La troisième édition de la conférence ICT Day Liège s’est tenue jeudi dernier. Avec pour ambition d’amener les participants à phosphorer sur le potentiel du numérique et sur des idées de projets qui, à plus ou moins long terme, pourraient prendre forme dans la réalité et contribuer à faire de Liège (lisez: la communauté urbaine liégeoise) une “métropole intelligente.”
Les participants étaient venus d’horizons multiples: milieux académique, hospitalier, commercial, enseignant, start-ups ou sociétés déjà bien établies, éditeurs de logiciels, centres de recherche, consultants voire simple citoyens-témoins, tel ce représentant d’une association de patients…
La journée avait dès lors été organisée essentiellement autour d’ateliers, de tables d’“idéation”, organisés selon 6 pistes thématiques: l’innovation et le progrès numérique dans l’éducation, les soins de santé, la mobilité, l’économie, l’énergie, le “vivre ensemble” (habitat, lieux de travail, cohésion sociale, modes de consommation).
Concrétiser…
A l’issue de la journée, 15 projets ont été esquissés. Ils ne sont pas destinés à rester lettre morte ou de simples exercices théoriques éphémères mais seront à court terme analysés, décortiqués par un groupe de suivi qui réunira les personnes qui ont piloté les 6 ateliers, des collaborateurs du CETIC, des représentants de la Région et de l’association Liège Together ou encore du Smart City Institute liégeois.
Objectif: “évaluer leur faisabilité, identifier des pistes de financement possibles et mettre en chantier des projets-pilote.” Sans oublier – c’est lié aux deux derniers éléments cités – leur présentation aux autorités régionales. Avec l’espoir que certains des projets-pilote imaginés retiennent l’attention et puissent rentrer en ligne de compte pour des financements wallons (Plan numérique ou Plan Marshall) ou européens.
Ce n’est dès lors pas sans raison ni arrière-pensée que le Ministre Marcourt avait été invité à assister à la séance de clôture de l’ICT Day 2015 de Liège. Séance pendant laquelle furent présentés les résultats des travaux. Beaucoup, dans l’assistance et parmi les organisateurs, attendaient avec impatience son exposé, dans l’espoir d’en apprendre plus sur le futur Plan numérique.
Malheureusement pour eux, il n’y eut aucune (pré-)annonce. Mais une petite phrase sur le timing n’a pas échappé aux participants. Voir à ce sujet notre autre article.
6 thèmes, 15 projets
Mais revenons-en aux projets imaginés par les 6 ateliers de l’ICT Day 2015. Petit tableau récapitulatif…
Domaine | Projets-pilote |
Education | communauté d’échanges de savoirs entre enseignantsréseau social “à la Facebook ou LinkedIn”, dédié à l’enseignement portail participatif dédié à la formation en alternance |
Santé | solutions plaçant le patient au centre du processus (accès et constitution de son dossier médical)application pour encodage de ses propres données santé, avec lien vers le dossier médical officiellivre de santé |
Mobilité | portail de gestion multimodale (voiture-vélo)trottoir “intelligent” – alliant production d’énergie et analyse de données de flux piétonportail et appli pour véhicule urbain partagé autonome |
Economie | plates-formes de services mutualisés pour e-commerçants locauxgamification pour intégration de la dimension Internet des Objets |
Vivre-ensemble | portail Smart Quartierréseau social de quartier (projets participatifs, micro-financement…) |
Energie | – plate-formes d’expérimentation documentant l’optimisation des coûts énergétiques (environnements industriels et urbains) |
Dans la suite de cet article, réservée à nos abonnés Select et Premium, les détails de ces projets et de la réflexion qui les sous-tend.
L’atelier “numérique et éducation” a plongé les participants dans une réflexion sur les problèmes d’adoption du numérique (outils et méthodes) des différentes parties prenantes et sur la manière de rapprocher, de faire interagir et s’auto-enrichir les différentes générations. Avec, comme fils rouges, le “qui forme qui?”, le besoin de vigilance, d’accompagnement, de définition de balises dans l’usage que font les jeunes générations (mais pas uniquement elles) du numérique.
“Ce qui nous préoccupe surtout”, soulignait par exemple Bernard Rentier, ancien recteur de l’ULg et actuel président du conseil d’administration d’Enabling Open Scholarship (EOS), “c’est d’outiller les futurs citoyens en valeurs autant qu’en outils numériques. La jeune génération ne sait pas encore comment gérer ces outils en conservant les valeurs démontrées par le passé.”
Bernard Rentier: “outiller les futurs citoyens en valeurs autant qu’en outils numériques.”
En tenant compte de ces besoins perçus de “balises”, de potentiel de transformation pédagogique qu’apporte le numérique, et d’intégration “tradition-innovation”, trois projets ont été imaginés:
- Teachcom: une communauté d’échanges de savoirs entre enseignants – un espace virtuel mais aussi une dimension physique, faite de rencontres régulières, thématiques, entre enseignants “chevronnés” et jeunes débutants, dédiées à l’expérimentation des nouvelles technologies et méthodes
- LinkSchool: un réseau social “à la Facebook ou LinkedIn”, dédié à l’enseignement – un espace numérique partagé où professeurs, élèves et pouvoirs organisateurs puissent “créer un réservoir de savoirs et de talents pour favoriser les échanges intra et extra muros.” On y retrouverait des pages de projets, des outils et espaces d’échange… “En tant que tel, LinkSchool ferait aussi fonction d’outil d’éducation des jeunes à l’usage pertinent des réseaux sociaux”, soulignait Bruno Schröder (Microsoft). Du learning by doing, en quelque sorte
- AlterKit: un outil dédié à la formation en alternance, qui collecterait les informations portant sur les expériences vécues par les élèves suivant ce genre d’apprentissage. Outre des données purement administratives sur les stages, on y trouverait surtout des rapports d’apprentissage (à rédiger par les élèves eux-mêmes), des idées et bonnes pratiques, des échanges entre élèves, écoles et entreprises…
Bruno Schröder (Microsoft): “Le numérique induit une évolution rapide. On restera donc toujours dans une situation d’incertitude. Dès lors, il est impossible d’attendre que les choses se stabilisent pour faire quelque chose. Il faut s’engager dans un chemin en faisant sienne une agilité mentale et organisationnelle.”
Améliorer la continuité des soins
Dans l’atelier Santé, l’attention s’est concentrée sur la continuité des soins, autrement dit sur la manière, grâce au numérique de placer le patient au centre de son trajet de soins, souvent caractérisé par des étapes et intervenants disparates (généraliste, hôpital, spécialiste, pharmacien, revalidation, maison de repos…).
Si des éléments de base ont déjà été mis en place (dossier patient informatisé en hôpital, Réseau Santé Wallon-RSW pour les échanges de données…), une rapide estimation de l’état de maturité locale a par exemple permis de pointer le RSW au niveau “3, voire 4” sur l’échelle de maturité “continuity of care maturity model” imaginé par le consultant américain HiMMS Analytics.
Philippe Kohl (CHU de Liège): “Replacer le patient au centre du processus. Veiller à une information qui soit compréhensible et accessible par lui et permettre qu’elle soit relayée d’un acteur à l’autre.”
Stade honorable, avec des atouts tels qu’un dossier patient normalisé et une “interopérabilité structurée” entre acteurs de soins de santé, mais encore insuffisant.
Les 3 projets imaginés par les participants de cet atelier ont dès lors pour but de passer au niveau 5 (le modèle de maturité compte 7 degrés). A savoir:
- mettre en oeuvre de nouvelles méthodes et potentiels de telle sorte, d’une part, que le patient se retrouve réellement au centre du processus et puisse alimenter son dossier médical et accéder à ses données et, d’autre part, que tous les acteurs – en ce compris donc, par exemple, les maisons de repos, les kinés, logopèdes, pharmaciens… – soient interconnectés
- développer une application “intelligente, mobile et conviviale” qui permette non seulement au patient d’encoder ses propres données santé, “de manière manuelle ou semi- voire totalement automatique”, mais puisse également les “lier à des éléments existant déjà dans son dossier médical officiel”
- imaginer un “livre de santé”, qui inclue notamment des données provenant d’objets connectés ou des informations de type “ressenti”; cet espace virtuel permettrait au patient et au soignant d’échanger et de partager des informations, pas uniquement sur l’acte effectué (consultation, examen…) mais aussi sur l’après-acte.
Citoyen-contributeur
L’atelier Mobilité s’est concentré sur les problèmes de congestion des transports (routiers et publics), de multimodalité et sur le phénomène naissant de l’économie de partage. Trois idées de solutions en ont émergé:
- une solution Park & Bike, portail et appli faisant la promotion du couple voiture (électrique ou non)-vélo. Ou comment désengorger le centre-ville en solutionnant le problème du “dernier kilomètre”
- un projet de “trottoir intelligent” ou, plus exactement éco-socio-responsable, avec des dalles piézoélectriques qui génèrent de l’énergie, ainsi que des capteurs qui enregistrent et permettent l’analyse des données de flux de piétons (ces derniers étant “rétribués” pour la valeur qu’ils génèrent ainsi, simplement en marchant)
- une idée de véhicule urbain partagé autonome (sans conducteur), avec tous les défis que cela suppose en termes de circulation automatisée en espace urbain. D’où une faisabilité imaginée dans une perspective à moyen terme (10 ans?).
L’atelier “numérique et économie” s’est concentré sur le thème de l’e-commerce et, plus spécifiquement encore, sur le secteur des e-commerçants locaux. Les participants ont redit l’importance d’imaginer des plates-formes de services mutualisés pour commerçants de proximité mais en ajoutant une petite originalité. A savoir: lier commerce et tourisme. Autrement dit, intégrer dans la plate-forme des informations et outils couvrant tout ce qui fait l’entourage urbain du commerce: loisirs, culture, festivités…
Autres recommandations: la nécessaire assistance des petits commerçants pour leur faire appréhender les ficelles du numérique et la prise en compte du phénomène des objets connectés en misant sur une certaine dose de gamification.
Jean-Claude Marcourt: “Même si le rôle des villes est appelé à évoluer – plus besoin de s’y rendre pour travailler ou pour y faire ses achats -, il faut défendre le concept de “smart city”, notamment dans sa dimension de relation nouvelle du citoyen avec l’administration. Il faut préserver l’attractivité des villes et leur donner de nouveaux atouts.”
Passons plus rapidement sur les projets imaginés dans les chapitres énergie et vivre ensemble. Lors de l’atelier “numérique et énergie”, les participants ont identifié une opportunité de créer une plate-forme de réflexion et d’expérimentation visant à optimiser les coûts énergétiques. Quatre projets-pilote pourraient ainsi voir le jour. Deux concerneraient des sites industriels (grosse industrie, zoning) tandis que deux autres seraient plus orientés “urbain” (quartier d’habitation, bâtiment universitaire). Objectif: “acquérir des connaissances, étudier les scénarios, lancer des réalisations.”
Enfin, l’atelier Vivre ensemble a planché sur deux idées de projets: une plate-forme Smart Quartier (infos, agenda, espace d’achats solidaires…) et un projet de réseau social de quartier où les habitants peuvent “mettre en réseau leurs projets, compétences et moyens financiers du genre crowdfunding ou e-monnaie locale…”
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