La réforme était annoncée depuis belle lurette. Et le temps presse désormais pour la mettre en oeuvre puisque l’ancien décret, qui datait de… 2002 et avait clairement vieilli, sera officiellement mort et enterré au 31 décembre. Un nouveau décret prendra effet au 1er mars. Oui mais… Nous vous en parlons plus en détail dans cet autre article.
Ces derniers mois, certains mécontentements se sont fait plus francs et audibles du côté des conseillers Rentic (responsable intégration e-business et ICT) labellisés par la Région wallonne.
Les grommellements, chez certains, se transforment en fronde. A tel point que certains d’entre eux envisagent de déclencher une action commune à l’encontre de la Région…
En cause, à la fois un cadre d’intervention qui ne correspond plus guère aux besoins et attentes des entreprises, un mécanisme d’octroi des primes qui semble s’être grippé depuis quelques mois, et – surtout – un manque total de visibilité sur le traitement des dossiers en souffrance et sur les nouveaux mécanismes en préparation.
Depuis des mois, aucune explication claire sur l’avenir de leur statut, de leur labellisation et, surtout, des modalités qui gouverneront les prochaines formules mises en place n’a été donnée. De premiers éclaircissements se font jour, sous forme de promesses – que vous pourrez découvrir dans notre autre article.
Un système dépassé
Les aides Rentic et e-business, pour ne parler que d’elles, n’étant plus adaptées au contexte et aux besoins et ayant provoqué, dans certains cas, un effet d’aubaine, une refonte était nécessaire. Petit rappel.
Le principe des aides Rentic a été mis en oeuvre, voici donc plus de 10 ans, dans le but d’“inciter les entreprises à utiliser les nouvelles technologies ICT”, en octroyant une prime aux PME wallonnes qui font appel à un consultant (labellisé par la Région wallonne) afin de les aider à “étudier, conseiller ou assurer la gestion, le suivi ou la mise en place de projets e-business qui contribueront à optimiser le fonctionnement, les investissements, la gestion… de la société.”
La prime sert à couvrir une partie de l’intervention du consultant – jusqu’à 80% du coût, plafonné à 60.000 euros par an (l’intervention du consultant pouvant durer de 3 à 12 mois).
Une chose est sûre, la prime octroyée pour le développement d’un site e-business disparaîtra purement et simplement. Pour cause d’obsolescence mais aussi parce que le marché a largement mûri entre-temps: les risques associés à la conception d’un tel site ont diminué; les prestataires aptes à réaliser ce genre de solution se sont aguerris; les conseils d’un Rentic, pour éviter les “accidents de parcours”, sont devenus moins indispensables; et, par ailleurs, la “transformation numérique” a largement dépassé le seul “outil” d’un site e-business. Voilà pour les raisons citées officiellement.
Dernière précision en mode rétro-acte: les consultants Rentic, en Wallonie, il en existe de tous poils. Des profils qui présentent des compétences davantage orientées ERP, e-business, e-marketing, SEO, analyse fonctionnelle, réseaux, réseaux sociaux, user experience, sécurité, modélisation de données, gestion de projet…
Du nouveau mais encore nimbé d’incertitudes
Le nouveau décret entrera en vigueur début mars 2017. Un nouveau portefeuille d’aides, suivant le principe de “chèques”, entrera alors en jeu. Plusieurs types de chèques ont été prévus: transformation numérique, industrie 4.0, cyber-sécurité, communication, export. Pour divers types d’intervention: de la formation, de l’accompagnement (“coaching”), de la consultance. Lire notre autre article pour plus de détails.
Une plate-forme pour la gestion du processus d’octroi devrait être opérationnelle début avril. Qui la pilotera? La DG06 semble devoir prendre la main.
Quelles seront les modalités de fonctionnement pour les consultants agréés?
Le statut de Rentic devrait être remplacé par un nouveau statut de consultant agréé. Mais agréé par qui? Comment? Selon quelles règles nouvelles?
C’est là que les consultants Rentic estiment que la bouteille contient une encre (encore) trop opaque, sans qu’on libère le bouchon…
Côté “chèques”, les questions se bousculaient également dans leur tête. Quelles en seront les modalités? Quelle en sera la valeur, selon quelle gradation, pour quel type de projet ou de prestation? Le concept de “transformation numérique”, à lui seul, recouvre une multitude de scénarios possibles. Combien d’entreprises pourront en bénéficier? Quelle sera l’importance de l’enveloppe globale? Doit-on s’attendre à une précipitation pour être les “premiers arrivés, premiers servis”?
L’intention, avec la mise en oeuvre du nouveau système, est, d’une part, de faciliter le processus d’aide pour les entreprises qui initient des projets (orientés “Industrie 4.0” ou “transformation numérique”, notamment). D’autre part, de mettre un terme à un système qui avait parfois créé des effets d’aubaine.
Intention louable mais, en dépit des premiers éclaircissements donnés (une fois encore nous vous renvoyons à notre autre article), l’incertitude demeure sur certains points et continue de soulever des interrogations.
Faciliter le processus pour les entreprises. Soit, mais la promesse d’obtenir une réponse (positive ou négative) dans les 5 jours soulève d’office une question de logique. En cas d’afflux de dossiers (sous l’effet du “y en aura pas pour tout le monde”), y aura-t-il assez de bras et de paires d’yeux pour jauger la pertinence de leur contenu?
Ou accordera-t-on des chèques, selon le principe de confiance (dont il est aussi question), jusqu’à ce que le tiroir soit vide?
En quoi ce système empêchera-t-il, mieux que le système actuel, les abus, les effets d’aubaine et les dérapages?
Contrôle a posteriori
Le principe de chèques modifie la structure de la charge financière. Jusqu’ici, qui disait prime impliquait que, bien souvent, la société avance les fonds, paie son prestataire (en l’occurrence le consultant) avant de recevoir la prime qui allégeait sa douloureuse.
Désormais, avec le principe des chèques, la société s’en va réclamer sa ristourne auprès du consultant. Et ce dernier n’est remboursé du chèque.
C’est du moins une disposition qu’on dit figurer dans les modalités prévues. Et cela inquiète beaucoup certains consultants. Une “mission” – même si elle n’implique que quelques jours d’intervention – peut en effet s’étaler sur plusieurs mois, voire trimestres. Il faudrait donc attendre et pré-financer une partie de leur prestation au client.
Parmi les plus pessimistes ou perplexes, certains pointent le risque de ne pas recevoir du tout la valeur du chèque… si, entre-temps, “les robinets ont été fermés”. Ils évoquent, à cet égard, cette autre caractéristique nouvelle du futur système qui permettrait de modifier la portée voire les modalités du décret par simple arrêté ministériel. C’est sans doute là faire un procès (anticipé) d’intention aux instances publiques mais c’est une crainte et une critique bel et bien formulée…
Pas de panique…
Tant du côté du cabinet Jean-Claude Marcourt que de sources proches de l’Administration, on se veut rassurant: “la volonté du législateur est d’assainir afin de repartir sur de bonnes bases. Il y a un réel mouvement et changement à l’oeuvre. Les choses bougent beaucoup pour assainir et régler le problème au plus vite.”
Les Rentic, eux, n’ayant pas été informés jusqu’ici et voyant les choses bloquées depuis trop longtemps à leurs yeux, n’étaient pas rassurés. Les plus inquiets, évidemment, sont ceux dont les activités sont majoritairement placées sous la casquette Rentic…
Dans l’expectative, certains sont tentés de rentrer autant de dossiers que possible avant la date-butoir de fin décembre. Mais l’accusé de réception qu’ils recevront ne vaudra pas nécessairement garantie que le dossier à financer soit jugé conforme, complet, pertinent… Ce ne serait d’ailleurs pas, dans un tel contexte de précipitation, faire preuve de bonne gouvernance.
On attend vraiment avec impatience que les modalités soient précisées. On y travaille d’arrache-pied du côté des instances responsables, nous promet-on. Et on attend plus d’éclaircissements sur le sort qui sera réservé aux dossiers en attente: rentrés, approuvés, mais non encore honorés (financièrement) par la Région.
L’ancien système. Grippé ou gelé?
Alors qu’un dépôt d’un dossier, selon les termes du dispositif actuel, donne lieu à une réponse dans les 100 jours, nombre de dossiers, depuis près de deux ans, semblent avoir pris le chemin des écoliers. Certains dossiers déposés à l’été 2015 n’ont eu droit à une signature de convention que… 10 mois plus tard, sans pour autant que les avances de trésorerie soient versées.
La chose ne va pas sans conséquence pour les consultants qui disent perdre des clients. Soit les entreprises abandonnent purement et simplement leur projet, soit se lancent à l’eau sans aide – avec les risques d’inefficacité et les désillusions que cela implique.
Les critiques se font acerbes dans la bouche de certains consultants. Du genre: “des budgets sont votés et libérés pour les start-ups tandis que les aides aux investissements pour des sociétés déjà existantes ont diminué de moitié en l’espace de 18 mois.”
Pourquoi cette lenteur, ce manque de réactivité, l’impression qu’ont certains que plus de dossiers sont refusés? Qualité ou justification insuffisante? Manque de budget? Gel de la procédure en attendant qu’un nouveau décret ne soit concocté? Difficile de savoir ce qui a pesé le plus dans la balance ou, plus exactement, sur le frein.
Une certaine dose de refus et de lenteur est sans doute à attribuer à la volonté de freiner l’effet d’aubaine. Voici ce qu’en dit un Rentic: “Tout qui dispose d’un numéro de TVA en Wallonie et qui sait formuler une demande de manière intelligente pouvait obtenir une aide. Cela pousse certains à en tirer parti.” Lisez: à abuser de cette manne. Même si des dossiers ont en effet été refusés en invoquant le fait que les développements concernés ne rentraient pas dans le cadre strict du décret initial – et, pour cause, puisque tout ce qui est projet impliquant des tablettes ou du référencement social n’était en effet pas imaginable en 2002…
On jugera sur pièce de l’aptitude du nouveau système à y mettre bon ordre.
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