Egalité d’accès aux nouvelles technologies, équité numérique, Internet social et citoyen, inclusion sociale. Le colloque consacré à la fracture numérique s’est tenu dans les locaux du Sénat de Belgique ce 21 février, à l’initiative de la sénatrice Olga Zrihen.
Olga Zrihen: “Le transfert de compétences de la sixième réforme de l’Etat peut nous donner une nouvelle marge de manœuvre, notamment en effectuant des points de comparaison au niveau des différentes régions.”
Traditionnel rendez-vous, ce colloque a pour but de faire le point sur les caractéristiques et enjeux de la fracture numérique (que l’on veut rebaptiser pudiquement “inclusion numérique”) et sur la manière d’y apporter des réponses.
Parmi les messages à retenir à l’issue de l’édition 2014: la fracture numérique est toujours bien présente mais son visage est en constante mutation. Dès lors, le besoin se fait pressant de repenser les solutions dans une optique plus transversale.
C’est le message que faisait notamment passer Pierre Lelong, chef de projet du Pôle Ressources & Diffusion auprès de Technofutur TIC, centre de compétences wallon: “Voici une quinzaine d’années que nous sommes partis du principe que le numérique pouvait être un outil d’inclusion sociale et économique. La culture et les emplois numériques sont les enjeux de demain.
De nouveaux mouvements vont dans ce sens. Ici et là, dans des régions désindustrialisées, des “Makers” partent de la technologie pour recréer du service communautaire. Les pouvoirs publics ont une réflexion à mener et un rôle majeur à jouer pour définir des espaces publics numériques communs. Il faut repenser le dispositif dans une logique transversale”.
Des bibliothèques inclusives
Une transversalité qui peut se traduire par une logique de partenariat “augmentée “ comme l’illustrent les deux exemples de politiques publiques d’inclusion numérique retenus lors du colloque.
Tout comme les médias et modes de communication se diversifient, la remédiation doit s’adapter. Bienvenue dans le monde des bibliothèques inclusives.
Roseline Lemaire, de l’EPN Malmedia: “La bibliothèque est un pilier de la vie culturelle locale de Malmedy. Toute son infrastructure est traversée par le numérique. Notre plan stratégique inclut le développement des pratiques d’écriture et de lecture numériques.” En virtualisant les lieux de rencontre…
“Avec le projet Hors Champ, nous sommes allés à la rencontre des jeunes dans les communes de Malmedy, Waimes et Vielsalm. Non pas dans la bibliothèque, mais là où étaient, dans les cours de récré, les arrêts de bus. L’idée: surfer sur leur capacité à utiliser les nouveaux médias et définir avec eux leurs différents canaux de lecture. Pour nous, cela a été une révolution. Le projet a touché 1.200 jeunes! Fort de cette action, nous avons décidé d’élargir les publics en nous adressant à différentes catégories d’âge.”
Les projets se font plus diversifiés (reportage photographique, roman photo, documents sonores…) et “permettent aux participants de lire autrement le monde qui les entoure, de tisser de nouveaux liens sociaux.” Résultat: l’EPN multiplie les partenariats – avec Enéo, l’asbl du mouvement social des aînés ou avec le Musée (animations liées aux expositions).
Guichet conseil du numérique
A Huy, la bibliothèque a négocié un accès gratuit à la plate-forme d’apprentissage Vodeclic pour l’ensemble des habitants de la commune et l’initiative WikiHuy, un Wiki citoyen (voir notre article) se poursuit. “Il est ouvert à tous les habitants, artistes et associations qui peuvent travailler à construire un auto-portrait numérique de la région.”
Michel Jadot (EPN de Huy): “Les EPN ont de plus en plus un rôle de tissage de liens et de guichet conseil du numérique.”
S’y ajoutent des wiki café au cours desquels les participants peuvent échanger sur des mises en commun de thématiques particulières, d’histoires régionales, de cartes postales. “C’est une manière de remettre du lien social, de renforcer la cohésion sociale grâce au numérique”, souligne Michel Jadot, coordinateur de l’EPN.
Une radio Web s’adresse plus spécifiquement aux jeunes.
Plan d’e-inclusion Horizon 2020
Le SPP intégration sociale a demandé une mise à jour des propositions faites en 2010 par la Fondation Travail-Université (FTU) en collaboration avec l’asbl Linc (Centrum voor Lezen, Informatie en Communicatie) sur base de l’évaluation du plan 2005-2010 de lutte contre la fracture numérique.
Nécessaire en effet car les inégalités d’accès ont fondu. On les retrouve principalement dans les populations à très faibles revenus et formations.
Gérard Valenduc: “Le plan e-inclusion Horizon 2020 est un plan-cadre où l’on sait bien qu’un grand nombre de mesures devront être gérées par les différents niveaux de pouvoirs locaux.”
Aujourd’hui, et tout en luttant contre ces poches d’exclusion numérique (et sociale), c’est à l’inégalité des usages qu’il faut s’atteler, selon Gérard Valenduc, directeur de recherche à la FTU. “On assiste à un élargissement de la notion d’alphabétisation numérique – notion que l’on traduit en France par celle de “littératie” numérique. En Flandre, on parle de culture critique des médias. On est loin de l’apprentissage de la souris et de Windows. Il faut pouvoir s’inscrire dans la culture, les outils et les services en ligne.”
Dans le même temps, les acteurs de terrains comme les EPN s’épuisent, en quête d’un dispositif de financement plus simple et plus structurel et d’une reconnaissance salariale.
“Le plan e-inclusion Horizon 2020 doit se lire dans un contexte où le Fédéral aura un rôle de moins en moins important”, souligne Gérard Valenduc. “Il s’agit d’un plan-cadre où l’on sait bien qu’un grand nombre de mesures devront être gérées par les différents niveaux de pouvoirs locaux. Nous avons pointé 6 grands objectifs (voir ci-dessous), notamment un soutien accru aux espaces publics numériques (EPN) et la mise des technologies numériques au service du lien social.”
Quant au rôle des pouvoirs locaux, il est par exemple préconisé d’“inscrire l’inclusion numérique dans les plans communaux pluri-annuels d’action sociale, notamment en incitant les autorités communales à reconnaître le rôle-clé des EPN dans la politique éducative et culturelle communale, dans le travail de quartier et dans la vie associative.”
Condition sine qua non qui figure également dans les recommandations et les points d’actions du plan: veiller à ce que les décideurs publics locaux s’approprient eux-mêmes le numérique, “ancrer le numérique dans leurs pratiques en encourageant leur propre processus d’alphabétisation numérique.”
Six objectifs
– Au niveau individuel: promouvoir l’accessibilité et l’utilisabilité des technologies et services numériques fixes et mobiles comme un droit essentiel pour l’ensemble des citoyens, et en particulier pour les plus défavorisés
– Au niveau collectif: soutenir les espaces publics numériques et les aider à relever les nouveaux défis de l’inclusion numérique
– Mettre les technologies numériques au service du lien social
– Démocratiser l’appropriation des technologies numériques au service des projets professionnels, sociaux et personnels du plus grand nombre de citoyens
– Promouvoir le développement des technologies numériques dans une perspective de développement durable
– Anticiper l’évolution technologique, ainsi que l’apparition de nouveaux facteurs de vulnérabilité ou d’exclusion
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