Une invest est en principe cantonnée sur son propre territoire. Sauf que… ce n’est pas une règle absolue. Il y avait déjà une exception, due à l’historique. InvestSud, qui démarré comme un acteur public (du temps de la SNI) a été privatisée avant de retomber (en partie) dans le camp du public. Constituée à l’origine pour redynamiser le tissu des PME dans le Sud du pays, elle en a gardé des traces. Son champ d’action s’étend ainsi à trois provinces: Namur, Liège et Luxembourg.
Une autre “nuance” à apporter à l’ancrage territorial se fait aujourd’hui jour, à la faveur de la création des “sous-invests” spécialisées dans le financement de spin-off et start-up. Si, en principe, elles sont chacune associées à une province déterminée, dans la pratique, leur “terrain de chasse” semble faire fi de cette segmentation territoriale.
Extra-territorialité
Ainsi LeanSquare (ex-Activ’Up), structure d’accompagnement de jeunes pousses innovantes créée par MeusInvest et basée à Liège, ne limitera pas son activité à des projets principautaires. La preuve en a déjà été donnée lors de la sélection des huit premiers projets accompagnés. “La notion de territorialité [qui veut qu’une invest se concentre sur sa région] est plus élastique lorsqu’il s’agit d’accompagnement de start-up dans la mesure où la logique d’intervention est différente”, déclare Gaëtan Servais, directeur général de MeusInvest.
“Le but recherché par LeanSquare est de recréer un nouvel écosystème auquel participent les start-ups. Aujourd’hui, les start-ups travaillent de manière décloisonnée. Nous n’allons donc pas cloisonner notre propre approche. Nous n’exigeons par ailleurs pas des start-ups que nous accompagnons qu’elles restent sur le territoire de la province de Liège. Nous ferons le bilan après deux ou trois ans. Mais il n’y a aucun problème fondamental pour nous à avoir une participation, via le Fonds Start-up Invest, dans une start-up bruxelloise par exemple. L’important est que cette dernière ait participé au foisonnement local [liégeois] et à l’éclosion d’autres start-ups de LeanSquare. Nous appliquons donc au monde des start-ups la même philosophie que celle mise en oeuvre pour notre Fonds Spinoff [SpinVenture].”
Gaëtan Servais (MeusInvest): “L’important est que la jeune pousse ait participé au foisonnement local et à l’éclosion d’autres start-ups.”
Prenons encore un autre exemple, quelque peu différent dans l’approche menée. La Financière Spinoff Luxembourg, entité d’InvestSud, se concentre, quant à elle, davantage sur la province de Luxembourg (alors que sa maison-mère, on l’a vu plus haut, peut couvrir 3 provinces). Le recentrage luxembourgeois est induit par le fait que sa création a été définie par la Région. Mais il n’y a pas pour autant de carcan géographique: “Si le pipeline de dossiers s’avérait trop faible”, indique Pierre Detrixhe, “rien ne nous empêcherait d’agir pour amener davantage d’activités vers la province en agissant ailleurs, en étudiant des dossiers venus du Hainaut, de Louvain-la-Neuve, de Namur… On l’a déjà fait et on a défendu cette approche auprès des autres invests en leur faisant valoir qu’intervenir à deux [invests] sur un même dossier permet d’avoir plus d’impact, en multipliant par deux le niveau d’investissement [on évite ainsi la barre des 500.000 euros] et on dilue le risque…”
NivelInvest, on le verra dans l’article que nous lui consacrons dès ce vendredi, ne raisonne pas autrement.
Certaines invests publiques… se retrouvent aussi au capital d’invests et fonds privés. NivelInvest, par exemple, a investi dans VIVES et dans Internet Attitude. La Financière Spinoff Luxembourg a eu des contacts avec le fonds VIVES et le fonds d’investissement de Be Angels mais n’a finalement pas donné suite.
Un “shopping” contre-productif?
Les interventions conjointes d’invests sont aussi un phénomène de plus en plus courant. Histoire, notamment, ce “fédérer les risques” que représente un investissement dans une start-up qui a d’importants besoins de financement, comme le souligne Pierre de Waha, directeur Investissement chez NivelInvest. Cette dernière a par exemple fait équipe avec InvestSud et SambrInvest pour financer la société Promethera Biosciences (pharmaceutique). Un trio qui a pu invoquer des arguments géographiques pour cette démarche conjointe (spin-off de l’UCLouvain basée à Mont-Saint-Guibert, Promethera dispose d’une unité de production à Gosselies et collabore avec des chercheurs près de Marche…).
Le panachage n’enfreint en outre pas les règles d’ancrage géographique lorsqu’une start-up ou spin-off décide d’ouvrir une antenne ou un site d’exploitation sur un territoire distant de sa terre natale… L’opportunisme se trouve donc des deux côtés de la table.
D’une part, les invests (ou certaines d’entre elles) veulent attirer des jeunes pousses originaires d’autres sous-régions, afin de renforcer leur portefeuille et de gagner en visibilité/crédibilité/visibilité. De l’autre, les start-ups veulent profiter au maximum de la manne publique en faisant leur “shopping”, leur petite tour des crémeries.
Ce qui pousse certains observateurs à dire qu’il faudrait peut-être s’orienter vers une spécialisation des structures. Dans le notre petite série d’interviews pré-élections (permettant aux acteurs de terrain d’exprimer leurs souhaits et idées pour le secteur IT), nous avions par exemple rencontré Olivier de Wasseige, directeur du fonds privé Internet Attitude. Voici ce qu’il déclarait: “Pour ce qui est du financement des entreprises ) surtout dans une région de la taille de la Wallonie -, il faut rationaliser, en se basant sur des relais locaux verticaux (spécialisés) afin d’éviter de voir, comme c’est le cas actuellement, de nombreuses jeunes pousses choisir leur localisation après avoir fait le tour des invests publiques et choisi le plus offrant.”
Une pratique qui s’applique aussi d’ailleurs aux incubateurs et autres structures d’accompagnement.
Ce phénomène, bien que compréhensible dans le chef de start-ups qui cherchent à se donner des moyens d’existence, n’est pas forcément sain ni efficace. Si on y ajoute ce qui semble être une tendance à la “délocalisation” des invests, via leurs filiales spécialisées en start-up/spin-off, on risque d’émietter encore davantage le paysage, de le rendre illisible, inefficace. On risque de voir naître une lutte concurrentielle – voire fratricide – entre invests qui ne sera pas forcément stimulante, ni porteuse de valeur ajoutée.
Lire par ailleurs
MeusInvest: “impulseur” de start-ups, aussi en B2C
LeanSquare, “chaînon manquant” de l’aide aux start-ups?
A suivre, dès ce vendredi…
Financière Spinoff Luxembourg: “une composante d’un contexte plus global’
NivelInvest: le risque, mais pas sans filets
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