Femmes et IT? “Time is up. Go Digital”. Women In Tech (Bruxelles) part en campagne…

Hors-cadre
Par · 04/06/2018

Quelle place les femmes occupent-elles dans la 4ème révolution industrielle? Bien modeste, discrète, timide encore. De petits progrès dans les statistiques se font jour mais le chemin paraît encore bien long.

Le réseau bruxellois Women in Tech, qui vise à promouvoir la présence et le poids des femmes dans l’économie numérique et les métiers du numérique et de l’IT, s’est posé la question. Ou, plus exactement, l’a posée à ses membres à l’occasion d’une enquête (voir méthodologie en note de bas de page), doublée d’une campagne de sensibilisation baptisée TimesUpGoDigital.

Sous-représentation chronique

Les chiffres relevés en Région bruxelloise, via cette enquête parmi les membres de Women In Tech, confirment un constat: les femmes sont encore sous-représentées non seulement au sein des sociétés, surtout lorsque les postes concernés sont à responsabilité ou à forte teneur technologique, mais aussi dans les conseils d’administration.

Le créneau des start-ups numériques ou de la nouvelle économie (participative ou autre) ne fait pas exception:

  • en Belgique, 13,7% des créateurs de start-ups sont des femmes, un cran en-dessous de la moyenne européenne qui est de 15% (chiffre européen datant toutefois de 2016)
  • en Région de Bruxelles-Capitale, pendant la période 2012-2016, on ne relevait que 8% de start-ups innovantes à fort potentiel de croissance dirigées par une femme, “soit un à deux points de moins que dans les 2 autres Régions du pays”.

Quant à la présence de femmes au sein des conseils d’administration d’entreprises actives dans le secteur ICT bruxellois, elle demeure minimale: 77% d’hommes, 16% de femmes, 7% de personnes morales. Ce chiffre provient d’une publication Trends Business Information (août 2017) reprise par les auteurs de l’énquête TimesUpGoDigital.

Se prendre en main

Si les femmes sont moins représentées dans le secteur IT ou, en tout cas, à certains postes, en quoi sont-elles les premières responsables? La question vaut bien entendu d’être posée en toute transparence. En jeu: le degré de compétences maîtrisées. Et là, de leur propre aveu si l’on en croit les résultats de l’enquête, des progrès restent à accomplir.

Qui a dit que les filles n’aimaient pas bidouiller? Photo d’une activité CoderDojo.

Plus de 70% des femmes interrogées disent maîtriser des techniques de navigation, de recherche, de tri et sélection (évaluation) des données et de l’information. Par contre, elles ne sont plus que 21,9% à déclarer “maitriser les outils technologiques”. Expression qui fait référence à des compétences en programmation mais aussi en Web design, par exemple.

Dans le cadre de leurs activités professionnelles, les femmes, par contre, sont très présentes et actives sur les réseaux sociaux (“plus que la moyenne de la population”), en ce compris pour du marketing Web. Principales plates-formes utilisées: Facebook (plus de 90%), Instagram (50%), Twitter (environ 32%).

Parmi le panel des femmes ayant participé à l’enquête (et cela est corroboré par une enquête antérieure de la DG Statistique du SPF Economie, datant de 2016 – “Utilisation des TIC et de l’e-commerce dans les entreprises”), on constate que les femmes sont plus utilisatrices de solutions de vente en-ligne que la moyenne relevée sur l’ensemble des entreprises belges (30% contre 25,6% au niveau national).

Les études IT/numérique n’ont toujours pas la cote

A peine 7% de filles dans les classes pour la filière informatique. Le score est plus encourageant – mais toujours insuffisant – quand on élargit la perspective à la thématique globale STEM (Sciences, Technologie, Ingénierie, Mathématiques): selon Agoria, la proportion féminine serait de 25% – ce qui vaut à la Belgique de figurer en… 21ème position dans le classement européen !

Et les diverses initiatives de type “école de codage” n’attirent pas plus de participantes féminines. Au mieux, elles parviennent à “recruter” 10% de filles.

La première cohorte de candidats pour l’Ecole 19 était hyper-majoritairement masculine. Seulement quatre jeunes femmes s’y sont inscrites jusqu’ici, comme nous le signalions dans notre article. Les instigateurs espèrent certes que ce chiffre grimpera pour les pelotons de candidats attendus en juillet et août, grâce notamment aux actions menées avec Women In Tech et Actiris, mais il faudra juger sur pièce.

Loubna Azghoud, coordinatrice de la plate-forme Women In Tech, estime par ailleurs que la très faible proportion de jeunes filles ou femmes inscrites est “quelque chose de paradoxal. Lorsque nous organisons un événement de sensibilisation, nous faisons toujours salle comble.”

Un problème de passage à l’acte? “Il faut sans doute convaincre davantage, faire témoigner celles qui ont réussi des formations ou dans des métiers IT.” On verra plus loin que c’est là l’un des objectifs de la campagne TimesUpGoDigital. 

Les chiffres cités ci-dessus sont en tout cas confirmés de toutes parts. Lorsque le cadre est moins académique et “formaté” (mais il faudra vérifier qu’il y a réellement un lien de cause à effet), certaines initiatives rencontrent davantage de succès auprès d’un public féminin. Ainsi, du côté de CoderDojo Wallonie, on annonce une participation de filles de l’ordre de 30%. Mais avec une tendance interpellante: “jusqu’à 9 ou 10 ans, il y a quasi équilibre entre garçons et filles. Mais à l’adolescence, le pourcentage chute plus que sensiblement”, témoigne Valérie Gillon, “community lead” chez CoderDojo.

Question de priorités différentes à l’adolescence, de prise de conscience d’une féminité ou d’une image à projeter qui est trop largement influencée par les stéréotypes? Une réflexion s’impose… A titre personnel, Valérie Gillon se demande si ce ne serait pas une bonne idée de prévoir des formations et/ou animations orientées IT et numérique uniquement réservées aux filles (à l’image des ateliers CoderDojo 4 Divas). Histoire qu’elles puissent s’y sentir plus à l’aise, sans le regard, la pression – réelle ou ressentie – de la mixité. “Elles oseraient peut-être plus” et gagneraient ainsi en confiance. Là aussi, ceci n’est qu’une idée, à creuser et débattre…

Prêtes à apprendre

La bonne nouvelle, c’est que les femmes actives qui sont membres du réseau Women In Tech sont la preuve vivante qu’elles sont prêtes et désireuses d’apprendre et d’acquérir de nouvelles compétences technologiques. Près d’un tiers veulent s’engager à court terme dans des formations.

Près de la moitié des femmes ayant participé à l’enquête disent d’ailleurs avoir déjà suivi des formations orientées ICT mais le type de formations confirme que ce qui les attire avant tout reste l’utilisation marketing/relationnelle des réseaux sociaux. La formation la plus suivie est ainsi celle de la gestion des réseaux sociaux/e-marketing (47% des réponses). Les formations plus techniques sont clairement à la traîne. Programmation: 12% ; web design: 10%.

Loubna Azghoud (Women In Tech): “La 4ème révolution industrielle est une opportunité incroyable de changer le monde, de rétablir les équilibres de genre, et un vecteur de développement humain. Aujourd’hui, les femmes sont encore trop absentes de cette nouvelle industrie. TimesUpGoDigital est une campagne qui souhaite marquer le temps du passage à l’action !”

Multiplier les repères

Une fois de plus, l’enquête révèle un besoin – ou une attente – maintes fois exprimé(e): pour attirer plus de femmes vers le monde de l’IT, il serait utile de les inspirer par des exemples de réussites.

L’absence de “role model” figure en bonne place dans les raisons évoquées comme étant des “freins à l’entrepreneuriat techno chez les femmes”.

Ce paramètre arrive en troisième position, derrière le problème de conciliation vie privée/vie professionnelle et les préjugés et stéréotypes. Mais avant d’autres paramètres tels que le manque de confiance en soi, l’“aversion au risque” ou encore “la discrimination sexiste des investisseurs”. Ce dernier élément est, soulignons-le au passage, considéré comme un important frein objectif, en ce compris au niveau mondial. En effet, “les start-ups sont essentiellement financées en amont par du capital risque qui provient de fonds d’investissement, un secteur particulièrement masculin…”

Pour en revenir au manque de “role models”, l’enquête menée par Women In Tech avait demandé aux participantes quel était, pour elles, le Top 3 des “role models” féminins. Réponse: Marie Curie, Sheryl Sandberg, directrice opérationnelle de Facebook, et Dominique Leroy, patronne de Proximus.

Un Top 3 qui ne manque pas d’étonner ! Que Marie Curie continue d’être la première référence (même si elle a en effet marqué son époque et les multiples implications ultérieures qu’ont eues ses travaux) est en soi révélateur d’un manque d’exemples connus, marquants, récents.

Autre preuve flagrante et, somme toute, inquiétante: le fait que Sheryl Sandberg se pointe en deuxième position. L’effet Facebook, certes, mais en soi pas très rassurant…

Quant à la troisième position de Dominique Leroy, elle peut paraître une bonne chose. Encore faudrait-il que l’intéressée endosse le rôle. Or, nous l’avions croisée à la récente inauguration de l’Ecole 19 à Uccle LIEN. La question lui avait alors été posée de savoir pourquoi elle ne jouait pas davantage un rôle d’ambassadrice et de porte-drapeau des métiers de l’IT ou encore des débouchés qu’ouvrent des compétences en programmation. Sa réponse était assez étonnante: “je ne suis pas sûre que les jeunes me connaissent”. CQFD ! Si l’on ne prend pas le taureau de la communication “exemplative” par les cornes, le déclic ne se fera jamais…

L’un des objectifs de la campagne TimesUpGoDigital consistera donc à donner une plus grande visibilité aux parcours de femmes bruxelloises “inspirantes” qui témoigneront à l’occasion de conférences ou par le biais de vidéos, des réseaux sociaux… Parmi ces “ambassadrices”, citons Valérie Zapico (Valkuren Consulting), Ségolène Martin (Kantify, Meetsies), Nadia Aimé (She Leads Digital) et Harmony Bertrand (Birdiz).

Loubna Azghoud se dit néanmoins consciente que convaincre, même par l’exemple, sera une tâche de long haleine. Mais certains chiffres et signes lui paraissent encourageants: “A ses débuts, BeCode ne comptait que 3% de participantes féminines. Après une campagne d’information et grâce au bouche-à-oreille, le pourcentage est passé au-delà des 20%.”

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L’enquête TimesUpGoDigital a récolté les réponses de 320 personnes. Profil moyen des participantes:

  • catégorie d’âge la plus représentée: entre 25 et 45 ans
  • profession: beaucoup d’entrepreneures (plus de 40 %) ou de porteuses de projet entrepreneurial (plus de 70% souhaitent créer ou co-créer une entreprise, dont 30% à court terme)
  • formation: 69% sont des universitaires (Master ou MBA) ; 19% ont un diplôme de bachelier
  • types de formation: 43,22% ont choisi les sciences humaines, 25% les sciences économiques
  • domaines d’activités: 40% évoluent dans le secteur ICT, 19,63% dans les services aux personnes/santé et 13,08% dans le commerce.  [ Retour au texte ]