Opération de séduction, jeudi dernier, à la Chambre de Commerce du Royaume-Uni, à Bruxelles, à destination des start-ups IT belges (et luxembourgeoises). Objectif: dévoiler les avantages dont elles peuvent espérer bénéficier en s’établissant outre-Manche.
En matinée, plusieurs jeunes pousses IT locales avaient eu l’occasion de présenter leurs projets ou de soumettre des questions à divers acteurs de l’“écosystème high-tech britannique” (mentors actifs dans un accélérateur, consultants, business angels…). L’après-midi, un débat et des échanges avaient été organisés avec un panel d’investisseurs et acteurs du monde des start-ups, opérant au Royaume-Uni (voir leur profil en encadré ci-dessous) afin de “mieux faire comprendre la culture et l’environnement d’innovation technologique que peut offrir le Royaume-Uni”, pour reprendre les termes d’Alison Rose, ambassadrice britannique en Belgique.
Les orateurs n’ont pas manqué de lister les divers avantages que propose le Royaume-Uni: facilité de constitution d’une société outre-Manche, conditions fiscales avantageuses, présence de nombreux investisseurs individuels, fonds d’investissements, incubateurs et accélérateurs, infrastructure haut débit…
Suivez l’argent
Roderick Beer. Directeur opérationnel de Ruffena Capital, société de services qui procure conseils, services commerciaux et capitaux à des sociétés en phase de croissance. “Coach” au GrowthAccelerator. Il fut précédemment le directeur opérationnel du réseau d’investissements privés Beer & Partners, et le directeur de la section Entrepreneur Services du réseau Ideas Factory (business angels et crowdfunding).
Ruz Chishty. Membre du conseil consultatif de Startup Stock Exchange (services de type boursiers pour investissements dans des start-ups), PDG de SeedAvenue et de Crowdfundrs, conseiller pour plusieurs accélérateurs (Level39, Virgin Startup, Startupbootcamp…).
Matthias Geeroms. Jeune entrepreneur belge, co-fondateur et directeur financier d’OTA Insight, société active dans le secteur de l’optimisation des réservations hôtelières. Basée à Londres pour des raisons financières, la start-up belge met en oeuvre des techniques d’analyse pour expliquer le classement des hôtels sur les plates-formes de réservation.
Tony Hughes. Spécialiste “Digital Content” pour UK Trade & Investment, l’agence gouvernementale britannique qui aide et conseille les entreprises étrangères à s’implanter au Royaume-Uni. Il opère comme conseiller dans le cadre de son Global Entrepreneur Programme (GEP). Il est également le directeur de l’agence Focus Innovation, spécialisée dans les conseils aux start-ups dans le secteur des médias numériques.
John Spindler. Co-fondateur du London Co-Investment Fund, principal acteur londonien des financements de type “capitaux d’amorçage” (“seed money”) et CEO de Capital Enterprise, l’organisation londonienne qui chapeaute une série de prestataires de services, tous orientés start-ups et entrepreneurs: incubateurs, programmes d’accélération, conseils, réseautage, hébergement, formations…
Stefano Tresca. Ancien programmeur, avocat et… lobbyist, cet Italien s’est reconverti dans le conseil et le financement de start-ups. Il est l’un des associés du programme iSeed (lieu d’implantation: Londres) qui procure des conseils et services en matière de financement ou de législation aux jeunes entreprises.
Plusieurs des orateurs ont largement insisté sur le nirvana financier que représente Londres à leurs yeux. “Pour quiconque cherche à lever des fonds, Londres est l’un des meilleurs endroits qui soit”, affirmait notamment John Spindler.
Si l’argent est disponible en abondance à Londres (en ce compris du côté d’investisseurs cosmopolites), certaines règles fondamentales ne changent pas parce qu’on est en Angleterre. Et être une start-up étrangère peut constituer une difficulté.
“Un business angel n’investira pas dans une société qui risque de quitter le territoire [privant le Royaume-Uni de la manne financière en cas de revente ou d’essor]”, rappelait John Spindler. “Il investit généralement dans un rayon de 50 miles autour de son camp de base.” Pourquoi? Parce que, dès le départ, il vise une exit. La plus rapide et profitable bien sûr. “Parce qu’il sait que la majorité des projets n’aboutiront pas et qu’il veut dès lors veiller au grain sur son investissement, pouvoir travailler étroitement avec l’équipe…”
Au minimum, toute jeune pousse qui veut dès lors attirer des fonds de business angel britannique doit donc avoir un véritable pied à terre, prouver qu’une équipe est réellement à l’oeuvre au UK…
Désavantage de Londres: le coût de la vie, de l’immobilier et des ressources humaines. Comptez minimum 20.000 livres sterling de plus à Londres pour le moindre salaire de développeur – et la différence va croissant selon les compétences requises.
Le coût de la vie explique que la moitié des sociétés basées à Londres aient des bureaux également ailleurs au Royaume-Uni. Il est dès lors intéressant pour tout entrepreneur qui rêve d’outre-Manche de penser aussi à d’autres points de chute qui constituent, eux aussi, des nids hi-tech intéressants: Manchester, Sheffield, la région Bristol-Bath, Belfast, Edimbourg.
Ruz Chishty: “L’écosystème britannique procure non seulement des capitaux, des contacts, des talents mais aussi des clients potentiels – 10 millions de Londoniens – et la proximité avec les universités. Vous avez là toutes les strates nécessaires pour bâtir votre société et démontrer la valeur de votre projet.”
Si les talents sont plus chers à Londres, l’effort est rendu plus digeste par les différents avantages fiscaux imaginés par le gouvernement britannique, soulignait Matthias Geeroms. “Là où un employeur belge doit verser 35% en charges, son homologue britannique s’en sort avec 15%. L’imposition est également plus légère pour l’employé. Les salaires sont certes plus chers mais vous pouvez en donner plus à vos employés à la fin du mois…”
Un écosystème qui n’a rien de… britannique
Stefano Tresca, en tant qu’Italien, fut le premier à souligner que l’écosystème londonien avait comme particularité de ne pas être… britannique mais plutôt international, cosmopolite. Ce qui, à ses yeux, comporte un avantage majeur: “vous ne vous y sentirez pas étranger.”
Une bonne manière, selon plusieurs orateurs, de se lancer est d’intégrer un incubateur ou de rejoindre un programme d’accélération. Pour diverses raisons. C’est – comme partout – un moyen de s’insérer dans une communauté ayant des aspirations et des activités similaires. Ce qui est encore plus marqué dans le cadre d’incubateurs “verticaux”, spécialisés, tels que le Level39.
“Les incubateurs vous apportent de l’argent, un espace où travailler, une communauté, des mentors…”, rappelait John Spindler. “Les accélérateurs, eux, vous procurent des formations en tous genres (lean startup, customer development…), des liens avec les universités, les business schools qui en sont partenaires…”
John Spindler: “50% des équipes ou projets “accélérés” à Londres viennent d’Europe.” Lisez – c’est un Britannique qui parle – du “Continent”.
Stefano Tresca, lui aussi, conseille de prendre le chemin des accélérateurs ou incubateurs. “Même si ce n’est que pour y envoyer une ou deux personnes de votre équipe. Mais c’est important pour vous d’avoir quelqu’un à Londres, qui puisse faire partie de cette communauté.” Pour y échanger des idées, prendre contact avec des investisseurs potentiels, ou encore pour baigner dans une mentalité qui mélange à la fois culture européenne et culture américaine. “Londres, c’est aussi le premier pas vers les Etats-Unis. D’autant plus que tous les grands acteurs du venture capital américain ont un bureau à Londres…”
Source: The Global Startup Ecosystem Index, 2012.
Quid de transborder l’ensemble d’une équipe à Londres? Il n’y a pas de réponse unique. Mais voyez plutôt l’avis de Matthias Geeroms qui peut éviter certaines déconvenues. Selon lui, si une start-up décide de sauter le pas, il vaut mieux pour elle y aller avec un noyau déjà solide. “Il faut bien se connaître. Nous avons nous-mêmes fait l’expérience: il est plus aisé d’engager des gens qu’on connaît, avec qui des affinités géographiques, culturelles ou linguistiques sont chose acquise. Il nous a été plus facile de trouver des développeurs à Gand ou Anvers. C’est pourquoi notre équipe de développement est basée en Belgique…”.
Matthias Geeroms: “La différence avec la Belgique est qu’à Londres vous côtoyez quasi uniquement des start-ups hi-tech. Cela vous aide énormément de pouvoir échanger à tout moment avec des sociétés et entrepreneurs qui sont dans la même mouvance que vous.”
Si l’écosystème londonien n’est pas spécifiquement britannique, une caractéristique qui, par contre, l’est bel et bien – et qui a déjà été évoquée plus haut – est celle des avantages fiscaux imaginés par le gouvernement. Notamment des programmes favorables aux investissements en R&D (ce qui couvre également les coûts salariaux des ingénieurs et développeurs) et des réductions d’impôt pour tout particulier qui investit une certaine somme dans une start-up (déductibilité allant jusqu’à 70%). Avec en outre la perspective de bénéficier d’un remboursement si la start-up vient à faire faillite.
De g. à dr.: Stefano Tresca, Roderick Beer, John Spindler, Matthias Geeroms et Tony Hughes
“Cela permet parfois de récupérer totalement sa mise”, souligne Stefano Tresca. “Le gouvernement a réellement été bien inspiré en misant sur l’investissement dans les start-ups pour combattre la crise. Il a ainsi amené vers ce secteur de l’argent qui dormait sous les matelas ou qui était investi dans des obligations étrangères…”
Il voit un autre avantage dans cette mesure: “les réductions d’impôt sont un puissant incitant. Comme le risque est limité, les gens sont davantage tentés d’investir dans plusieurs start-ups.”
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