Connectivité des écoles wallonnes: dossier pour le prochain gouvernement

Hors-cadre
Par · 03/07/2014

Parmi les recommandations formulées par l’AWT, l’année dernière, pour l’avenir de l’“école numérique”, on relevait notamment ce passage: “La clé incontournable de tous les usages TIC dans les écoles […] réside dans la mise à disposition, dans toutes les classes, d’une connexion Internet adéquatement dimensionnée et fiable pour répondre aux besoins du professeur et des élèves, quels que soient les terminaux utilisés (fixes, portables, tablettes, baladeurs, smartphones).”

Il avait donc été décidé de procéder à une évaluation technique afin d’“évaluer les besoins en bande passante des usages TICE (IT appliquée à l’éducation) dans les écoles et de déterminer les solutions techniques les plus recommandables pour amener le réseau dans les classes.”

Cette étude sur la connectivité des écoles en Wallonie, réalisée conjointement par l’AWT et par Multitel, est depuis plusieurs mois entre les mains du SPW. La décision, quant aux actions à prendre – et financer, dépendra évidemment du prochain gouvernement.

[ La suite de cet article qui expose les constats posés par l’étude est réservé à nos abonnés SELECT ou PREMIUM ].

Bilan et perspectives

L’objectif de l’étude était de déterminer les investissements et mesures nécessaires auxquels les établissements scolaires devront procéder afin notamment de bénéficier d’“une utilisation confortable des outils pédagogiques actuels et futurs” et de garantir “un réseau fiable, performant, sécurisé, évolutif et correctement dimensionné”. Un réseau qui serait câblé et/ou sans-fil. Parmi les conditions, considérées comme indispensables, auxquelles cette infrastructure devrait satisfaire, le rapport cite la sécurité, “une maîtrise de la solution par le personnel scolaire”, des coûts optimisés, et une solution qui soit évolutive.

Pour être en mesure de se faire une idée aussi exacte possible de l’existant, des besoins, des contraintes et des scénarios envisageables, les auteurs de l’étude avaient sélectionné un échantillon d’établissements scolaires pouvant “représenter le plus possible la disparité des situations: différents niveaux et réseaux d’enseignement, ancienneté des locaux et de l’infrastructure, taille d’école…”

Les constats

En filigrane de l’analyse de l’existant et des scénarios possible, on retrouve des constats, déjà posés antérieurement par l’AWT – mais selon une méthode moins systématique – lors de ses annuels “Baromètres ICT”. Quels sont-ils?

Tout d’abord, une couverture souvent insuffisante et parcellaire. Là où un réseau sans-fil Wi-Fi existe, il s’avère beaucoup trop parcellaire, limité à quelques rares points d’accès couvrant des zones spécifiques (salle des profs, bureaux administratifs). Souvent sans connexion entre ces points d’accès.

Selon les niveaux d’enseignement, seuls de 9 à 13% des établissements scolaires ouvrent ce réseau à tous les utilisateurs potentiels (chiffre du Baromètre 2013 de l’AWT).

Même lorsque des antennes ou bornes sont disponibles pour les élèves, cela ne veut pas forcément dire que qualité et performances soient pour autant garanties. “Que peut-on espérer faire avce une seule borne pour plusieurs centaines d’élèves?”, s’interroge André Delacharlerie de l’AWT.

Dans l’ensemble, les performances sont certes jugées “bonnes” par le rapport final AWT/Multitel, mais avec une grande diversité de débit et de qualité de connexions selon les écoles. “Le débit est parfois tellement faible qu’exploiter les ressources disponibles sur Internet est impossible”, constate Multitel.

Autre constat, qui s’applique à une majorité d’établissements: l’absence de compétences internes pour assurer la gestion quotidienne du réseau. Seules les grandes écoles tirent, semble-t-il, leur épingle du jeu. Mais en recourant généralement à un prestataire extérieur ou en chargeant un professeur de cette tâche, alors que ce n’est pas forcément dans ses cordes.

Intra et/ou extra muros?

De quelle connectivité parle-t-on en fait? Comme le soulignent les auteurs du rapport, “équipement interne en connectivité et accès Internet sont les deux faces d’une même médaille.” Et s’il fallait choisir, en termes de priorités, ils préconisent avant tout de “garantir l’existence d’une connexion Internet à haut débit pour chaque établissement”, en précisant toutefois qu’il faut éviter “que l’un des deux volets ne soit le maillon faible.”

Sur le terrain, à l’heure des choix, il faudra nécessairement tenir compte d’une réalité. A savoir, une demande de connexion(s) allant croissant et des usages nouveaux, plus exigeants, d’Internet. “De plus, au vu de cloud, le besoin en upload sera de plus en plus important, avec une réduction probable de la dissymétrie du trafic entrant et sortant”, souligne le rapport. “Ceci et le besoin toujours plus grand en bande passante rendent particulièrement pertinentes l’installation et l’utilisation de la fibre optique, quand la technologie et la disponibilité sont possibles à un coût raisonnable.”

Ceci étant posé, le rapport se concentre essentiellement sur la connectique interne des établissements scolaires, le problème du haut débit, une fois quitté l’enceinte de l’école, étant une autre aire de manches et un domaine où l’on attend la Région au tournant, elle qui semble avoir abdiqué toute responsabilité de service public universel en décidant de revendre son patrimoine fibre. Un débat en soi sur lequel nous ne nous étendrons pas dans le cadre de cet article.

Quelle utilisation de l’Internet?

A l’issue de son analyse (effectuée, pour rappel, sur un échantillon représentatif d’écoles), Multitel constate une faible utilisation des capacités (potentielles) d’Internet. “Il est difficile de trouver actuellement des cas représentatifs d’usage intensif des connexions Internet dans une école.”

Pas moyen non plus de dresser une sorte de carte ou de typologie des usages: “la consommation de bande passante est très différente en fonction du type d’utilisation de la connexion Internet.”

Quelques conclusions toutefois:

  • deux fois plus de trafic entrant que sortant
  • un Internet parfois dédié à une section technique ou à une seule cyberclasse, avec un “usage parfois exclusif par les professeurs d’ateliers”
  • pour les écoles disposant d’une cyberclasse, un usage qui se résume essentiellement à des consultations de sites Web, avec, comme signalé plus haut, une balance qui penche résolument vers les téléchargements de données (90% en download contre seulement 10% en upload)
  • un débit utile estimé (download) variant entre un minimum de 500 Kbps par utilisateur jusqu’à 1 Mbps; en upload, le débit minimal est de 0,1 Mbps par élève connecté, “ce qui laisse une marge pour une utilisation plus intensive dans les années à venir.”

Autre élément dont les futurs décideurs politiques devront tenir compte pour éviter que se reproduisent certains écueils ou “effets de bord” inattendus: la performance réelle dont disposent les écoles en passant par les solutions financées ou co-financées par la Région. La bande passante dont elles disposaient dans le cadre du projet Cyberclasse se sont avérées insuffisantes.

A l’origine, on parlait encore de connexion RNIS I-line. De manière étonnante, l’AWT constatait, l’année dernière, qu’il subsistait encore 37% de connexions (sur l’échantillon retenu pour son Baromètre 2013, soit 1.254 lignes) qui étaient de type RNIS ou ADSL “light”. “Facteur limitant dans de très nombreux cas”, souligne de son côté Multitel. “Pour une visualisation fluide d’un flux HD en streaming pour prendre un exemple concret. Sans parler du cas où cet usage se ferait en parallèle pour tous les élèves d’une classe…”

Les mises à niveau opérées vers ADSL se sont aussi avérées décevantes, l’opérateur (Belgacom) ayant bridé la bande, accusent certains.

Résultat: nombre d’établissements se sont tournés vers les offres “grand public” des opérateurs (Voo ou Belgacom), en raison de tarifs avantageux. Ils ont donc pris des abonnements “de type grand public haut débit, souvent via le câble de distribution, en dehors de l’offre officielle qui leur était réservée mais qui n’offre pas une connexion digne de l’appellation haut débit selon les critères actuels”, constate Multitel.

Problème supplémentaire identifié, cette fois en matière de parc matériel: pour les besoins quotidiens en gestion du réseau, les auteurs de l’étude estime qu’il serait utile d’autoriser une gestion à distance, à des fins de “surveillance, gestion proactive, configuration, gestion des points d’accès…”

Mais voilà, les écoles qui ont investi dans des solutions “non officielles”, sur sur fonds propres sans l’aide de la Région dans le cadre du programme Cyberclasse, ont souvent choisi un matériel  “de type grand public” qui ne permettrait pas cette gestion à distance (voire pas de gestion du tout). Ce qui impliquerait de devoir les remplacer…

Les attentes

Les enseignants et les élèves ne se satisfaisant plus de débits moins performants que dans leur vie de tous les jours (en dehors de l’école), le rapport remis au SPW estime que les connexions nécessaires devraient “à minima, être de type VOO de base (30 Mbps / 1,5 Mbps) ou Belgacom ADSL de base (4 Mbps / 300 kbps)”.

Pour ce qui des craintes que suscite le Wi-Fi chez certains, source potentielle d’impact sur la santé, Multitel recommande, “par prudence”, de recourir à une solution qui permette d’éteindre les points d’accès “pendant certaines périodes”.

Quels scénarios?

Pour garantir cette “utilisation confortable des outils pédagogiques actuels et futurs” que préconisent les auteurs de l’étude, Multitel a comparé les avantages potentiels, impacts et coûts de plusieurs scénarios d’équipement (interne) des écoles en solutions de connectivité.

Conclusions?

Du “tout filaire” (réseau local LAN) poserait évidemment le gros inconvénient de ne pas supporter les mobiles (tablettes, smartphones…)

Du “tout Wi-Fi” est également déconseillé. Raison invoquée: “si un recâblage est envisagé par la suite, le coût sera très important pour arriver à une solution tout filaire.”

La solution optimale consisterait à opter pour une solution mixte LAN/WLAN (réseau sans-fil), associée à des classes équipées. A savoir, un réseau sans-fil Wi-Fi déployé dans l’ensemble des locaux et classes, ainsi que réseau filaire pour les classes équipées en ordinateurs.

Inconvénient: le coût de cette formule.

Si l’on tient compte de ce paramètre budgétaire, une solution intermédiaire (Wi-Fi partout et une prise filaire par classe) est considérée comme “un bon compromis technique”, tout en réduisant “sensiblement” l’investissement nécessaire. Elle combine, aux yeux de Multitel, les avantages d’évolutivité et de souplesse, “le câblage pouvant être réalisé classe par classe, là où c’est nécessaire, sans aucun gaspillage.”

De manière totalement logique, la recommandation est par ailleurs de prévoir un “équipement interne LAN de qualité. c’est un investissement significativement lourd mais durable”, argumente l’AWT. “Une tablette a une durée de vie maximale de 4 ou 5 ans. Un point d’accès ou un commutateur peut durer près de 10 ans si le matériel choisi est de niveau professionnel. De même, un bon choix de câblage, par exemple Catégorie VI, a potentiellement une durée de vie de 20 ans.”

Conseil final d’André Delacharlerie: “miser sur la qualité, tant en structures qu’en supervision. C’est là le rôle de l’autorité publique. Il est plus logique qu’elle investisse dans l’infrastructure plutôt que dans les terminaux. Après tout, c’est ce qu’elle fait dans d’autres secteurs: elle investit dans les routes qui vous permettent de rouler, pas dans votre voiture…”