègrent notre solution dans leur offre. Soit prendre une approche plus stratégique, se rapprocher d’un grand acteur et développer nous-même, avec lui et avec des moyens accrus, des solutions intégrées. Et ces solutions représentent un potentiel d’innovation énorme. C’est pour cette raison que j’ai toujours vu et expliqué le projet Canon comme un projet technologique.
Une des manières de mesurer l’innovation est de regarder le nombre de brevets déposés. En la matière, ces dernières années ont été une période relativement intense pour IRIS.”
Nombre de brevets déposés et octroyés (en Belgique, aux Etats-Unis et au Japon)? Le total était de 7 en 2011. Il est aujourd’hui de 23, avec une nette augmentation (9) en 2014 et 2 au compteur pour cette année (non bouclée). Sur les 23 brevets engrangés, 12 ont été octroyés aux Etats-Unis (OCR, compression de documents, applications mobiles, traitement d’image…).
Le modèle que la société compte bien continuer à appliquer? “IRIS dispose des droits, vend aux entités Canon, protège ses inventions.”
Qu’en est-il de la liberté qu’a (encore) IRIS de décider du type d’innovations sur lesquelles elle veut plancher? “L’activité reste une activité IRIS mais pour laquelle, depuis 2013, nous recevons un certain nombre de recommandations de la maison-mère. Canon estime qu’IRIS fait du bon boulot en termes de dépôt de brevets mais qu’elle devrait envisager de déposer des brevets dans un plus grand nombre de pays que ce ne fut le cas jusqu’ici. Et Canon intervient dans les discussions relatives aux domaines dans lesquels il serait bon de disposer de brevets d’innovation.
Il y a donc un travail de collaboration et de synchronisation. Tout ce qui est produit actuellement est surtout le résultat d’un effort IRIS. L’effort futur tiendra compte d’un certain nombre de souhaits de la maison-mère.”
La stratégie de la société pourrait-elle s’en trouver réorientée? “Ces dernières années, IRIS a d’ores et déjà lancé et réalisé de nombreux projets qui sont directement “inspirés” de Canon. Le projet uniFlow en est un bel exemple. La tendance existe déjà et va forcément se poursuivre…”
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