Les datacenters se mettent à l’énergie durable. Ici, le parc solaire du datacenter Wallonia DC de NRB à Villers-le-Bouillet…
“La durabilité ne fait pas partie des priorités des centres de données dits de colocalisation” [data centers accueillant les infrastructures ou mettant certains de leurs propres équipements à disposition de clients].
Ce constat est tiré de l’étude réalisée récemment par l’IBPT à la demande de la ministre Petra De Sutter, en charge du portefeuille Télécommunications (réseaux et services de communications électroniques) et exerçant par ailleurs une autorité conjointe avec le secrétaire d’Etat à la Digitalisation.
Les conclusions de l’étude de l’IBPT ont incité la ministre à s’intéresser de plus près à l’état des lieux environnemental des data centers situés en Belgique et, plus spécifiquement, aux efforts qu’ils déploient ou non, ou comptent (ou non) mettre en oeuvre, pour alléger leur empreinte énergétique et environnementale.
Sont concernés non seulement les centres de colocalisation mais aussi les data centers d’opérateurs, de prestataires cloud, et – il ne faudrait pas les oublier – les salles serveurs et centres de données gérés par les entreprises elles-mêmes – une dernière catégorie qui, souligne l’IBPT, ne brille pas non plus par l’intérêt qu’elle accorde à la transition durable: “la durabilité y demeure au stade embryonnaire”.
Pour tenter d’infléchir le cours des choses, une période de concertation s’engage qui devrait durer plusieurs mois, au cours de laquelle la ministre sondera les exploitants de ces centres de données afin de déterminer quelles sont leurs intentions. Ou la manière dont ils perçoivent les “incitants” devant les guider dans la voie d’une empreinte plus durable.
Extrait du rapport de lIBPT (17 novembre 2022): “Il est important de bien comprendre si et comment cette problématique [l’augmentation de la consommation de données et son influence sur l’empreinte écologique des centres de données] est abordée à l’heure actuelle. En effet, il est hors de question que les avantages écologiques générés par d’autres secteurs grâce à l’utilisation des centres de données soient contrebalancés par l’impact des centres de données eux-mêmes.”
Les exploitants de centres de données ne sont évidemment pas les seuls à pouvoir faire bouger le curseur. Il leur reviendra – ou il reviendra à l’action éventuelle que prendra le gouvernement – d’également “sensibiliser” et amener d’autres acteurs à passer à l’action. Sont ici visés les fournisseurs des data centers et leurs clients (entreprises ou organismes publics qui leur confient leur infrastructure ou leurs données).
Sensibiliser, recommander plutôt qu’imposer?
Quelle pourrait être la nature de l’action gouvernementale? L’espoir – c’est en tout cas comme cela que la ministre le formule – est de ne pas devoir en passer par des mesures contraignantes (via voie légale). La période de “concertation” visera donc plutôt à déterminer “comment contenir la consommation d’énergie dans certaines limites, quelles sont les possibilités de l’inscrire systématiquement à l’ordre du jour. L’occasion de déterminer également la nature des incitants financiers pouvant être envisagés ou encore la nécessité d’élaborer des normes claires ou de procéder à des audits.”
Petra De Sutter: “Pour inciter les centres de données à accroître leur durabilité, je veux ouvrir une discussion avec eux. L’Europe travaille sur la durabilité et procède actuellement à une refonte de la directive relative à l’efficacité énergétique, mais des accords concrets ne sont pas attendus avant des années.”
“L’étude réalisée par l’IBPT, visant à faire le bilan des perceptions actuelles, est la première étape”, indique la ministre. “On enclenche désormais l’étape suivante qui est celle d’une campagne de sensibilisation du secteur afin d’accélérer la transition vers le renouvelable et d’en appeler à un recours plus prononcé à des technologies de nouvelle génération afin de réduire les besoins en énergie des centres de données.
Il s’agit désormais de passer à l’action. Sans en passer par de la réglementation si ce n’est pas nécessaire. On constate en effet que certains centres de données ont déjà pris des initiatives. Le but, via cette phase, est de déterminer quelles sont les mesures prises par le secteur, de voir quelles sont les bonnes pratiques, les résultats obtenus, de voir lesquelles fonctionnent.
L’espoir est d’en arriver à de l’auto-régulation de la part des exploitants de centres de données.”
Et d’ajouter que fixer un cadre chiffré (seuil à ne pas dépasser, norme à respecter) serait de toute façon chose délicat, sinon impossible – en raison notamment de l’hétérogénéité des contextes.
Faire jouer l’argument économique?
Quel discours pourrait inciter les exploitants – et les clients – de data centers à se montrer plus proactifs en termes de “verdissement” de leur empreinte? Il y a bien sûr, idéalement, le souci de la planète, les convictions de nécessaire protection de l’environnement et de la viabilité de notre petite boule terrestre. Mais est-ce se bercer d’illusions sur la robustesse de la fibre écologique de ces acteurs?
Aux yeux de Petra De Sutter, l’argument ou la motivation qui aura sans doute plus de poids est le raisonnement économique. Autrement dit, diminuer les factures d’infrastructure et d’énergie ou encore prolonger la durée de vie (en bon état) des équipements afin d’améliorer les indicateurs financiers.
Ce en quoi en rejoint l’avis des responsables de l’étude IBPT: “Les data centers associent le concept de durabilité à l’amélioration de leur modèle d’affaires. Ce fut d’ailleurs également le cas aux Pays-Bas et en Allemagne. Entre-temps, la situation dans ces pays a évolué. Les data centers y communiquent de manière nettement plus active parce qu’ils se rendent compte que cela contribue à leur capacité de différenciation concurrentielle.
Il est dès lors intéressant de déterminer la manière dont il est possible de conscientiser les data centers à ce changement de perspective intervenu à l’étranger, éventuellement par le biais d’organisations telles qu’Agoria ou le Beltug.”
Le rapport de l’IBPT, intitulé “Etude relative aux centres de données et aux réseaux de diffusion de contenu en Belgique”, peut être téléchargé via ce lien.
Le “Wallonia One” en exemple…
Aux Isnes (Gembloux), solaire et éolien seront une source d’énergie non négligeable pour le datacenter de LCL (racheté à Engie Cofely)…
Pour annoncer sa volonté de concertation du secteur, la ministre avait choisi le site Wallonia One de LCL (parc d’activités Les Isnes, près de Gembloux), en raison des mesures environnementales déjà prises par cet opérateur. A savoir: déploiement d’un parc de panneaux solaires (2.000) générant une puissance de 1 Mégawatt, assurant environ 20% de ses propres besoins en énergie. Extension prévue, en 2023, via ajout de quelque 1.300 panneaux supplémentaires, de quoi générer 0,6 MW de plus. Ou encore recours exclusif depuis peu à du biodiésel. “De quoi réduire nos émissions de CO2 de 90%, dans ce registre.” Le centre de données LCL d’Alost sera le premier à basculer vers ce carburant vert.
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