Dans la première partie de son réquisitoire, Carl-Alexandre Robyn, consultant du cabinet Valoro, expliquait en quoi le conseil financier traditionnel, fourni par les collaborateurs en chair et en os de nos organismes bancaires, pouvait s’avérer partial, mal documenté, trompeur ou décevant. Il terminait en disant “exaspération et soumission ne seront bientôt plus une fatalité pour les usagers des banques grâce à l’éclosion grandissante de robo-advisors … une perspective alléchante.”
Voyons dès lors, dans ce deuxième volet, en quoi des “robots”-conseillers, des algorithmes (par définition écrits et gérés par des êtres humaines) seraient meilleurs…
Exaspération et soumission [aux défauts ou incapacités du conseiller financier humain] ne seront bientôt plus une fatalité pour les usagers des banques. En effet, pour eux, l’éclosion grandissante de robo-advisors est une perspective alléchante.
Avec, les robots-conseillers financiers, la procédure est simple. Vous allez sur le site Internet, vous remplissez un questionnaire – combien voulez-vous investir ? à quelle échéance ? quels risques êtes-vous prêts à prendre ? – et la machine vous suggère des plans épargnes appropriés.
Et pour la banque, le bénéfice est évident. C’est moins cher, il n’y a pas besoin de mobiliser des conseillers financiers dans des agences, et surtout, toutes les réponses restent en mémoire, permettant de prouver aux régulateurs que les clients ont été informés selon les règles en vigueur.
En Europe, d’après un sondage HSBC réalisé en mai 2017 auprès de 12.000 personnes (source Les Echos du 01/06/2017), 90% des personnes interrogées accepteraient des conseils robotisés mais veulent garder la main sur leurs décisions d’investissement. Deux ans auparavant, Accenture avait cherché à savoir, en interrogeant plus de 32.000 personnes dans 18 pays, comment les consommateurs allaient réagir aux progrès impressionnants réalisés dans la digitalisation des services financiers et de l’assurance et, déjà, près de 70% d’entre eux étaient favorables au robot-conseil, indiquait l’étude.
Des deux études, il ressort que les clients voient dans la robotisation des prestations financières l’opportunité de services plus rapides (pour 59% d’entre eux), moins coûteux (pour 31%). Les robots sont même considérés comme plus objectifs et plus analytiques que les conseillers actuels. Mais près des deux-tiers des consommateurs restent quand même attachés au contact humain pour le traitement des réclamations (68%) ou pour un accompagnement administratif dans la mise en œuvre des solutions plus complexes proposées par l’algorithme (61%).
Carl-Alexandre Robyn (Valoro): “La valeur ajoutée des robo-advisors – “coaches financiers” – commence bien avant les divers types de planification sophistiquée (fiduciaire, fiscale, financière, etc.).”
Un robot-conseiller bien conçu, capable de connaître l’historique de vos placements, votre dossier d’assurances ou votre profil d’investisseur, et d’effectuer en conséquence certaines opérations sophistiquées, doit remplacer au plus vite tout interlocuteur humain dans la banque, et pas seulement le conseiller en gestion de patrimoine ou le conseiller des investisseurs.
En effet, la valeur ajoutée des robo-advisors “coaches financiers” répondant à vos questions, par sms, par e-mail, ou même au téléphone et exécutant vos ordres 24 heures sur 24, 7 jours sur 7, commence bien avant les divers types de planification sophistiquée (fiduciaire, fiscale, financière, etc.). En réalité, elle apparait immédiatement dès les premières demandes d’assistance à la banque, quel que soit le type de requête (même basique) : cartes (débit/crédit), garanties, comptes courant, épargne, assurances, etc.
Que demain arrive vite où un robot prendra la place du banquier pour conseiller, de manière mieux informée, moins intéressée, moins biaisée, le client sur un placement ou un crédit hypothécaire. Les ordinateurs ne fatiguent pas, n’ont pas d’a priori, voient des choses qui échappent à l’homme. Ils sont aussi plus rapides et n’ont pas d’ego qui peut fausser leur jugement.
De toute façon, au vu de la multiplication et de l’évolution des algorithmes financiers intégrant l’IA (Intelligence Artificielle), c’est inéluctable, le robot arrivera bientôt à délivrer de manière récurrente une meilleure performance que celle d’un gestionnaire physique. Ne nions pas cette évidence !
Cela ne veut pas dire que tout le monde obtiendra alors la même performance: ce qui fera la différence, c’est la qualité de conception et d’expertise des algorithmes mis au point par les différents établissements bancaires ou financiers.
Le contact humain, de moins en moins central dans la relation bancaire
Certes, cette assertion est contraire au discours institutionnel actuel. Mais, du point de vue de la stricte efficacité du conseil donné – ou de l’obtention de la solution optimale -, la robotisation et la digitalisation donnent à la compétence d’expert automatisée plusieurs longueurs d’avance sur l’expertise humaine !
Il ne faut pas se leurrer, aujourd’hui, la qualité de la relation entre le client et son banquier se mesure à l’aune de l’expertise réellement apportée au client (recommandations idoines d’emprunt ou d’investissement complexes, sophistiquées, plutôt que traditionnelles) et non pas au sourire, à l’amabilité, à la jovialité, à la bienveillance du banquier.
Source: blog Paul Weiss (Accenture)
Quand une solution est proposée par le robot, on sait que c’est le fruit de la connaissance, de l’expérience et de l’habileté de plusieurs experts (tous ceux ayant conçu l’algorithme décisionnel).
Par ailleurs, plusieurs têtes (surtout si elles sont bien remplies) valent mieux qu’une. Tandis qu’une recommandation délivrée par un chargé de clientèle ou un spécialiste n’est le fruit que d’une seule tête pensante, avec ses limites de capacité intellectuelle: mémorisation de détails, analyse, intuition, préjugé…
Le robot-conseil financier a une bien meilleure connaissance factuelle du client, il peut instantanément tirer profit des masses colossales d’informations que la banque possède dans différents fichiers et bases de données sur le client. Il peut donc objectivement mieux cibler son offre de produits/services.
Le robo-advisor manie instantanément toutes les données sur le client. Le conseiller humain ne peut le faire que de manière fractionnelle et séquentielle en parcourant les fichiers et bases de données les uns à la suite des autres. La mémoire humaine est dépassée par l’explosion du volume d’informations numérisées, concernant non seulement les clients, mais aussi les produits et services commercialisés par l’ensemble des banques et autres institutions financières, sans oublier les alternatives conçues et développées par les fintech.
On comprend instinctivement que seuls les outils d’intelligence artificielle sont suffisamment performants pour donner un sens à ce nouvel amas d’informations. Les nouvelles technologies permettent d’accumuler des données non triées dans ce qu’on appelle des “lacs de données” (data lakes). C’est un peu comme une armoire d’adolescent, sauf que les logiciels permettent de s’y retrouver facilement.
La technologie conduit la banque à devenir de plus en plus automatisée mais, en outre, cette technologie aide les banques à fournir des prestations bien plus personnalisées que ce qui a été réalisé jusqu’ici. Elle donne aux gens l’impression que la banque les connaît bien mieux qu’auparavant et, dans bien des façons, elle fournit un service au moins aussi bon que quand les interactions étaient exclusivement humaines.
“On comprend instinctivement que seuls les outils d’intelligence artificielle sont suffisamment performants pour donner un sens à ce nouvel amas d’informations.”
De fait, les systèmes actuels d’IA, intégrant de multiples bases de données (fiscales, économiques, financières…) qui permettent de qualifier plus précisément encore le diagnostic et de démontrer les effets des solutions apportées, fournissent une analyse en temps réel qui fait gagner un temps précieux aux usagers des banques.
Qui souhaite aller voir son conseiller bancaire, alors qu’on peut avoir la joie de parler à une machine ? En reconnaissant l’utilisateur, la machine lance une vidéo personnalisée. “Bonjour Georges. Voici le niveau de votre prêt bancaire. Voici combien vous avez payé jusqu’à présent et voici combien vous devez encore rembourser.”
Une vidéo est-elle bien nécessaire quand une simple lettre faisait parfaitement l’affaire jusqu’à présent ? Une vidéo demande beaucoup moins d’attention, et les gens ont tendance à mieux s’en rappeler. Surtout, pour la banque, une telle vidéo vaut de l’or dans ses relations avec le régulateur, qui insiste pour que chaque client ait été bien informé des produits financiers qu’il achète. Cela permet en effet de prouver qui a regardé la vidéo et combien de fois.
J’aimerai toujours m’entretenir avec mon banquier privé mais seulement pour confronter des idées d’ordre général, pour parler de futilités, pour contester et négocier les tarifs, pour discuter de choix et de comparaison de robo-advisors. Le véritable vecteur de construction d’une relation de confiance entre ma banque et moi est la qualité de la recommandation fournie / de la solution apportée. Un conseiller plein de gaieté franche, simple et communicative me proposant des solutions banales n’enrichit pas la relation de confiance. Une application numérique froide et distante me prodiguant une proposition originale totalement adaptée à ma situation enrichit mon attachement à la banque qui l’a mise au point.
L’apocalypse du travail devra attendre
Ceci dit, il y a quand même une complémentarité entre l’algorithme et les employés de la banque. En effet, la composante humaine reste intéressante en amont et surtout en aval du conseil per se.
Dans le troisième et dernier volet de son exposé, Carl-Alexandre Robyn abordera la question – sensible et cruciale – de l’emploi. L’Intelligence artificielle va-t-elle décimer les troupes bancaires? Bien au contraire, estime l’auteur. A découvrir, ce lundi.
Carl-Alexandre Robyn
Start-up Financial Architect (Cabinet Valoro)
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