Marc Raisière, CEO de Belfius, membre du groupe de réflexion AI 4 Belgium, plantait le décor lors de son intervention en début de semaine, pour la présentation du rapport concocté par AI 4 Belgium: “Il y a une responsabilité globale du gouvernement et du secteur privé dans son ensemble d’embarquer l’IA dans un modèle business à destination des PME, à améliorer la prise de conscience, à offrir un lieu où partager les expériences, à aider les PME à investir en IA, avec, pour ce dernier élément, une nécessaire liaison à instaurer au niveau de l’Union européenne.”
Le rapport AI 4 Belgium estime que, de manière générale mais plus particulièrement du côté des PME, “les entreprises belges n’expérimentent pas assez avec l’IA”. D’autant plus qu’il s’agit là encore d’un domaine qui demeure obscur aux yeux de beaucoup. Si les PME “s’adaptent plus facilement et sont plus ouvertes à l’expérimentation”, il leur manque encore souvent la compréhension, les moyens de maîtriser les implications de l’IA, de se former, de se doter des profils nécessaires ou encore des ressources financières pour se lancer à l’eau.
Ferdinand Casier, responsable Digital Industries chez Agoria: “Il faut inciter un maximum d’entreprises, en ce compris plus particulièrement les PME, à au moins se poser la question de l’input que l’IA a ou peut avoir dans leur business, pour leurs clients, pour leur écosystème. Avoir ce réflexe serait déjà beaucoup.”
Du côté wallon, le collectif Réseau IA a entamé son travail d’inventorisation et d’activation de l’écosystème IA naissant. Parmi ses actions en cours, le lancement d’une enquête à destination des PME, afin de “recueillir leurs attentes et besoins en matière d’intelligence artificielle de telle sorte que le Réseau IA puisse mener des actions pertinentes en accord avec le tissu économique”.
Le questionnaire est accessible en-ligne via ce lien.
Il poursuit: “Il faut identifier, pour chaque société, les bons use cases. Et il faut accompagner les PME parce qu’elles n’ont pas les moyens, à elles seules, d’y parvenir. Après avoir identifié les use cases pertinents, une phase de validation est nécessaire, avant le lancement effectif du projet.
Cette phase doit être rapide et efficiente – entre 10 et 60 jours. Histoire d’éliminer rapidement les projets qui ne tiendraient pas la route.”
Cherche accompagnateur(s)
Qui pour servir d’accompagnateur et/ou guide pour cette phase de validation? “Divers acteurs existent déjà. On peut par exemple penser au MIC. Il faut en tout cas mettre à disposition des PME les outils de validation de use cases.”
Reste la question, fondamentale, du financement de tels projets basés sur l’IA. Pour la phase de coaching et de validation, Ferdinand Casier estime qu’une intervention du secteur public est nécessaire. “On pourrait imaginer une forme de chèque tels que les chèques entreprise. Pour détecter et valider les projets. Par des acteurs qui ont une bonne connaissance de l’IA et du domaine.
Une fois le projet validé, le financement devrait être assuré par l’entreprise elle-même, pour le lancement effectif.”
En matière de financement, Pierre Rion, président du Conseil du numérique wallon, y va de sa petite idée perso: créer un fonds d’investissement à l’usage des start-ups mais aussi des PME qui aurait pour finalité précise de mettre le pied à l’étrier de petites structures désirant expérimenter l’IA, sur base de projets concrets, bien argumentés, “afin de pouvoir vérifier dans quelle mesure l’IA peut en effet favoriser leur rentabilité ou efficacité fonctionnelle ou métier.”
Mais ce fonds fonctionnerait selon des modalités spéciales, avec renvoi d’ascenseur: “Il s’agirait d’un fonds d’amorçage pour valider le potentiel de productivité de l’IA. Sur base de l’analyse de l’effet induit, de l’apport financier contributif de l’IA, la société qui aurait bénéficié de ce financement d’amorçage pourrait ensuite rembourser la mise de fonds sur base des résultats probants engrangés.” Une sorte d’avance récupérable…
Des “instruments” trop méconnus
Pour favoriser une adoption plus dynamique de l’IA par les PME, un autre élément, étroitement lié à la problématique du financement, est celui de l’infrastructure disponible. Notamment pour héberger, traiter et analyser les données qui seront livrées en pâture à l’IA.
En la matière, Nathanaël Ackerman, expert en intelligence artificielle (ancien conseiller Innovation d’Axelle Lemaire, ex-Secrétaire d’Etat française au Numérique et à l’Innovation, et directeur du “hub” France Intelligence Artificielle), souligne l’intérêt qu’il y aurait à “mutualiser l’infrastructure (calcul et données)”, par le biais de data centers (publics?) et de services d’accompagnement.
La mutualisation ne concerne d’ailleurs pas uniquement la (grosse) infrastructure. Le groupe d’experts pointe également l’utilité de “construire des outils communs, tant technologiques, administratifs, organisationnels que formatifs”. Quelques exemples: mutualiser les ressources de bureaux d’experts en traitement du langage naturel, la créer des normes résorbant le flou juridique, des “guides” permettant aux PME de mesurer leur “AI readiness”…
Nathanaël Ackerman recommande aussi de “mieux faire percoler les potentiels offerts par l’Europe.” Les PME ne sont pas suffisamment au courant et ne sollicitent pas assez les moyens pourtant disponibles.
“Certes, les NCP [National Contact Points] existent mais ils ne sont pas spécialisés en IA… Il faudrait une organisation transversales qui puisse toucher tout le monde.” Et amener de petites structures à lancer ou participer à des projets finançables par des programmes prévus notamment dans le cadre de Horizon Europe, Digital Europe ou du mécanisme de financement CEF (Connecting Europe Facility).
Autre levier à actionner davantage: le recours aux ressources et solutions des PME [et start-ups] par… les pouvoirs publics. “Des initiatives comme Public Procurement of Innovation ou Pre-Commercial Procurement ont déjà été mises en place”, peut-on lire dans le rapport, “mais les institutions publiques devraient utiliser plus souvent ces techniques, surtout lorsque les fournisseurs se font plus rares…”
Nathanaël Ackerman (AI 4 Belgium, Hub France IA): ”Il faut accompagner les PME pour la gestion des données. Ce sera l’un des rôles de la coalition IA 4 Belgium mais qui, pour ce faire, devra accueillir davantage d’experts.”
A suivre:
Quelle suite donner au rapport remis au gouvernement? Le “think tak” deviendra-t-il “act tank”?
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